Une nécropole unique de l’âge du Bronze découverte en Moravie centrale
En 2020, un cueilleur de champignons découvrait par hasard dans les monts Jeseníky une hache et une épée datant de l’âge du Bronze en s’adonnant à son passe-temps favori. Un chanceux, ce champignonneur : pourtant, la plupart du temps, les découvertes archéologiques sont le fruit de fouilles ciblées et sur le temps long : il en va ainsi de la mise au jour d’une immense nécropole de l’âge du Bronze près d’Olomouc (Moravie), où des raretés ont été découvertes.
En Tchéquie comme ailleurs, l’intérêt pour les découvertes archéologiques connaît un véritable essor ces dernières années : besoin de comprendre d’où nous sommes issus pour mieux savoir où l’on va, fascination pour un passé que les avancées de la recherche scientifique nous permettent de mieux appréhender, nécessité – vitale – de s’extraire de l’actualité, ou meilleure communication des chercheurs en la matière ? Les raisons de cet engouement sont probablement multiples et un peu tout cela à la fois.
En tout cas, les nouvelles mises au jour réalisées sur le territoire tchèque ces dernières années sont à chaque fois l’occasion de se rappeler la richesse de son patrimoine préhistorique – et notablement en Moravie, région fertile tout particulièrement bénie en termes de découvertes.
Entre septembre 2023 et avril de cette année, au nord d’Olomouc, les archéologues ont mis au jour deux sites de peuplement et deux sites funéraires, dont une grande nécropole issue de la culture dite de Nitra, soit entre 2 100 et 1 800 avant notre ère. Pas moins de 130 tombes se trouvent sur ce vaste site qui est considéré comme l’une des découvertes les plus importantes dans la recherche sur cette culture, comme l’explique Vendula Vránová, à la tête de l’équipe :
« Il s’agit de l’un des plus grands sites funéraires de cette période découverts dans notre pays. À l’époque, les personnes étaient généralement inhumées en position accroupie sur le côté, mais à notre grande surprise, nous avons également découvert des corps dans des positions différentes. Certains ossements ont été délibérément réarrangés, probablement dans le cadre d’un rite de passage qui permettait au défunt de passer du monde des vivants à celui des morts, ce qui constitue une découverte tout à fait unique en son genre. »
Baptisée du nom de la rivière Nitra en Slovaquie voisine, cette culture archéologique du début de l’âge du Bronze est issue de la culture de la céramique cordée, et qui s’est plus tard éteinte au fur et à mesure que ses représentants adoptaient les pratiques de la célèbre culture d’Únětice. La culture de Nitra se distingue par le recours très fréquent à des objets en cuivre et l’inhumation des morts dans de vastes tombes en terrasse. Dans ces nécropoles préhistoriques, les défunts étaient également enterrés avec des objets spécifiques, comme c’est le cas sur le site mis au jour près d’Olomouc :
« Il s’agit le plus souvent de pointes de flèches en silex, de petits ornements en cuivre tels que des agrafes et des bijoux qui faisaient partie des vêtements, et typiquement de nombreux ensembles de perles en os qui étaient probablement cousues sur les vêtements ou enfilées ensemble. Nous avons également mis au jour des poignards en cuivre et des récipients en céramique. »
Une trépanation préhistorique réussie
Dans les 130 tombes découvertes, des femmes, des hommes et des enfants, mais aussi des corps inhumés ensemble, par deux. Dans l’une des tombes mises au jour se trouvait une femme ayant subi une trépanation : une procédure médicale consistant à ouvrir le crâne à l’aide d’un silex tranchant, pratiquée en cas de traumatisme crânien grave ou peut-être même en cas de problèmes psychiques. Les archéologues ont pu déterminer que la femme en question avait survécu à cette intervention chirurgicale d’il y a plus de 4 000 ans car l’orifice dans son crâne s’était refermé et que l’os avait bien cicatrisé.
400 mètres plus loin, sur un terrain plat surplombant la vallée de la Morava, les archéologues ont mis au jour une autre nécropole important, où ils ont exploré 32 autres tombes, comme le détaille encore Vendula Vránová :
« Ce site est particulièrement intéressant car il couvre quatre périodes différentes de notre passé. Les premières tombes, qui remontent à environ 4 500 ans, se trouvaient à l’origine sous des tumulus. Lorsque les Celtes sont arrivés, ils ont choisi d’enterrer leurs morts au même endroit. On y trouve également la tombe d’un guerrier germanique du IIIe siècle après J.-C., ainsi que des tombes appartenant aux Slaves de la période de la Grande Moravie, au IXe siècle. »
C’est d’ailleurs probablement un des aspects les plus fascinants de cette mise au jour : le fait que le site ait été utilisé comme lieu de culte et de sépultures pendant plusieurs millénaires sans interruption, y ait vu se succéder pas moins de six cultures préhistoriques, mais aussi des utilisations bien plus tardives jusqu’au début du Moyen Age, rappelle que l’histoire – même très ancienne – est bien plus une question de continuités que de ruptures.