La désignation des rues et lieux publics tchèques (1ère partie)

Václavské náměstí

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha. Vous le savez bien si vous en avez déjà fait l'expérience lors d'un passage à Prague ou en République tchèque, s'orienter dans les villes tchèques n'est pas toujours chose évidente à cause, entre autres, des noms des rues. Non pas que le système de signalisation utilisé diffère des systèmes des autres pays européens, simplement les noms et appellations tchèques à l'orthographe quelque peu compliquée sont parfois bien difficiles à retenir. C'est cette constatation qui nous a amenés à nous intéresser à la signalisation et la désignation des rues, places, ponts, parcs et autres lieux publics en République tchèque.

Les vestiges du côté du Pont Judith
Comme on le sait, la signalisation sert essentiellement à pouvoir s'orienter dans une ville et à identifier les lieux pour les divers besoins administratifs. Comme dans les autres pays européens, en République tchèque, les rues sont donc généralement désignées, à l'exception de quelques petits villages, par des noms et des appellations, et ce à la différence des routes qui, elles, sont signalisées par des chiffres et des lettres.

A l'origine, cependant, en remontant de plusieurs siècles dans l'histoire, les chemins, sentiers et autres pistes ne portaient pas de noms ou appellations, on se contentait alors de les désigner selon l'endroit où elles menaient. Mais là encore, il ne s'agit pas d'une quelconque exception tchèque.

A Prague, une des plus anciennes appellations qui possédaient le caractère d'une véritable désignation était celle du pont Judith - Juditin most, au XIIe siècle. Un pont de pierre roman qui portait le nom de la reine de Bohême de l'époque mais qui a disparu au milieu du XIVe siècle emmenée par une importante fonte des glaces avant d'être remplacé à peu près au même endroit par celui qui deviendra le plus célèbre des ponts tchèques, le pont Charles. Notons encore que ce fameux pont Judith possède pour autre particularité d'avoir été premier pont en pierre construit en Bohême mais aussi au nord des Alpes. Ainsi donc pour l'anecdote...

C'est sans doute de cette même époque, le XIIe siècle, donc, que tirent leurs origines les plus anciennes appellations de lieux appelés aussi lieux-dits à Prague. Un peu plus tard, au XIVe siècle, des places et des marchés commencent à être désignés précisément. On parle ainsi, par exemple, de la Nouvelle place -Nový rynk, de la place du Petit côté - Malostranský rynk, de la place de la Nouvelle ville - Novoměstský rynk, selon les endroits de la ville où elles se trouvent, mais aussi du Marché du pain - Chlebný trh, du Marché de la volaille - Kurný trh, du Marché de la viande - Masný trh, du Marché des fruits - Ovocný trh, du Marché de la houille ou du charbon - Uhelný trh, du Marché du foin - Senný trh, du Marché des bovins - Dobytčí trh, ou encore du Marché des chevaux - Koňský trh, et ainsi de suite. Si vous imaginez bien que la majorité de ces marchés ont depuis disparu à Prague, notons quand même que la petite place dite du Marché aux fruits - Ovocný trh, a conservé son appellation originelle, même si on n'y trouve plus aucun étalage de fruits aujourd'hui.

Enfin, et ce n'est pas l'anecdote la moins intéressante, sachez que la célèbre place Venceslas - Václavské náměstí, ou Václavák dans le langage populaire, qui plus qu'une place est plutôt une longue avenue longue de près de 700 mètres d'ailleurs parfois surnommé les « Champs-Élysées tchèques », s'est appelée jusqu'en 1848 le Marché des chevaux - Koňský trh. Comme quoi, même si on a bien du mal à y imaginer la présence de chevaux aujourd'hui, cette avenue désormais presque entièrement vouée au commerce en tout genre et au tourisme a toujours possédé une vocation marchande.

Peu à peu, certaines rues ont également été désignées par des noms. Il est cependant intéressant de noter qu'à Prague, certains endroits et rues possédaient une appellation en trois langues : latin, allemand et tchèque. Curieusement, pourtant, ces appellations n'étaient pas toujours une traduction réciproque et fidèle. Ainsi, donc, les appellations et noms en latin ou en allemand pouvaient différer celle en tchèque.

Sont ensuite apparues des appellations faisant référence à la consécration d'une église, d'un couvent ou d'un monastère, mais aussi, par exemple, aux propriétaires importants de maisons dans la rue en question. D'autres appellations étaient, elles, données selon l'apparence ou le caractère de la rue, ou encore selon un événement qui s'y était passé. Il en est ainsi, par exemple, de la rue Spálená, dans le centre de Prague, qui a été ainsi désignée suite à un incendie au début du XVIe siècle.

Mais d'une manière générale, jusque-là, cette évolution historique à Prague que nous venons d'évoquer est assez typique pour l'ensemble des villes médiévales en Europe et n'est donc pas propre ou particulière à la capitale de Bohême. Pour cela, il faut attendre le XVIIe siècle avec tout d'abord l'influence de la Contre-Réforme, ou Réforme catholique, qui se fait ressentir sur les noms des rues, puis le tournant des XVIIe et XVIIIe siècles avec la germanisation des Pays tchèques, et ce avant même que l'allemand ne devienne pour un certain temps la langue officielle en Bohême et en Moravie.

C'est ainsi que prend fin ce « Tchèque du bout de la langue » et avec lui la première partie de notre petite série consacrée à la désignation des rues et autres lieux publics en République tchèque. En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine pour la deuxième partie, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !