La question des quotas de genre à l’ordre du jour en République tchèque

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La République tchèque envisage de modifier sa position sur le projet de directive européenne devant permettre la mise en place de quotas de femmes et hommes dans les grandes entreprises. Proposée par l’ancienne commissaire européenne en charge de la justice, Viviane Reding, cette directive a pour objectif de fixer à 40% la proportion de femmes ou d’hommes dans les conseils de surveillance et d’administration des grandes sociétés publiques comme privées.

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Selon le classement relatif à l’état de l’égalité entre les sexes publié par le Forum économique mondial la semaine dernière, la République tchèque occupe la 96e place d’un classement comptant 142 pays. Les écarts de salaires, la faible représentation des femmes à des postes de haute responsabilité ainsi que leur absence en politique sont les principaux problèmes auxquels est confronté la République tchèque.

Lundi, le ministre en charge des droits de l’homme, Jiří Dienstbier a fait savoir que le gouvernement s’apprêtait à soutenir la nouvelle réglementation européenne. En ayant refusé d’appuyer ce projet de quotas il y a deux ans, l’ancien gouvernement de droite de Petr Nečas et la Chambre des députés s’étaient rangés parmi ceux qui avaient fait obstruction à l’adoption du texte sur le sol européen. Toutefois, en août dernier, le comité de l’égalité des chances du gouvernement avait manifesté son soutien à la directive, enclenchant ainsi un revirement de la position tchèque. Jana Smiggels Kavková, de l’association Forum 50%, qui milite pour l’égalité des sexes, a indiqué à ce propos :

« Je m’en réjouis. Le Forum 50% soutient depuis longtemps cette idée d’introduire des quotas de femmes au sein des conseils de surveillance des entreprises. La raison en est toute simple : sans ces quotas, et si on laisse faire ‘l’évolution naturelle’, on pourra attendre encore 150 ans. Les quotas sont des instruments vérifiés, qui permettent d’atteindre une plus grande diversité au sein de la direction des entreprises. En fin de compte, lorsque l’on a entamé les discussions sur l’instauration de quotas en République tchèque, plusieurs entreprises ont mis en place des programmes soutenant une plus grande diversité, et des programmes subsidiaires pour que les femmes puissent atteindre des postes à plus haute responsabilité. On peut voir désormais cet effet positif en République tchèque, et je crois que les quotas représenteraient un pas en avant considérable. »

Jana Smiggels Kavková tient néanmoins à préciser que l’instauration de ces quotas ne devrait pas servir de moyen de pression sur les femmes. A l’inverse, Karolína Peake, ancienne vice-Premier ministre du gouvernement de Petr Nečas, estime que l’Etat devrait davantage s’occuper de la situation des mères que d’édicter des pourcentages :

Karolína Peake,  photo: Marián Vojtek
« D’après ce que l’on nous dit, la mise en place de quotas est une solution pour l’égalité des chances. Mais je crains que ce ne soit pas le cas. Là, où les quotas sont censés offrir plus de chances à la femme, ils en enlèvent à l’homme. Et vice versa, dans le cas où il s’agit d’une discrimination positive à l’égard de l’homme. Je suis persuadée que s’il existe des cas de discrimination, nous devons utiliser nos lois antidiscriminatoires. Donc lorsque l’égalité des chances est une nécessité, il faut la créer par d’autres moyens que par le biais des quotas. »

Alors que l’ensemble des organes statutaires, à savoir les conseils d’administration et les directions, des cent plus grandes entreprises en République tchèque rassemblent en moyenne 9,14% de femmes à des postes de gestion, les femmes assurent le leadership dans le domaine de la santé, avec un taux de 25,5%. Les femmes cadres sont par la suite les plus représentées au sein du secteur des télécommunications et de l’informatique, puis dans le domaine de l’industrie pharmaceutique (environ 20% dans les deux cas). Toutefois, la sociologue Jiřina Šiklová met en garde contre l’instauration de quotas dans la loi, tout en précisant que rien n’est ni tout noir, ni tout blanc :

Jiřina Šiklová,  photo: Jana Šustová
« La diversité est quelque chose d’important. Mais si nous la prenons dans le cadre d’une loi, alors cela peut avoir un impact négatif. Car les femmes qui parviendront à certains postes ne seront pas considérées comme étant les meilleures spécialistes, mais elles seront uniquement perçues comme celles qui ont fait partie des quotas. Je me suis trouvée confrontée à cela dans les années 1990 aux États-Unis, lorsque de nombreuses femmes venaient me voir à l’université et m’avertissaient du fait qu’elles n’en étaient pas arrivées là grâce à différentes lois. Cela a donc ses avantages et ses inconvénients, et il est important d’en discuter. »

La représentation des femmes dans les fonctions dirigeantes des différentes entreprises cotées en bourse devrait ainsi sensiblement augmenter après l’adoption de cette directive européenne qui règlementera la question à l’avenir.