Presse : les Tchèques, ces heureux mécontents

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Les Tchèques sont-ils plutôt heureux ou mécontents ? Cette question, qui a fait l’objet d’une récente étude, intéresse aussi les médias locaux. Autres sujets traités dans cette revue de presse : la préparation aux situations d’urgence, le comportement du leader de l’opposition, Andrej Babiš, à l’égard des médias, la menace de grève des éboueurs à Prague ou encore un bref extrait d’un entretien avec un ancien conseiller de Donald Trump quant à l’avenir de l’Europe.

« La Tchéquie est un pays de gens à la fois heureux et très en colère contre l’État » est le titre d’une chronique publiée à la fois sur iRozhlas.cz, le site d’actualité de la Radio tchèque, et dans les pages du quotidien économique Hospodářské noviny. Un texte dont l’auteur explique en ces termes sa vision des choses :

« Le mécontement est presque palpable dans la société tchèque. Et pourtant, à en croire le dernier rapport sur le bonheur réalisé par l’ONU, nous sommes l’un des pays les plus heureux au monde, puisque nous apparaissons à la 20e place. D’où vient ce paradoxe ? Comment pouvons-nous être à la fois grincheux et heureux ? En fait, les Tchèques sont particulièrement ‘performants’ dans une catégorie que l’on pourrait qualifier de ‘capital social’. En revanche, s’agissant de l’apprécitation du niveau de corruption en politique et dans le monde des affaires, le résultat de la Tchéquie est catastrophique. Elle figure à la 73e place, derrière même la Russie de Poutine. »

C’est donc dans le contraste entre ces deux facteurs que le  paradoxe qui veut que les Tchèques soient à la fois des gens heureux et mécontents prendrait sa source. En somme, ils sont heureux d’un point de vue personnel, mais ressentent de la colère vis-à-vis des politiques ou de la situation telle qu’elle est. « Cette contradiction peut comporter un piège, car dans une démocratie, cette colère se transforme naturellement en un choix politique », prévient toutefois l’auteur.

« Nous vivons dans l’un des pays les plus sûrs, les plus riches et les plus libres au monde. Et pourtant, il y règne une atmosphère suffocante d’opposition  permanente, de colère et de fausse dissidence. Non pas contre une oppression réelle, mais contre un système qui, paradoxalement, est celui qui historiquement nous offre le plus d’opportunités », renchérit à ce sujet le journal en ligne Forum24.cz, pour qui la cause profonde du problème repose dans la lâcheté de la classe politique :

« Les politiciens occidentaux et, malheureusement, certains politiciens tchèques aussi, ont perdu tout courage élémentaire. Tout au long de la décennie écoulée, ils ont préféré donner la place à des pensées et à des tendances qui ne bénéficient que d’un soutien tout à fait marginal dans la société, mais qui, grâce au bruit qu’ils font et à leur capacité à occuper le devant de la scène, peuvent créer l’apparence d’une majorité. »

La nécessité de se préparer à faire face aux situations d’urgence

En janvier dernier, le gouvernement tchèque a adopté un document appelé « Conception de préparation des citoyens à la défense de l’État ». Il s’agit en fait d’un guide pratique destiné à faire face aux situations d’urgence qui pourraient se produire dans le pays. Les discussions sur les réseaux sociaux révèlent qu’un grand nombre de Tchèques considèrent ces informations utiles comme un « alarmisme de guerre » inacceptable. L’occasion pour le journal en ligne Lidovky.cz de souligner qu’il est pourtant juste de fournir des informations sur la manière de survivre, de limiter les dégâts et de faire face :

« Puisque ce manuel voit le jour après trois ans de guerre en Ukraine, il est évident qu’il serait qualifié de ‘manuel de survie à la guerre‘. C’est un sujet qui revient logiquement sur le tapis et émerge un peu partout : la Scandinavie possède déjà une certaine tradition en la matière, la France vient de publier un document similaire, la Pologne y travaille. Mais il ne faut pas perdre de vue que se préparer aux risques et dangers s’applique également aux questions purement civiles, qu’elles relèvent du domaine de la nature, des technologies ou encore de l’énergie. Si, par exemple, la pression en faveur des énergies renouvelables et d’une baisse de l’intérêt pour le nucléaire s’accroît dans l’Union européenne, la fragilité du réseau électrique et la menace de coupures de courant se feront ressentir également. »

Il ne s’agit donc pas d’un « alarmisme de guerre », comme le souligne l’auteur, mais plutôt d’une volonté de faire preuve d’esprit rationnel ou d’une forme d’instinct de survie. « Ceux qui voient de l’alarmisme derrière tout ce qui est dit devraient se battre également contre les compagnies d’assurance qui ne cessent de mettre en garde contre les inondations, les incendies et d’autres catastrophes », conclut-il sur un ton ironique.

L’Europe doit-elle se faire du souci ? Le regard d’un ancien conseiller de Donald Trump

Dans son dernier numéro, l’hebdomadaire libéral Respekt publie un entretien avec John Bolton, l’ancien conseiller sécurité de Donald Trump. Avec cette question en toile de fond : dans la situation actuelle et compte tenu des débats sur l’Ukraine, l’Europe doit-elle s’inquiéter ? Une question à laquelle John Bolton répond en ces termes :

John Bolton | Photo: White House/Wikimedia Commons,  public domain

« Le principal objectif de Vladmimir Poutine est de restaurer l’empire russe dans un avenir proche. Depuis qu’il a déclaré à la Douma d’État en 2025 que l’effondrement de l’Union soviétique avait été le plus grand désastre géopolitique du XXe siècle, il est clair qu’il veut reconstruire ce qui s’est effondré ; non pas parce qu’il est communiste, mais parce qu’il est nationaliste russe. Mais il y a beaucoup d’autres régions où il peut s’étendre sans attaquer l’OTAN immédiatement. Cette organisation est d’ailleurs en train de se désintégrer, ce que les Soviétiques ont essayé de faire tout au long de la guerre froide, et ils pourraient enfin y parvenir. »

L’ancien conseiller sécurité de Donald Trump ajoute également :

« Il est toutefois légitime de s’inquiéter d’une possible attaque russe contre un pays de l’OTAN. Je ne pense pas que ce soit impossible. Mais je crois qu’il y a beaucoup d’autres endroits que Poutine peut reconquérir dans le cadre de sa volonté de redonner à la Russie la taille et l’envergure dont il pense qu’elles devraient être les siennes. Il n’a donc pas nécessairement besoin de provoquer une confrontation si l’OTAN est en train de se désintégrer. »

L’art d’Andrej Babiš de boycotter les médias publics

« Andrej Babiš, chef du mouvement ANO, qui caracole en tête des sondages à l’approche des élections législatives qui se tiendront à l’automne, évite les médias où il risque de se voir poser des questions gênantes ou de ne pas savoir rester maître de ses émotions, surtout de sa colère », constate un chroniqueur du site Seznam Zprávy, avant de préciser :

Andrej Babiš | Photo: Zuzana Jarolímková,  iROZHLAS.cz

« Andrej Babiš évite délibérément les grands médias traditionnels qu’il qualifie d’hostiles. Il n’accorde des interviews qu’à ceux qui sont dociles. Pour le reste, il se contente de communiquer par le biais des réseaux sociaux. Il ignore aussi ostensiblement la Radio et la Télévision publiques tchèques. Pourtant, la Télévision tchèque l’invite régulièrement à participer à des débats. La dernière fois qu’Andrej Babiš s’y est exprimé, c’était en janvier 2023, avant le deuxième tour de l’élection présidentielle. Il ne pouvait alors pas faire autrement et se permettre d’ignorer les grands médias. »

Selon l’auteur, la position du leader de l’opposition s’est radicalisée depuis sa défaite lors de la dernière élection présidentielle, passant d’un simple boycott à des attaques verbales :

« Il considère tous les médias qui ne lui appartiennent pas ou qui ne sont pas suffisamment complaisants avec lui comme des ennemis. Il les qualifie de pro-gouvernementaux, de corrompus ou de menteurs. La liste des rédactions que Babiš boycotte est longue comme le bras. Inversement, il dispose de plusieurs médias dans lesquels il s’exprime volontiers et publie des commentaires. Force est de constater que le leader d’ANO n’est pas le premier homme politique tchèque à éviter, voire à ignorer complètement les médias traditionnels. Avant lui, les présidents Václav Klaus et Miloš Zeman ne se sont pas comportés autrement. »

Cette stratégie, comme le constate en conclusion l’éditorialiste, fonctionne. Elle a fait ses preuves, selon lui, à l’échelle mondale en cas de la victoire du président américain Donald Trump.

Une grève des éboueurs à Prague ?

La majorité des Pragois considèrent la collecte régulière des déchets comme une évidence. Aussi loin que remonte leur mémoire, ils n’ont d’ailleurs pas le souvenir d’une grève des éboueurs digne de ce nom. Cependant, comme on peut le lire sur le site Info.cz, cela pourrait bientôt changer :

Photo: Vít Palacký,  ČRo

« Il y a trois semaines, les employés des Services de Prague, la société chargée de la collecte des déchets dans la capitale ont menacé de faire grève, en raison notamment d’un conflit avec une conseillère municipale. Il se peut donc que les syndicalistes mettent leur menace à exécution, ce qui serait une situation tout à fait inédite. Prague n’a jamais connu de grève des éboueurs, contrairement à de nombreuses grandes villes en Europe de l’Ouest. »

S’inspirant de l’expérience en la matière de Paris, Madrid, Palerme, Rome et de bien d’autres villes encore, le site explique à ses lecteurs à quoi pourrait alors ressembler la situation à Prague...