La Ruelle d’or est à nouveau ouverte au public du Château de Prague
Attraction choyée des touristes visitant le Château de Prague, la Ruelle d’or a été rouverte, mercredi, après treize mois de travaux. Le président Václav Klaus en personne, accompagné de son épouse Livia, a dirigé la cérémonie d’inauguration de l’un des endroits les plus pittoresques de Hradčany, le quartier du Château, à l’origine l’une des quatre villes fondatrices de Prague.
La Ruelle d’or, appelée également ruelle des Orfèvres, est composée de petites maisons qui furent habitées à partir du XVIe siècle jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Les façades de ces maisonnettes ont toutes été complètement repeintes. Les planchers sont neufs et les systèmes de chauffage également. Václav Hrabík a été le chef de projet de ces rénovations. Il revient sur les travaux entrepris et sur le soin apporté afin de respecter la nature du lieu :
« Les canalisations ont été installées aux endroits mêmes où elles se trouvaient précédemment. Nous avons donc pris le plus grand soin pour ne pas endommager ces bâtiments historiques. Par ailleurs, nous avons installé des conduits permettant de raccorder le lieu au téléphone et à Internet. Les locataires potentiels seront donc contents. »Directeur de l’administration du Château de Prague, Ivo Velíšek ne cachait pas son angoisse à la veille de la cérémonie. Cependant, il se montrait enchanté du résultat des travaux :
« Je me fais beaucoup de soucis, j’ai le cœur qui bat la chamade car je veux vraiment que tout se passe pour le mieux. Parmi toutes les maisonnettes, ma préférée est celle de la divinatrice Matylda Průšová. »
Cette même Matylda Průšová a d’ailleurs fait parler d’elle lors de la cérémonie de réouverture de la ruelle. Elle a effectivement pu lire l’avenir du président Klaus dans les lignes de ses mains : lecture à n’en pas douter enrichissante, mais dont les conclusions ne seront pas connues du public. D’après un vieux mythe, la Ruelle d’or aurait ainsi été le lieu d’hébergement d’alchimistes et autres magiciens férus de sciences occultes que protégeait l’empereur Rodolphe II. En vérité, il en fit d’abord la résidence des archers royaux. « Ça reste un petit clin d’œil à l’histoire. Mais moi, je ne me suis pas retrouvé dans le côté alchimie, le côté mystique qu’ils ont voulu montrer. Je ne m’y suis pas du tout retrouvé. »Leur fonction devenant obsolète avec le temps, la ruelle accueillit par la suite des fonctionnaires et des artisans, dont bien évidemment ces fameux orfèvres, pour finalement devenir un refuge pour les miséreux de la ville. Cependant, les concepteurs de la ruelle dans sa version 2011 ont pris le parti de faire revivre la légende et de travailler l’aspect mystique du lieu. Une orientation qui ne plaît pas forcément à Antoine, un des premiers touristes français à pouvoir visiter le lieu :
Un des objectifs des travaux était de revenir au caractère mystérieux et enchanteur de la ruelle. C’était, en effet, un lieu un peu magique, source d’inspiration pour de nombreux écrivains et artistes. Franz Kafka aimait cet endroit au point qu’il s’y installa un temps, entre 1916 et 1917. C’est aussi là que se réunissaient épisodiquement les éminents écrivains et poètes Jaroslav Seifert, František Halas et Vítězslav Nezval. A noter, enfin, que certaines des façades de la rue avaient été peintes par le célèbre cinéaste d’animation Jiří Trnka.
Il est vrai que le caractère outrageusement touristique de la ruelle lui avait fait perdre un peu de son charme. Il s’agissait de rendre la rue plus humaine. Mission accomplie pour l’une des guides du château, qui avoue être séduite par la nouvelle formule :« C’est mieux, car ce n’est plus uniquement commercial, ce ne sont plus seulement des boutiques. C’est ce qu’on trouvait auparavant. C’est un peu plus divertissant. On peut y découvrir les aménagements de plusieurs pièces, différentes périodes historiques, différentes époques. On voit assurément plus de choses qu’avant. »
Cependant, malgré l’ambition affichée d’en faire un lieu plus convivial, Ivo Velíšek a affirmé que les activités commerciales dans la Ruelle d’Or continueront d’occuper une place prépondérante, tout en les présentant sous un aspect plus pédagogique :« L’idée fondamentale est que nous voulions présenter la Ruelle d’Or comme un endroit du château où le visiteur peut découvrir la façon, dont, à l’époque, on vivait ici et comment cette rue fonctionnait. Il y aura aussi toute une gamme de produits, qui seront faciles à transporter et que les touristes pourront aisément emporter comme souvenirs. »
Le volet marchand semble donc tout de même l’emporter sur le côté didactique, qui consiste, notamment, en une exposition retraçant pour partie la vie de Franz Kafka. Et il semble que cela ne satisfasse pas tout le monde. Ainsi, une touriste française, par ailleurs architecte, a moyennement apprécié cette visite, « trop touristique » selon elle :
« Elle est bien refaite, les couleurs sont sympas. Mais c’est vrai que pour moi, il y a beaucoup trop de monde, et après miser uniquement sur… Ca manque de vie. On a l’impression d’être dans un décor de cinéma… bien fait. »
Míša Černá est guide touristiques au Château de Prague. Elle regrette pour sa part que cette rénovation n’ait pas été une bonne occasion de proposer une vision plus moderne et innovante de la Ruelle d’Or :« Parmi les nouveautés, il y a une exposition qui nous montre comment on vivait dans le passé. Personnellement, je pense qu’on aurait gagné à faire de cette ruelle un lieu plus vivant, ne pas en faire un simple musée. Par exemple, on aurait pu, à la place, offrir l’opportunité à de jeunes designers tchèques de pouvoir exposer leurs travaux, ou bien quelque chose dans cet esprit. L’orientation choisie me semble assez conservatrice, mais je ne dis pas pour autant que c’est laid. »
Beaucoup de ceux qui ont eux l’occasion de visiter la Ruelle d’Or dans sa nouvelle parure sont donc septiques. Surtout que les touristes sont amenés à mettre la main au portefeuille. Pour pouvoir découvrir la fameuse Ruelle, ceux-ci devront s’acquitter de la somme de 250 couronnes (une dizaine d’euros) pour accéder au petit circuit du Château, ou débourser quelque 350 couronnes (environ 14 euros) pour le grand circuit.