La loi sur les jeux de hasard sur la sellette

Photo: Filip Jandourek, ČRo

Certaines organisations non-gouvernementales tchèques, Transparency International en tête, sont vent debout contre le ministère des Finances, qu’elles accusent d’avoir fortement affaibli le projet de loi sur les jeux de hasard et de faire trop de concessions au lobby qui les soutient. Côté ministère, on réfute ces accusations et on parle de légères modifications du projet.

David Ondráčka,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
Diminuer le nombre de bars et d’établissements proposant des jeux de hasard et des machines à sous vidéo : telle était une des promesses électorales de nombreux partis lors des dernières législatives en 2013, mais aussi lors des élections municipales à l’automne dernier. Le ministère des Finances a justement mis un point final à son projet de loi sur les jeux de hasard qui est désormais entre les mains du conseil législatif du gouvernement. Toutefois, certaines ONG dénoncent ce texte comme étant une version édulcorée du projet originel. David Ondráčka, de l’organisation Transparency International :

« Selon nous, le ministère des Finances fait de larges concessions au lobby des jeux de hasard, plus précisément à sa branche la plus ‘dure’ qui exploite les casinos, les bars à jeux et les machines à sous. Toutes ces concessions ne font que soutenir cette branche de l’industrie des jeux de hasard. Pour nous, c’est en contradiction totale avec les promesses faites jusqu’à présent qui visent à mettre en place une législation plus dure et plus conséquente. »

15% : c’est le pourcentage de maisons de jeu et casinos qui, selon le ministère des Finances, devrait rester en République tchèque grâce au nouveau projet de loi. De même, ce dernier devrait signer l’arrêt de mort des régimes spéciaux accordés à certains restaurants ou pompes à essence, de même que celui des mini-casinos ayant un nombre limité de machines à sous, soit moins de trente. Ondřej Závodský, ministre-adjoint des Finances :

Ondřej Závodský,  photo: ČT24
« Bien entendu, il y a des changements dans le projet. La semaine dernière, nous avons présenté au conseil législatif du gouvernement trois projets de loi, dont celui sur les jeux de hasard et celui sur la fiscalité des jeux de hasard. Certaines mesures qui se trouvaient dans la loi sur les jeux de hasard ont été transférées dans celle sur la fiscalité. Donc, je veux rassurer tout le monde : 95% des restrictions sont toujours en place. Nous interdisons les machines à sous dans les bars, nous voulons que les personnes bénéficiant d’aides sociales ne soient pas autorisées à jouer et que soit créé un système de monitoring. Mais, surtout, nous voulons augmenter de manière significative l’imposition des jeux de hasard, en passant de 20% à l’heure actuelle à 35%. »

Les impôts permettant une sélection et une élimination naturelle de maisons de jeu incapables de résister à la pression fiscale sont un argument qui ne passe pas pour autant chez les représentants des ONG, ni même chez d’autres représentants politiques, comme Matěj Hollan, adjoint du maire de Brno, la deuxième ville du pays :

« En ce qui concerne les impôts, nous ne voulons pas que l’on taxe à plein l’industrie des jeux de hasard. Nous voulons qu’il n’y ait pas beaucoup de jeux. Cela revient à taxer une nouvelle fois les pauvres. C’est justement parmi les personnes socialement en difficulté que l’on trouve le plus grand nombre de joueurs. Nous ne voulons pas que ces personnes aillent dépenser leur argent dans les maisons de jeux et que le budget soit renfloué sur le dos des plus démunis. »

Parmi les autres reproches faits au ministère figure la disparition des mesures de protection des joueurs ainsi que celles visant à limiter les sommes qu’un joueur peut perdre ou gagner. De même, toujours selon les ONG en colère, exit la nécessité pour l’établissement de donner des informations sur les pertes au jeu. Matěj Hollan :

Matěj Hollan,  photo: Matěj Pálka
« L’Etat perd beaucoup d’argent à cause des jeux de hasard. Moins il y aura de maisons de jeu et de machines à sous, plus l’Etat gagnera d’argent. En effet, il n’aura pas besoin d’en dépenser pour compenser les conséquences négatives du jeu. Nous souhaitons que l’on revienne au projet de loi d’origine qui prévoyait une pause obligatoire d’un quart d’heure après une heure de jeu, ou bien la fermeture des établissements entre 3h et 10h du matin. Ce sont des mesures fortes qui permettent d’éviter que les joueurs ne sombrent dans la dépendance au jeu. »

A cet égard, le Premier ministre Bohuslav Sobotka (ČSSD) s’est lui-même étonné de ne pas trouver de mesures préventives contre le jeu pathologique dans le nouveau projet de loi. Une critique que le ministre des Finances Andrej Babiš (ANO) a renvoyée à l’expéditeur, arguant que l’expansion de nouveaux jeux tels que les terminaux de loterie vidéo remonte à 2005-2006, date à laquelle le Premier ministre actuel se trouvait au même poste que lui.

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
Selon Jindřich Vybořil, coordinateur national de la lutte contre la drogue, il existerait à l’heure actuelle quelque 150 000 joueurs considérés comme « à risque » en République tchèque, dont 40 000 à 80 000 s’adonneraient au jeu de manière compulsive et pathologique. Des joueurs dont les dettes peuvent s’élever pour certains jusqu’au million de couronnes et qui, faute d’une législation suffisamment sévère, pourraient se rabattre sur les jeux on-line hébergés par des sites étrangers.