La « diplomatie du masque » de Pékin : une aide ou une affaire juteuse ?
L’envoi de matériel médical de Chine est-il une aide ou une affaire commerciale ? Tentative de réponse à cette question dans cette nouvelle revue de presse. La société Airbnb se retrouve en difficulté et, ensuite, le rôle de l’opposition politique en ce temps de crise seront deux autres sujets traités. Le magazine se penchera également sur les retombées de l’actuelle crise sur le secteur de la santé. Enfin nous nous intéresserons enfin à une région de Tchéquie, pour l'heure épargnée par le coronavirus.
« Beaucoup de pays européens ont reçu ce matériel il y a quelques jours déjà. Ces dons s’inscrivent dans la ‘diplomatie du masque’ développée par la Chine à l’échelle mondiale, depuis qu’elle a surmonté la phase la plus difficile liée au Covid-19. Les envois de masques de protection, donnés ou vendus, arborent d’habitude les drapeaux de la Chine et du pays receveur, ainsi que des slogans destinés à encourager et à raffermir les relations mutuelles. »
Le quotidien Deník N constate pour sa part que « l’aide » chinoise à la Tchéquie n'a rien d’exceptionnel, puisque des avions chinois ont également atterri dans d’autres pays européens, sans avoir pour autant été gratifiés de conférences de presse. Et de rappeler que le premier avion à avoir atterri le 20 mars dernier à l’aéroport de Prague, avec des équipement de protection chinois, a été effectivement accueilli par une délégation ministérielle, avec à sa tête le Premier ministre Andrej Babiš.
Mauvaises perspectives pour Airbnb à Prague
Le refroidissement du marché immobilier est l’une des conséquences directes de l’épidémie de coronavirus qui se font déjà maintenant sentir, les ventes et les locations d’appartements s’étant arrêtées presque du jour au lendemain. Des milliers de Pragois qui louent des appartements via Airbnb sont particulièrement touchés. Au début de l'année, la plate-forme proposait à Prague près de 13 000 locations à court terme. D’après le site echo24.cz, la baisse de l’intérêt pour les locations Airbnb pourrait améliorer la situation sur le marché locatif :« Selon les experts en immobilier, deux scénarios se dessinent actuellement. Le premier prévoit l’apparition sur le marché d’appartements attrayants à louer au centre-ville et dans les quartiers historiques, tandis que le second s’attend à une vente accélérée d’appartements qui servent à leurs propriétaires d'investissement lucratif. Certes, nul ne sait jusqu’à quand cette situation va se prolonger et quelles seront ses retombées sur le tourisme. Mais des signaux des deux tendances se font déjà remarquer. Les mesures mises en place pour lutter contre la propagation du coronavirus ont fait baisser jusqu’à 30% le prix des loyers dans le centre de Prague. »
Le site echo24.cz indique qu’à la différence des hôteliers et des restaurateurs, les propriétaires d appartements loués à court terme ne peuvent pas compter sur une aide de l’État. Par ailleurs, les autorités tchèques entendent mettre en œuvre très prochainement une régulation plus stricte d’Airbnb.
Une opposition politique dans l’ombre
Alors que l’espace médiatique est dominé par les partis de la coalition gouvernementale (le mouvement ANO et le Parti social-démocrate), l’opposition politique se retrouve perdante. Un constat qui est logique dans la situation actuelle, estime le commentateur du journal E15, avant d’expliquer :« La situation dans laquelle l’opposition se retrouve est difficile, car tout scénario alternatif qu’elle pourrait proposer est perçu comme un luxe superflu. Elle se plaint d’être négligée par les médias, mais force est de constater qu’elle n’a pas réussi à initier une quelconque activité spectaculaire commune qui puisse attirer leur intérêt. Certes, les politiciens de l’opposition ont organisé diverses actions de solidarité, mais celles-ci ne sont pratiquement connues que par leurs sympathisants sur les réseaux sociaux. Or, jusqu’ici, l’opposition ne s’est pas présentée comme une force capable de remplacer l’actuelle coalition gouvernementale, aussi peu efficace cette dernière puisse-t-elle paraître. »
L’intérêt est de savoir quel sera l’impact de cette situation sur les intentions de vote. Le commentateur du journal E15 propose deux alternatives :
« Il est possible que le gouvernement d’Andrej Babiš s’en sorte bien ou, plus encore, qu’il en sorte renforcé, en dépit des erreurs qu’il a commises au début de la pandémie. On peut s’attendre à ce que beaucoup estiment que lors de la crise et au lendemain de celle-ci, tout changement constituerait un risque. D’un autre côté, le ralentissement de l’économie et la crise matérielle qui touchera une certaine partie de la population pousseront les gens à chercher une autre alternative. Il est probable qu’ils ne se retournent pas vers des partis de droite modérés, mais vers des formations qui prônent des solutions radicales et populistes. »
Aucune donnée pertinente confirmant ou infirmant tel ou tel scénario n'existe à l'heure actuelle, à l'exception d'un récent sondage de l’agence STEM qui a montré la hausse de la cote du mouvement ANO.
Santé publique : penser à l’avenir
Le bilan des décès annuels principalement causés par des maladies cardio-vasculaires et oncologiques, varie en Tchéquie autour de 100 000. Selon la méthode mise au point par Eurostat, près d’un tiers de ces décès sont prématurés, faute d'une mise en œuvre de meilleurs soins sanitaires. Comparé aux pays dans lesquels les chiffres de décès prématurés sont nettement plus bas, le système de Santé publique tchèque est largement sous-financé, la somme lui étant destinée variant autour de 7% du PIB. Le commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny met ce constat en lien avec la situation actuelle. Il écrit :« Évidemment, on ne saurait sous estimer les menaces de la pandémie de coronavirus. D’autant plus que l’on n’arrive pas à évaluer le nombre final de personnes contaminées et de victimes. D’un autre côté, le virus affole le monde entier et provoque des émotions immédiates qui ne tiennent pas compte de leurs futures retombées négatives. Le système de santé fait partie des domaines qui risquent de ressentir très fortement le prochain ralentissement de l’économie. »
« Nous vivons un présent horrible. Il faut quand même penser à l’avenir », souligne le commentateur. Et de comparer en conclusion le nombre de 43 000 personnes qui meurent chaque année prématurément avec le taux de morbidité du coronavirus qui se situerait en Tchéquie autour de 1%.
Pelhřimov : une ville et une région épargnées par l’épidémie
La région de Pelhřimov, ville située en Bohême du Sud, demeure, du moins jusqu’à ce vendredi, la seule de Tchéquie sans aucun cas de coronavirus détecté. Ainsi, avec ses quelque 16 000 habitants, Pelhřimov est devenue une sorte de symbole de bonne santé et d’une population particulièrement résistante. Le site info.cz a noté à ce propos :« Alors que des centaines de nouveaux cas de contamination sont recensés quotidiennement dans tout le pays, la ville de Pehřimov reste épargnée. Un mystère même pour les experts. La faible densité de la population et l’absence, à quelques exceptions près, d'entreprises dotées d’une forte concentration de travailleurs, sont autant d’explications possibles. Très fiers de leur réputation, les habitants de la ville misent quant à eux sur l’humour attribuant ce constat à certaines spécificités régionales parmi lesquelles la marque de la bière et les pommes de terre locales, le climat, l’eau... »
Les épidémiologistes estiment cependant que cette situation reste quand même une bombe à retardement et que celle-ci pourrait brutalement changer.