La réélection sans surprise de Vladimir Poutine vue de Prague
Si l’ensemble de la communauté internationale avait les yeux tournés vers la Russie ce week-end, ce n’était pas dans l’attente d’un quelconque bouleversement de l’ordre établi, mais plutôt pour savoir dans quelle mesure l’élection présidentielle serait un plébiscite pour l’homme fort du pays, au pouvoir depuis 18 ans : c’est donc sans surprise que Vladimir Poutine a été réélu avec plus de 76% des voix, avec un taux de participation de plus de 67%. A Prague, cette réélection, dans le contexte des tensions montantes entre Londres et Moscou, n’a étonné personne.
« Malheureusement, les élections qui s’y sont déroulées n’étaient pas libres. Tous les concurrents potentiels ont été éliminés auparavant. La Russie va continuer à être celle de Poutine, et ne prend pas le chemin de la démocratie. »
Un point de vue partagé par le vice-président du Parti pirate Mikuláš Peksa :
« Le résultat n’est guère une surprise vu que son plus grand opposant, Alexei Navalny, n’a pas pu se présenter à l’élection et que les autres candidats n’avaient aucune chance de la remporter. La seule question intéressante, c’est de savoir si ce résultat a été obtenu grâce à une manipulation des bulletins de vote ou grâce à la propagande d’Etat qui fonctionne en Russie. »
Pour de nombreux observateurs, la politique étrangère de la Russie, lors du précédent mandat de Vladimir Poutine n’augure rien de bon pour le nouveau. Certains politologues rappellent que cette politique, qui cherche à flatter l’idée profondément ancrée d’une Russie en tant que grande nation active, voire agressive, sur la scène internationale, a largement servi au président réélu pour faire oublier une croissance intérieure presque nulle et une situation économique stagnante.Dans ce contexte, la question de savoir de quelle manière vont évoluer les relations, déjà tendues, entre la Russie et l’Occident, est prégnante, notamment dans les chancelleries européennes. Jakub Dürr, vice-ministre des Affaires étrangères :
« Je ne sais pas lire dans une boule de cristal. Je ne sais pas comment Vladimir Poutine va vouloir légitimer son régime dans les six années à venir. Mais il est déjà clair aujourd’hui, que le niveau de tension qui existe depuis des années entre la Russie et l’Occident, est un gros avantage pour Vladimir Poutine. »
Mais c’est aussi une influence larvée, promue par d’autres biais que la force brute militaire, qui suscite les interrogations et la méfiance. Sur la Russie pèsent notamment des soupçons de manipulation de l’élection américaine de 2016. Et la propagande pro-russe servie par de nombreux nouveaux médias très présents de type RT ou Sputnik, financés par Moscou, vise à déstabiliser l’opinion publique, comme le souligne notamment un documentaire très fouillé du documentariste tchèque Tomáš Kudrna, dans une coproduction entre Arte et la Télévision tchèque. Pour le député et vice-président des chrétiens-démocrates, Ondřej Benešík, la République tchèque sert de cheval de Troie à la Russie pour ses campagnes de désinformation :
« Son régime utilise à plein et avec talent ce type de campagnes. D’après nos services de renseignement, il est absolument clair que la Russie mène des activités de sabotage et hostiles en République tchèque par l’intermédiaire de ce qu’on appelle les ‘fake news’. C’est un fait. Je pense que la République tchèque sert dans une large mesure de base arrière de ces activités, pour le reste de l’Europe. Je pense que n’importe quel politique, de quelque parti qu’il soit, doit prendre au sérieux ces informations de nos services de renseignement et en tenir compte. »Et quand bien même ce type d’activités n’auraient pas cours en République tchèque, le président Poutine peut se targuer d’avoir un soutien de poids dans un pays pourtant marqué, dans l’histoire récente, par la domination soviétique : rien moins qu’en la personne du président tchèque réélu Miloš Zeman qui s’est empressé, lundi, de féliciter son homologue russe, prenant pour argent comptant le plébiscite des électeurs russes à leur chef de l’Etat. Là aussi, tout comme finalement pour la réélection de Vladimir Poutine, ce n’est guère une surprise, M. Zeman n’ayant jamais fait mystère de ses sympathies pro-russes.