La fête des lumières à Prague, du ballon de baudruche au pot de yaourt

Photo: ČTK

Après avoir attiré 250 000 personnes lors de la première en 2013, la deuxième édition du Signal Festival, la fête des lumières, se tient en cette fin de semaine à Prague. Chaque soir, de 19 heures à minuit, jusqu’à dimanche, une vingtaine d’installations lumineuses, interactives et mapping video (projections illusionnistes) permettent de voir quelques-uns des plus beaux monuments et endroits du centre de la capitale tchèque sous un autre jour. Parmi les invités cette année figurent deux représentants français : l’atelier Chevalvert avec son projet MURMUR sur le pont Charles et le Collectif Coin (Maxime Houot et Nohista) qui ont investi un jardin le long de la rivière Vltava (Zítkovy sady) avec un dispositif de 256 ballons gonflables appelé Cyclique. Radio Prague les a rencontrés pour qu’ils nous parlent de leur travail. Voici donc d’abord Julia Puyo, du studio Chevalvert. Elle parle d’abord de ce festival pragois :

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« Le point qui est très beau de ce festival est qu’il investit la ville, il utilise beaucoup d’espace public, qui sont des références d’un point de vue architectural, pour les touristes pour s’imprégner de la ville… A chacun de ces endroits représentatifs, ils installent des œuvres d’art et invitent le public à s’approprier de ces espaces architecturaux, monumentaux. On voulait avoir l’opportunité d’installer dans un monument. »

On peut penser que c’est une démarche classique des organisateurs pour ce genre de festival…

« Oui, mais pour nous dans le cadre de Murmur, nous avons surtout installé dans des festivals soit à l’intérieur, dans des grandes salles, dans des usines… C’est la première fois que Murmur peut être installé dans un monument public, concrètement sur le pont Charles, le pont le plus ancien de Prague. Nous allons être du côté de la tour. »

« Murmur est une prothèse architecturale, d’un côté nous avons un cône dans lequel le public va parler, qui transforme la voix en lumière. Cette lumière voyage à travers un strip LED qui est connecté au mur du pont, et lorsqu’elle atteint le pont, elle forme des projections. Le spectateur voit sa voix transformée en lumière et fait réagir la surface du pont. »

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Où avez-vous déjà présenté ce projet ?

« En France, dans plusieurs villes telles que Reims, Nantes, Le Havre… Nous avons eu l’occasion de visiter le Brésil, Rio de Janeiro et Sao Paulo, Amsterdam… »

Sur quel types de monuments, de bâtiments ?

« C’est plutôt des espaces culturels et muséographiques. Par exemple, au Havre, on a installé dans une ancienne forteresse, et aussi sur des containers de transport maritime, pour faire référence à l’activité industrielle du Havre de port d’entrée de marchandises, d’exportations, etc. »

Souhaitez-vous faire passer un message à travers votre travail ou l’idée est-elle juste de présenter un spectacle ?

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« L’idée est de créer un artefact de communication. Avec Murmur, le public peut communiquer avec le mur. Le projet vient du jeu pour enfants du pot de yaourt, où deux amis ont un pot de yaourt chacun, reliés par une ficelle, et ça leur permet de se parler. Murmur, c’est ce même système, c’est un cône dans lequel le public parle, la voix transformée en lumière voyage à travers la ficelle qui est reliée au mur, et le mur envoie une réponse graphique, visuelle. »

« Nous avons rencontré plusieurs types de public. Il y a ceux qui sont plus timides et se placent dans la position de spectateur, ils laissent quelqu’un agir sur Murmur et voient ce qui se passe. Sinon, il y a des publics qui sont très actifs et qui s’approprient l’installation, qui chantent, qui parlent, qui murmurent. Il s’agit de faire des sons pour faire de la lumière, ça peut aller du chuchotement au cri, au chant… »

« On a eu un saxophoniste et un contrebassiste qui ont eu une improvisation avec Murmur. Et ça a été un moment magique, parce que nous, on ne s’y attendait pas, et eux, très naturellement, ont vu l’installation, ils avaient leurs instruments avec eux et tout de suite ils se sont mis à jouer. Donc, oui, la réaction dépend du public. Et on ne sait pas à quoi s’attendre à Prague… »

Dans un tout autre genre, Maxime Houot, du Collectif Coin, nous a présenté en détail son installation intitulée Cyclique. Et comme Julia Puyo, Maxime Houot est lui aussi ravi d’être à Prague, malgré le mauvais temps :

« C’est très rigolo, on a appris l’existence du Signal Festival l’année dernière, on en a vu la programmation, et tout de suite on s’est dit qu’il fallait y aller. On a tout de suite été attirés par la ville et la programmation qui était proposée. Se retrouver ici cette année, c’est très excitant et c’est une grande joie pour nous. L’équipe d’accueil est juste géniale et les autres artistes ont l’air super. On a hâte de découvrir tout ça. »

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Qu’est-ce qui vous a plus particulièrement attiré dans cette première édition ? Le programme ou Prague?

« C’est vraiment les deux : c’est ce qu’a proposé le festival l’année dernière, la programmation nous plaisait particulièrement, et si on fait ce métier c’est aussi pour voyager et découvrir de nouvelles villes, de nouvelles cultures. On avait envie de venir à Prague aussi, tout simplement. »

Qu’allez-vous présenter à ce public pragois ?

« C’est la dernière installation qui a été produite par Collectif Coin, qui s’appelle ‘Cyclique’, en collaboration avec un autre artiste, Nohista. C’est l’accumulation de formes très simples, ce sont des ballons de baudruche blancs de 40 centimètres de diamètre, que l’on remplit d’hélium et qu’on équipe d’une LED que l’on peut piloter à distance. L’idée, c’est de créer une mer de ballons flottant au-dessus du sol que l’on va utiliser pour diffuser de la vidéo et du son. »

Quoi concrètement ?

« Il faudra venir pour le voir ! C’est une composition de vingt minutes de musique électronique, et pendant 20 minutes on va passer par différents stades. Une vraie histoire va se dérouler, avec un début, une fin, avec une vraie dramaturgie, des choses très rythmiques et des choses plus contemplatives. C’est un petit voyage avec des ballons de baudruche. »

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette histoire ? Il faut certes venir pour voir, mais pour nos auditeurs africains qui n’en n’ont pas la possibilité…

Photo: Archives du festival Signal
« Pour les auditeurs africains, il faudra venir sur Internet et regarder la vidéo, ce sera plus clair ! Ce n’est pas un conte de fées, avec des personnages, c’est une histoire suggérée, avec une introduction et une conclusion… C’est plutôt des paysages sonores et lumineux que l’on déploie pendant vingt minutes avec cette structure. »

Le public, selon les endroits, réagit-il différemment à votre travail ?

« On a plus ou moins deux types de réactions et on les retrouve dans chaque ville où on est passés. La première réaction, c’est plutôt de ressentir un effet apaisant, on a envie de s’asseoir, de prendre son temps, des fois d’être attentif, des fois de divaguer un peu. Le public a tendance à regarder plusieurs fois, ce n’est pas parce qu’il y a un début et une fin que l’on part forcément à la fin de la boucle. On peut en regarder une, deux, trois, des gens passent toute leur soirée là, assis. C’est vraiment une installation auprès de laquelle on vient entre copains, avec un plaid qu’on pose dans l’herbe, et on reste à côté. J’aime bien travailler ces atmosphères très apaisantes. La deuxième réaction, c’est lorsque l’on gonfle les ballons l’après-midi, tous les enfants en veulent ! Et ce qui est marrant, c’est que le soir les adultes qui sont là deviennent des gamins et veulent un ballon. Et il faut que l’on soit attentifs, parce que c’est assez fragile comme installation et on ne peut pas donner de ballons. »

Il ne fait pas très beau, il pleut même. Est-ce gênant pour votre spectacle ?

« C’est hyper gênant pour cette installation, on a choisi les ballons pour leur forme, mais ça reste des ballons de baudruche, fragiles, avec une très faible portance. Du coup, on est tributaires du climat. S’il pleut, les ballons de baudruche gardent l’eau sur eux, s’alourdissent et ne volent plus. C’est ce qu’il risque de se passer ici si le temps ne s’améliore pas. Et s’il y a du vent, beaucoup de vent, ça devient un carnage, un carnage de ballons de baudruche, c’est plus du tout apaisant… C’est un carnage. Mais bon, on a toujours réussi à la présenter dans de bonnes conditions jusqu’à présent. »

Vous êtes l’auteur du projet. Comment vous est venue cette idée ?

Photo: Archives du festival Signal
« Le matin en me rasant… Ça, c’est pour les Français… Sinon, c’est un projet que l’on a mis énormément de temps à développer, entre le moment où on en a eu l’idée et la première. Il y a eu plusieurs tentatives de fabrication. Avec Collectif Coin, on travaille l’accumulation de formes simples dans l’espace, ça fait des années qu’on met des LED partout, dans différents objets, pour redéfinir l’espace et jouer avec. Après, comment s’est venu exactement, je ne sais pas, mais je pense qu’à un moment j’avais une LED dans une main et un ballon de mon fils dans l’autre, je me suis dit ‘tiens, on peut faire un truc avec ça’. »