La police tchèque collecte les témoignages sur les crimes de guerre commis en Ukraine
La Centrale nationale de lutte contre le crime organisé (NCOZ) a lancé lundi son questionnaire en ligne sur les crimes de guerre en Ukraine. Les enquêteurs tchèques ont toutefois déjà recueilli les témoignages de dizaines de personnes qui peuvent permettre d’identifier les responsables de ces crimes, avec à l’avenir, l’espoir de les traduire en justice.
Depuis lundi, toute personne estimant avoir été témoin ou victime d’un crime de guerre en Ukraine peut remplir le questionnaire élaboré par la Centrale nationale de lutte contre le crime organisé et disponible en quatre langues : tchèque, anglais, ukrainien et russe. Plus tôt, au printemps, dès l’arrivée des premiers réfugiés fuyant la guerre en Ukraine, la police avait déjà fait circuler par mail une première mouture de ce questionnaire afin de recueillir le maximum de témoignages à chaud. Lenka Bradáčová est la procureure générale de la République :
« La police procède à des interrogatoires de manière continue. Ces témoignages se comptent par dizaines. Et au cours de ces interrogatoires, ils collecteur des preuves qui sont intégrées à une base de données globale. L’objectif de ce questionnaire est que les témoins oculaires ou intermédiaires puissent accéder au questionnaire électroniquement de n’importe où et communiquer directement avec la police. »
Le site web officiel précise que le questionnaire a un caractère informatif et ne remplace pas le dépôt officiel d’une plainte pénale. Le meurtre de civils, la torture, le viol, les enlèvements, le pillage, autant de crimes qui sont susceptibles de faire l’objet d’un témoignage, et peut-être un jour de poursuites. Aux enquêteurs de juger, sur la foi des réponses au questionnaire, si le témoignage en question peut les aider : si le remplissage du questionnaire est volontaire, toutes les personnes qui le remplissent ne seront pas nécessairement contactées les agents de police. Surtout, le fait de ne pas répondre aux questions du questionnaire n’affecte pas en rien la légalité du séjour en République tchèque ni l’issue d’une éventuelle procédure d’asile. Tomáš Kubík, porte-parole du présidium de la police tchèque :
« Si nous pensons qu’il s’agit de quelque chose qui devrait intéresser la police, nous contacterons la personne et lui demanderons de nous fournir des preuves plus concrètes. »
En effet, la qualité des informations fournies peuvent s’avérer extrêmement importantes pour la suite, qu’il s’agisse de photographies ou d’enregistrements audio et vidéo. En parallèle de ces interrogatoires, les enquêteurs fouillent d’ores et déjà Internet en s’appuyant sur les réseaux sociaux et autres.
Le bureau du procureur général de Prague a annoncé en avril qu’il enquêtait sur d’éventuels crimes de guerre commis en Ukraine. Une équipe de police spéciale a également été mise en place à cet effet.
Le droit tchèque reconnaît le principe de la compétence universelle, qui permet de poursuivre les crimes les plus graves, quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des victimes ou des auteurs. Ce qui est le cas des crimes de guerre. Comme en Tchéquie, des procureurs en Allemagne ou en Espagne enquêtent également sur les crimes de guerre commis en Ukraine.
Dans le même temps, une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye est en cours. La France a par exemple fourni récemment aux enquêteurs une unité de policiers et d’experts en médecine légale.
Mi-juillet, s’est déroulée à Prague une réunion informelle des ministres de la justice de l’UE. En marge de la réunion le commissaire européen à la justice, Didier Reynders a rappelé que plus de 21 000 enquêtes sur des crimes de guerre en Ukraine étaient en cours, 14 pays de l’UE menant des enquêtes individuelles. Le ministre tchèque de la Justice Pavel Blažek (ODS) a souligné que la procurature tchèque ne participait pas encore aux équipes d’enquête internationales dont l’Ukraine est partie prenante en raison d’obstacles juridiques. Selon lui, la Russie pourrait en effet contester les preuves obtenues par l’Ukraine pour partialité : « C’est la seule raison pour laquelle nos procureurs ne sont pas encore impliqués dans des équipes d’enquête communes », a expliqué Pavel Blažek.
S’il n’y a pas encore de consensus au niveau international sur le tribunal qui traitera les crimes de guerre en Ukraine, l’idée d’un tribunal spécial pour juger les crimes commis dans ce pays attaqué par les troupes russes depuis le 24 février dernier est une possibilité largement envisagée. Le jour venu, les témoignages et données recueillies par les enquêteurs tchèques seront versés au dossier, résultat futur de la « tâche gigantesque » que représentent ces enquêtes menées un peu partout dans l’Union européenne.