Bouillonnement à droite, inertie à gauche : la scène politique tchèque au cœur des réflexions de la presse

Photo: ČTK/Michal Kamaryt

Quels sont les traits marquants de l’évolution de la scène politique tchèque à dix mois des élections législatives ? Quelques éléments de réponses dans cette nouvelle revue de presse. Il y sera également question de la situation sanitaire et des retards concernant la numérisation en Tchéquie. Autre sujet traité : les quotas obligatoires pour les aliments d’origine tchèque dans les grandes surfaces. Quelques mots enfin au sujet de la réapparition d’un insecte rare.

La majorité des commentaires concernant l’évolution de la scène politique tchèque, à dix mois des prochaines élections législatives, évalue les perspectives des deux coalitions électorales d’opposition, conservatrice et libérale. Le quotidien économique Hospodářské noviny de ce mardi fait pour sa part état de la situation du Parti social-démocrate  (ČSSD), un des deux partis de la coalition gouvernementale formée avec le mouvement ANO d’Andrej Babiš. Dans un texte intitulé « Le ČSSD se dirige vers le lieu de son dernier repos », son auteur indique :

ČSSD,  photo: Lenka Jansová,  ČRo

« Face au bouillonnement, dont nous sommes témoins à l’heure actuelle au centre et à droite, l’inertie de la gauche est très marquante. Selon de récents sondages, les intentions de vote du ČSSD varient autour 5%, la limite pour pouvoir espérer entrer au Parlement. Une des explications : le Premier ministre Babiš a réussi à s’approprier la paternité de certaines initiatives sociales-démocrates et à les présenter comme étant celles de son mouvement ANO. »

Le commentaire de Hospodářské noviny relève également que le ČSSD peine à trouver un partenaire pour une éventuelle alliance  électorale, les Verts, dont la cote est actuellement très faible aussi, étant une des possibilités envisagées. Cette situation conduit son auteur à supposer :

« Cent ans après la scission du Parti social-démocrate et le départ de son aile radicale qui allait devenir le parti communiste, ce traditionnel parti de gauche risque d’essuyer un coup plus dur encore. Il se peut qu’il ne soit même plus représenté à la Chambre des députés et qu’il finisse dans un cimetière politique. La perspective d’y être probablement accompagné par les communistes ne constitue pour ses dirigeants qu’une piètre consolation. »

Lorsque la situation sanitaire en Tchéquie se dramatise

« Que se passe-t-il avec la Tchéquie ? », s’interrogeait jeudi le quotidien Deník N constatant que « le Covid-19 a frappé douloureusement un peu partout, mais chez nous il a acquis les dimensions d’un véritable désastre ». Une analyse publiée dans ses pages a à ce sujet précisé :

Photo: Michaela Danelová,  ČRo

« Concernant les pays comparables et la totalité des décès liées au Covid-19, seules la Belgique et l’Italie sont devant nous. Par le nombre d’hospitalisations de cas graves, la Tchéquie détient un triste record. En revanche, en ce qui concerne le volume des tests et de la vaccination, elle a un retard à rattraper. Et pourtant, encore au début du mois d’octobre 2020, son score répondait à la moyenne européenne. Au cours des quatre mois qui se sont écoulés depuis, la situation a donc considérablement changé, le nombre de décès comparé étant vingt fois plus élevé qu’au 1er octobre. Une hausse qui n’a pas d’équivalent ailleurs dans le monde »

Le commentateur du quotidien Deník N rapporte qu’à l’échelle mondiale, la Tchéquie est un pays riche, doté d’un système de santé qui fonctionne bien. Compte tenu des critères comme l’environnement, la santé, les disparités sociales et autres, elle ne diffère pas de ses pays voisins. Or, objectivement, il est, selon lui, difficile d’expliquer ce qui s’est passé chez nous et comment le pays est devenu en peu de temps une des régions les plus dangereuses au monde. Une chose semble pourtant évidente :

« Les données exponentielles recueillies révèlent que c’est l’indulgence vis-à-vis des restrictions à prendre en automne et avant Noël qui est majoritairement responsable de la situation actuelle. Seule une vaccination rapide peut renverser la donne. Le coup d’envoi de cette opération a été lent, comme d’ailleurs dans plusieurs autres pays européens. Ceux-ci pourtant pouvaient se le permettre, car la situation y est moins dramatique. La Tchéquie n’a désormais le droit à aucune hésitation. »

La numérisation en Tchéquie : un défi à relever

Se référant  aux couacs qui ont accompagné le lancement, vendredi dernier, du système d’inscription pour les candidats à la vaccination, soit les personnes de plus de 80 ans, l’hebdomadaire Respekt a rappelé l’importance de la modernisation et de la numérisation de l’administration publique pour que la Tchéquie devienne « un pays du présent ». Son éditorialiste estime ainsi :

Photo illustrative: kiquebg/Pixabay,  CC0

« Chez nous, de nombreuses informations et données ne sont pas encore numérisées et demeurent cantonnées au papier. Une partie de celles qui le sont déjà ne sont pas compatibles avec les logiciels d’autres institutions. Il n’est donc guère étonnant que tout les défis numériques auxquels politiques et administration d’Etat sont confrontés, comportent un certain risque. Pourtant, les défis à relever vont se multiplier. Ces jours-ci il s’avère que ce ne sont pas seulement des commandes publiques ou les registres d’immatriculations automobiles qui sont en jeu, mais que ce sont des vies humaines qui sont concernées et qui dépendent du succès de la numérisation. »

« Aussi tragique soit-elle, la pandémie de coronavirus offrira, dès qu’elle aura pris fin, l’occasion de moderniser la Tchéquie, », souligne le commentateur du magazine Respekt avant de conclure :

« Il s’agit d’une tâche que la Tchéquie est capable d’accomplir, car elle a à son actif toute une série de beaux projets. Parmi eux, par exemple, l’Office tchèque des statistiques qui mérite d’être reconnu pour avoir régulièrement, rapidement et précisément traité les résultats des élections. La chance de transformer ce pays du passé en un pays du présent est unique. Peu importe que l’on n’aspire pas encore à devenir un pays de l’avenir. »

A quoi bon des privilèges pour les produits alimentaires locaux ?

L’adoption par la Chambre des députés du projet présenté par le parti d’extrême droite SPD qui stipule que les magasins d’alimentation d’une superficie de plus de 400 m2 soient composés pour au moins de 55% de produits d’origine tchèque  a suscité un tollé de réactions contradictoires. Le site novinky.cz, par exemple, a eu recours à une comparaison :

Photo illustrative: Václav Plecháček,  ČRo

« Déjà, lors des premières minutes de son mandat, le président américain nouvellement élu Joe Biden a aboli certaines démarches nationalistes de son prédécesseur pour faire des Etats-Unis, de nouveau, un pays ouvert. Au même moment, les nationalistes tchèques qui disposent de mandats parlementaires ont pris une décision qui conduit la Tchéquie vers un isolement international et qui tend à l’enfermer sur elle-même. Par ailleurs, en plaidant pour l’adoption du projet, le ministre de l’Agriculture a appelé les députés à ‘être un peu nationalistes’. »

Le journal Deník constate que la nouvelle loi a de quoi enchanter les ‘agro-barons’ tchèques. « Elle liquidera la vilaine concurrence étrangère, capable de fournir sur le marché des aliments de qualité à un bon prix », explique-t-il. Le site aktualne.cz rappelle que la Tchéquie n’est pas le premier pays européen vouloir privilégier les produits alimentaires locaux. La Roumanie et la Hongrie ont également essayé avant de se heurter aux règlements de l’Union européenne. Le site Forum24.cz remarque  à ce sujet:

« La loi sur les quotas obligatoires pour les produits tchèques dans les rayons des grands magasins d’alimentation signifie un retour du pays vers une régulation socialiste. De même, elle fait de la Tchéquie un musée du nationalisme en Europe qui ignore les apports du marché libre et les règles européennes. »

Une découverte entomologiste dont on parle

L’altise. Tel est le nom d’un insecte rare qui était depuis longtemps considéré comme ayant définitivement disparu et qui vient d’être récemment redécouvert en Moravie du sud. Le journal Mladá fronta Dnes de ce jeudi a apporté quelques détails à ce sujet :

Longitarsus substriatus,  photo: Lech Borowiec

« Cet insecte, d’une longueur de deux millimètres à peine, dont on pensait depuis  près de trente ans qu’il avait disparu, signifie pour les scientifiques un véritable trésor. Il n’est donc pas étonnant que la découverte de l’un de ses spécimens rares fait de lui une véritable star de l’entomologie. »

Le journal rapporte que l’altise fait partie des centaines d’autres espèces en voie d’extinction en lien avec les transformations de l’environnement au cours des dernières décennies. D’un autre côté, il retient le retour sur le territoire tchèque de certains grands mammifères, comme les castors, les rennes ou les loups.