La semaine Palach
Il y a 15 ans, en janvier 1989, une série de manifestations dans les rues de Prague a tiré de l'oubli le sacrifice de l'étudiant Jan Palach qui, en 1969, s'était immolé par le feu. Vaclav Richter évoque cette période pleine d'espoir et d'angoisse qui annonçait déjà la proximité de la chute du régime communiste.
Jan Palach a choisi la mort par le feu après l'occupation de la Tchécoslovaquie par les armées du Pacte de Varsovie pour inciter à la résistance un peuple guetté par la passivité et la collaboration avec l'occupant. Bouleversée par son sacrifice, la société tchèque n'a pas pu pour autant stopper le glissement progressif vers l'arbitraire sous le patronage des chefs du Kremlin. C'était le début de la période de la soi-disant "normalisation".
Vingt ans plus tard, au début de 1989, on sentait déjà que la normalisation touchait à sa fin. Les actes de piété à la mémoire de Jan Palach, qui dans les années précédentes s'étaient déroulés dans la plus grande discrétion, ont pris progressivement les dimensions d'un mouvement populaire. Cela a commencé assez modestement par un acte de piété de cinq groupes d'opposition dont le but était de déposer des fleurs sur la place Venceslas à l'endroit où Jan Palach s'était immolé. Les voies d'accès à la place ayant été bloquées par la police, les manifestants se sont réunis devant l'Assemblée fédérale et se sont vus attaquer par des policiers accompagnés de chiens et armés de matraques, de bombes lacrymogènes, et de canons à eau. Du 16 au 20 janvier 1989 des manifestations semblables réunissaient au centre de Prague des milliers de personnes, en majorité des jeunes, qui y venaient malgré les interventions brutales de la police aidée par les milices populaires.
La propagande officielle a qualifié ces manifestations de provocation des forces anti-socialistes. De nombreux participants ont été blessés, 1400 personnes ont été écrouées. Ils demandaient le respect des droits de l'homme et protestaient contre le régime arbitraire. La série des manifestations s'est terminée le 21 janvier par une marche vers le tombeau de Jan Palach dans la ville de Vsetaty. Le régime qui semblait intouchable, en a été sérieusement atteint. Ne jouissant plus d'un soutien inconditionnel de Moscou où Gorbartchev procédait à la "perestroïka", les dirigeants communistes tchécoslovaques perdaient pied. Ils avaient beau minimiser la portée de la semaine Palach et accuser les "éléments anti-socialistes" et leurs complices étrangers de l'avoir organisée, les faiblesses de leur régime étaient désormais évidentes.