Presse : les Tchèques aiment la loterie et les jeux de hasard

Cette nouvelle revue de presse s’intéressera d’abord à l’appétence des Tchèques pour les loteries et les jeux de hasard. Il y sera également question du projet d’élever à Prague un monument aux victimes de l’invasion soviétique de 1968 et de la prochaine élection présidentielle en Russie. Au menu également, un bref rappel du centenaire de la naissance du compositeur Jiří Šlitr et un mot sur le retentissement, dans le pays d’Emil Zátopek, de la disparition de l’athlète kenyan Kelvin Kiptum.

Les villes cherchent à se débarrasser, par le biais d’arrêtés municipaux, des bars à machines à sous et à jeux de hasard. Selon  l’hebdomadaire Reflex, leur nombre tout comme celui de casinos en Tchéquie a sensiblement diminué l’année dernière. Il n’en reste plus qu’un quart aujourd’hui de la totalité qu’en comptait le pays en 2011, certaines villes les ayant même complètement interdits. L’occasion pour le chroniqueur du magazine de replacer ce constat dans un contexte plus large :

« Le désir d’un nombre considérable de Tchèques de s’enrichir sans travailler est bien connu. Des centaines de milliers de Tchèques participent régulièrement à la loterie Sportka ou parient sur les résultats de matchs sportifs, achètent toutes sortes de billets de loterie, jouent aux machines à sous ou fréquentent les casinos. En 2022, les Tchèques auraient consacré quelque 760 milliards de couronnes (près de 30 milliards d’euros) à des jeux de hasard, les opérateurs ayant gagné pour leur part près de 54 milliards de couronnes. »

Evidemment, les villes aussi bénéficient des revenus des jeux de hasard. Or avec leur réduction, elles doivent faire face à d’importantes pertes dans leur budget :

« Les élus municipaux sont donc confrontés à un dilemme de taille. Tolérer le jeu, qui apporte des sources financières à la municipalité, ou l’éradiquer et en trouver ailleurs. La diminution du nombre de bars à jeux laisse penser que les villes privilégient la première solution. Il s’agit maintenant de pouvoir remplacer ce déficit par une autre source de revenus. Or, dans certaines villes, cela peut poser un sérieux problème. »

Toutefois, comme l’explique le chroniqueur de Reflex, l’industrie des jeux de hasard est toujours en plein essor : « Les jeux quittent l’espace public pour aller s’implanter sur internet ou passer dans l’illégalité. »

Un nouveau monument aux victimes de l’invasion de 1968 ?

Il y a quelques semaines, la municipalité de Prague 1 a fait part de son intention de faire construire entre l’ancien et le nouveau bâtiment du Musée national un ‘monument aux victimes de l’occupation soviétique’. Une façon de prévenir la perte de la mémoire historique. Selon le quotidien Deník N, cette décision soulève toute sorte de questions, d’autant plus que le monument se situerait à quelques dizaines de mètres seulement de la Radio tchèque qui affiche une plaque commémorative avec les noms des victimes de l’invasion du pays en août 1968. « Ces victimes risquent-elles vraiment de sombrer dans l’oubli ? », se demande-t-il  avant de poursuivre :

Août 1968 | Photo: Archives de ČRo

« Si un tel monument devait être édifié, comment rappellerait-il les victimes ? Comme une foule anonyme ? S’agira-t-il d’une sorte de condamnation générale de l’impérialisme soviétique dans le cadre du bloc de l’Est ? Le mémorial doit-il évoquer les destins, les noms et les visages de personnes spécifiques, ou plutôt dire, dans le contexte actuel, que Moscou est toujours aussi agressif s’agissant de ses relations avec les Etats voisins ? »

« Mais si le nouveau monument devait être d’actualité, ne faudrait-il pas faire preuve d’un plus grand courage politique ? », s’interroge encore le journal. Et de conclure :

« Oui, érigeons à Prague un monument aux victimes de l’invasion russe, mais à propos de celle d’aujourd’hui. Un monument aux combattants héroïques du front ukrainien actuel et aux civils courageux, tout comme aux sacrifices qu’ils font, et ce même pour notre liberté. Le débat qui ne manquera pas de surgir autour d’un tel projet en dira beaucoup plus sur notre attitude envers la situation actuelle que le rappel des victimes de l’an 1968. »

Quelle position adopter à propos de l’élection présidentielle en Russie ?

Quelle position adopter à l’égard de l’élection présidentielle russe prévue pour le 17 mars ? Selon l’éditorialiste du site Seznam Zprávy, il existe au moins trois raisons pour lesquelles l’Occident devrait soigneusement réfléchir, avant de reconnaître son résultat :

Photo: Kateřina Ayzpurvit,  Radio Prague Int.

« La première raison, très convaincante, est bien sûr la situation en Ukraine. Le deuxième argument concerne le caractère non démocratique de cette élection et l’absence totale d’opposition politique en Russie. Celle-ci est effectivement réservée à une poignée de privilégiés, pour la plupart des hommes âgés qui n’ont aucune chance face à Vladimir Poutine. La troisième raison d’hésiter à reconnaître le résultat de cette pseudo-élection en Russie est liée à l’argument selon lequel Vladimir Poutine ne devrait pas être autorisé à diriger à nouveau le pays parce qu’il a épuisé le nombre de mandats déterminé par la constitution russe. »

L’Occident va-t-il continuer à considérer Vladimir Poutine comme le chef légitimement élu de l’Etat russe après le 17 mars ? Ce dilemme, comme l’explique l’éditorialiste, concerne de près également la Tchéquie qui se demande si elle doit avoir ou non un ambassadeur à Moscou.

Kelvin Kiptum ou la volonté de franchir l’insurmontable

« A la ligne d’arrivée d’un marathon, il devrait attendre Emil Zátopek encore une demi-heure. Que retenir d’un jeune homme capable de franchir une barrière ‘insurmontable’ ? ». Tel est le titre d’un article publié dans le quotidien Hospodářské noviny consacré à l’athlète kényan Kelvin Kiptum décédé dans un accident de voiture dimanche. Son auteur a écrit :

Kelvin Kiptum au marathon de Chicago 2023 établissant le record du monde en un temps de 2h00:35 | Photo: Chad Veal,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

« Il s’agit bien sûr avant tout d’une tragédie personnelle. Mais en même temps, c’est une perte générale. Grâce à Kiptum, nous avons pu apprendre ce dont un individu était capable dans un domaine spécifique. Kiptum était absolument exceptionnel. Il n’avait que vingt-quatre ans et n’avait couru que trois marathons. Les amateurs d’athlétisme savent que les coureurs de fond ne mûrissent que plus tard dans leur vie. Dans quelques semaines, une autre limite humaine aurait pu être franchie. Kelvin Kiptum avait annoncé qu’il serait le premier à Rotterdam à tenter de courir un marathon en moins de deux heures. Et il avait toutes les chances de réussir. Mais la ligne considérée comme impossible il y a quelques années à peine ne tombera pas. »

Pour montrer ce qu’un marathon de moins de deux heures signifie, l’éditorialiste  du quotidien économique a rappelé qu’Emil Zátopek avait remporté le marathon olympique d’Helsinki en 1952 en 2 heures et 23 minutes. Et d’ajouter :

« Kelvin Kiptum peut continuer à être une source d’inspiration pour surmonter nos propres limites, qu’on croit insurmontables. Tôt ou tard, quelqu’un d’autre passera sous la barre des deux heures. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de penser que la mort prématurée de Kiptum représente une perte immense non seulement pour l’athlétisme mondial, mais aussi pour l’exploration des limites des possibilités humaines ».

Jiří Šlitr : des chansons devenues « folklore » national

Ce jeudi, cent ans se sont écoulés depuis la naissance de Jiří Šlitr, compositeur, pianiste, chanteur, graphiste, un des fondateurs dans les années 1950 du légendaire théâtre pragois Semafor. Une année de naissance, comme l’a remarqué le journal Lidové noviny, qu’il partage avec d’autres grandes figures de la scène musicale, comme la chanteuse de jazz Sarah Vaughan, le compositeur Henri Mancini ou le chanteur Charles Aznavour. Le chroniqueur du journal relève :

« Jiří Šlitr est l’un des rares compositeurs dont la musique n’a rien perdu de sa popularité bien après sa mort, survenue le jour de Noël 1969. Evidemment, de nouvelles versions de ses chansons, écrites avec son collaborateur le plus proche Jiří Suchý, apparaissent régulièrement, tout comme des rééditions de leurs enregistrements. L’année de son centenaire ne fait évidemment pas exception à la règle. Toutefois, le plus important reste que les chansons de Šlitr et de Suchý sont toujours vivantes au sein de la population. Elles sont si ingénieusement écrites que nombre d’entre elles peuvent être jouées autour d’un feu de camp ou par un pianiste de bistrot moyennement doué, et que même des voix très peu entraînées peuvent se joindre aux chants. Et pourtant, leur charme ne se dément pas. »

On pourrait donc dire, comme l’a noté le chroniqueur de Lidové noviny, que Jiří Šlitr et Jiří Suchý ont, sans le savoir, enrichi le folklore tchèque.