Covid-19 : Les hôpitaux tchèques au bord de la rupture
Avec plus de 6 300 personnes actuellement hospitalisées pour cause de Covid-19, dont plus de 1 200 dans un état grave, soit des chiffres records depuis le début de l’épidémie, les hôpitaux tchèques sont au bord de la saturation. Si ceux de Prague font partie de ceux les plus mal en point, ailleurs c’est dans la région de Karlovy Vary que la situation est la plus critique. Les autorités locales se disent prêtes à demander de l’aide à l’Allemagne voisine pour le transfert de malades, une solution qui jusqu’à récemment était rejetée par le gouvernement.
La République tchèque enchaîne les tristes records : en plus d’être le pays d’Europe qui affiche le nombre le plus élevé de cas sur 100 000 habitants et d’avoir un des taux de décès les plus importants, elle se retrouve dans une situation de quasi saturation de ses services hospitaliers. Seuls 14 % des capacités d’accueil des unités de soins intensifs et de réanimation sont actuellement encore disponibles, dont 156 lits pour les patients Covid.
La hausse continue de nouveaux cas journaliers (+ 11 553 jeudi) entraînant celle du nombre de personnes hospitalisées, trouver de nouveaux lits va être de plus en plus difficile, s’inquiètent les soignants. Les places viennent à manquer même dans les régions qui jusqu’à présent pouvaient encore accueillir les patients dans un état grave venus des zones les plus touchées. Il y a un mois, les hôpitaux de Bohême du Sud avaient encore 90 lits disponibles. Aujourd’hui, il n’en reste que la moitié. On écoute le médecin-chef du service réanimation de l’hôpital de Jindřichův Hradec, Vít Lorenc :
« Il ne s’agit pas seulement d’admettre un patient et de lui fournir une place standard, mais il faut aussi prévoir le fait que ce patient peut nécessiter des soins intensifs. Or, là, nos capacités en termes d’admission sont très limitées. Si on devait récupérer des patients d’une zone plus touchée que la nôtre, évidemment on essayerait de trouver une solution avec les hôpitaux de notre région. Mais c’est vrai que ce serait très difficile. »
Encore rejeté il y a peu par le gouvernement tchèque, le transfert de patients Covid tchèques dans les Länder allemands frontaliers se fait plus pressant. Les présidents des régions les plus touchées, dont celui de Karlovy Vary, plaident dans ce sens depuis plusieurs semaines. Malgré l’intransigeance de l’Allemagne sur la question des frontières quasi hermétiquement fermées aux ressortissants tchèques, pas plus tard que jeudi, le ministre-président de la Saxe Michael Kretschmer a réitéré une nouvelle fois l’offre de l’Allemagne. Ce même jour, le ministre de la Santé Jan Blatný, auquel il a reproché de refuser cette main tendue, a concédé qu’il négociait avec le voisin allemand :
« Nous sommes en train d’étudier toutes les conditions pour organiser ces transferts, pour savoir comment les frais seraient couverts. Nous sommes également en contact avec nos représentants diplomatiques en Allemagne. Nous concentrons nos efforts sur ces questions afin que le jour où nous en aurons besoin – et il se peut que ce soit très bientôt – un tel transfert puisse être réalisé immédiatement. »
D’après le ministre tchèque de la Santé, l’Allemagne peut offrir quelques dizaines de places libres aux patients tchèques. Mais selon les calculs de l’Institut pour les informations et statistiques sanitaires, ce sont des centaines de places en plus qu’il faudra peut-être trouver d’ici la fin du mois de février – notamment à destination des personnes nécessitant des soins intensifs. Le nombre de cas graves pourrait encore augmenter pour atteindre plus de 1 500 à la fin de la semaine prochaine, or actuellement il ne reste plus que quelque 150 places en tout pour les accueillir.
80 000 tests PCR viennent d’être analysés montrant que le variant britannique du Covid-19 devient prédominant en Tchéquie. Ces analyses ont été menées pour l’heure dans neuf des 14 régions du pays et indiquent que cette nouvelle mutation est la plus répandue dans les régions de Prague et de Plzeň, où elle représente 70% des échantillons.
Cette situation sanitaire délétère s’inscrit dans un contexte de défiance grandissante vis-à-vis du gouvernement de coalition qui s’est récemment vu refuser la prolongation de l’état d’urgence par une majorité des députés du Parlement, obligé de contourner ce dernier en en appelant aux présidents de région. De défiance, et peut-être surtout d’indifférence de la population qui semble s’être résignée à être passée en quelques mois et de manière durable de pays « best in Covid » selon la formule du Premier ministre qui a bien mal vieilli, au pays le plus touché d’Europe.