Slovaquie : Robert Fico dénonce des « ingérences de politiciens tchèques »

Robert Fico

Les relations continuent de ne pas être bonnes entre les gouvernements tchèque et slovaque. Le Premier ministre slovaque Robert Fico vient de dénoncer les ingérences des politiciens tchèques dans les affaires intérieures de la Slovaquie.

Lors d'une conférence de presse lundi, Robert Fico a également déclaré que les attaques contre lui en Tchéquie visaient principalement à discréditer l'ancien Premier ministre tchèque Andrej Babiš.

« Je peux citer des dizaines d'exemples d'ingérence de politiciens tchèques dans la politique intérieure (de la Slovaquie) et tout autant d'attaques contre le Premier ministre de la République slovaque, diffusées par les médias tchèques comme un cancer. Personne ne fait rien à ce sujet, car les attaques contre Robert Fico en République tchèque visent avant tout à salir Andrej Babiš. En Tchéquie, vous créez une image disant : attention, Andrej Babiš sera pareil que Robert Fico », a déclaré le Premier ministre slovaque.

Robert Fico a indiqué la semaine dernière qu’un coup d’État était en préparation contre son gouvernement.

« Nous devrions être vigilants, car aucune violence ne s'est produite nulle part, aucun signe de coup d'État en préparation ne s'est manifesté, et je pense que nous devrions appeler les choses par leur vrai nom », a déclaré en réaction le président tchèque Petr Pavel, tandis que des dizaines de milliers de Slovaques ont manifesté ce week-end contre le gouvernement Fico et pour l’orientation pro-européenne du pays.

Des dizaines de milliers de Slovaques ont manifesté ce week-end contre le gouvernement Fico et pour l’orientation pro-européenne du pays | Photo: Jakub Gavlak,  EPA/Profimedia

En mars de l’année dernière, le gouvernement tchèque dirigé par Petr Fiala a interrompu les consultations bilatérales avec les autorités slovaques en raison de divergences sur des sujets clés de politique étrangère, en particulier concernant la guerre en Ukraine.

Grand favori des législatives de l’automne prochain, Andrej Babiš, de son côté, s'est déjà déclaré favorable à une reprise de ces consultations intergouvernementales avec Bratislava en cas de participation de son mouvement ANO à un futur cabinet en Tchéquie.

Les Slovaques, plus grande minorité étrangère en Tchéquie

Le sociologue et écrivain Fedor Gál a définitivement quitté sa Slovaquie natale dans les années 1990 pour s’installer à Prague. Selon lui ce qui se passe actuellement en Slovaquie est particulièrement inquiétant.

Fedor Gál | Photo: Alexis Rosenzweig,  Radio Prague Int.

Fedor Gál : « Si les citoyens de la République tchèque pensent que cela ne les concerne pas parce que c’est une affaire étrangère, ils se trompent lourdement. Premièrement, nous avons été un seul et même État pendant très longtemps. Deuxièmement, la plus grande minorité étrangère en Tchéquie, ce sont les Slovaques : 200 000 Slovaques vivent ici, la migration est unidirectionnelle, de la Slovaquie vers la Tchéquie. »

« Troisièmement, si la Slovaquie s’oriente vers la Fédération de Russie, alors les Russes se retrouveront à la frontière de la République tchèque, et cela, je le considère comme une tragédie, une tragédie absolue. Quatrièmement, ce que les gens dans cette région – pas seulement en Tchéquie ou en Slovaquie – ne réalisent pas, c’est qu’ils vivent déjà dans un contexte de guerre. Faire semblant que ce qui se passe en Ukraine ne m’intéresse pas est une absurdité totale. Ignorer le Proche-Orient est également absurde. Aujourd’hui, les conflits armés ont une dimension globale, et nous sommes déjà dedans. »

En Slovaquie, de nombreux jeunes (déjà diplômés ou pas encore) veulent partir. Il y a déjà aussi à Prague un premier nouveau cas qualifié d’ « exilé politique », Arpád Soltész. Pensez-vous que d’autres suivront ?

Fedor Gál : « Arpád Soltész est une personnalité publique que tout le monde connaît, mais il y a littéralement des dizaines de milliers de jeunes Slovaques qui étudient dans des universités à Hradec Králové, Olomouc, Opava, Brno ou Prague. Parmi eux, 80 à 90 % ne retourneront pas en Slovaquie, sauf peut-être pour s’occuper de leurs parents âgés. Cette migration est un phénomène majeur. Bien sûr qu’il y en aura d’autres. Ce qui est terrifiant, c’est que cette fuite des cerveaux s’intensifie. »

« L’exode des meilleurs éléments de la Slovaquie »

Fedor Gál en 1990 | Photo: Paměť národa

Après avoir été à la tête du mouvement pro-démocratique (en tant que président du VPN) du côté slovaque de la Tchécoslovaquie, Fedor Gál avait dû se résoudre à quitter la nouvelle Slovaquie indépendante dirigée par la clique de l’ancien Premier ministre Vladimir Mečiar, qui avait fait du pays dans les années 1990 le « trou noir de l’Europe », selon la formule consacrée.

Fedor Gál : « Moi, j’ai quitté la Slovaquie à cause de Mečiar, mais eux partent aujourd’hui à cause de l’atmosphère générale en Slovaquie. Pas à cause d’un seul individu, mais à cause du climat ambiant et de la recherche d’une éducation de qualité. Ils veulent réaliser leurs objectifs de vie et leurs ambitions. Pour moi, c’est une tragédie, car c’est l’exode des meilleurs éléments de la Slovaquie. »

La manifestation à Bratislava | Photo: Václav Šálek,  ČTK

Et à la question de savoir si les récents rassemblements pro-européens organisés à Bratislava et plusieurs autres villes slovaques peuvent être un signe d’espoir pour ceux qui souhaitent une Slovaquie qui soit moins servile envers la Russie de Poutine, Fedor Gál estime que, conformément au dicton local, l’espoir meurt en dernier :

« Si l’on perd toute illusion et tout espoir, alors la vie n’a plus de sens. Donc oui, il y a de l’espoir. Certains le trouvent dans la foi, qui n’a pas forcément besoin d’être religieuse ou politique : cela peut être la foi en des valeurs comme la liberté, une vie digne. D’autres le trouvent dans la famille, l’amour, la solidarité, ou la vie communautaire. Chacun cherche sa propre voie. Mais je le dis très sérieusement : sans espoir, il est impossible de vivre. »