La numérisation des chefs-d’œuvre du cinéma tchécoslovaque se poursuit
Oscar du meilleur film étranger en 1968, le film « Trains étroitement surveillés » (Ostře sledované vlaky) de Jiří Menzel fait partie des joyaux de la cinématographie tchécoslovaque. Face à la numérisation croissante du cinéma et afin de conserver le patrimoine culturel, la restauration des plus grandes œuvres semble s’imposer, et le film de Jiří Menzel ne fait pas exception.
« La restauration numérique est très importante pour que les films ne sortent pas du cercle culturel. Il faut qu’ils restent visibles. Aujourd’hui, à une époque où pratiquement tout notre réseau de distribution est digitalisé, nous ne pouvons pas faire le tour du public scolaire avec des copies argentiques en espérant que, l’école en question, possède peut-être un projecteur. »
D’abord scanné sur ordinateur, le film passe ensuite par une restauration minutieuse qui dure près de six mois. Toutes les traces de poussière et d’imperfections sont éliminées pour améliorer la qualité du son et de l’image. Michal Bregant poursuit :
« La technologie digitale permet de faire voir des choses que le support du cinéma classique dissimule. Il s’agit de diverses dégradations, que l’on perçoit comme la marque du bon vieillissement d’un film argentique. Mais dans le format digital, ces détériorations seraient considérées comme des fautes et dérangeraient. Nous nous efforçons donc de nous rapprocher au plus près de l’authenticité du film que les spectateurs ont pu voir au cinéma dans les années 1960. »Pour le cinéaste Jiří Menzel, cette restauration numérique est avant tout un hommage rendu à son film oscarisé en 1968 :
« Il s’agit d’une distinction, rien que de savoir que ce film est rangé parmi d’autres films très célèbres. Alors, bien évidemment, j’en suis fier. Mon film avait été jeté à la poubelle aux côtés d’autres films merveilleux, comme ‘Ghetto Terezín, la longue route’ d’Alfréd Radok, ‘Les Petites Marguerites’ de Věra Chytilová, ‘Les diamants de la nuit’ de Jan Němec, ‘Un Carrosse pour Vienne’ de Karel Kachyňa, ‘Au feu les pompiers’ de Miloš Forman, ou ‘Kristián’ de Martin Frič. Ce sont tous des films pour lesquels je me dis ‘Mince, si je savais les faire de cette manière… ». ‘Les diamants de minuit’, ‘L’incinérateur de cadavres’ de Juraj Herz sont autant de films que je ne saurais pas faire. Je n’oserais même pas me lancer dans la réalisation d’‘Eclairage intime’ (film d’Ivan Passer, ndlr), sans parler d’ ‘Au feu les pompiers’. Ce sont vraiment des films extraordinaires. »La restauration d’un film coûte à près d’un million de couronnes (environ 37 000 euros). C’est cette somme que les membres des Archives nationales du film, de l’association « České bijáky » - « Les cinémas tchèques », ainsi que les organisateurs du Festival international du film de Karlovy Vary, tentent de récolter pour financer cette restauration, et ce y compris à travers une collecte nationale.
Mais pour le président du Festival de Karlovy Vary, Jiří Bartoška, le financement de la restauration des films devrait principalement émaner d’un ministère de la Culture qui, pour l’instant, n’assure qu’un rôle moral, symbolique. Jiří Bartoška :« Cela me paraît assez léger dans la mesure où, malgré le fait que le ministère s’adresse à un groupe d’experts pour leur demander de dresser une liste de 200 titres qui, selon eux, devraient faire partie du fonds d’or de la cinématographie tchèque et tchécoslovaque, son activité s’arrête là. Cela me désole beaucoup. »
L’année prochaine, ce sont les spectateurs eux-mêmes qui pourront contribuer au financement selon leurs moyens : 196 autres films significatifs du cinéma tchécoslovaque attendent leur restauration au format numérique.