La Sénégalais Kaolack danse sa colère
« Le Sénégal rencontre Prague », un festival composé de deux spectacles qui présentent musiques et danses du Sénégal. C'est la troisième année qu'il a lieu, et Radio Prague a rencontré le danseur et metteur en scène, Kaolack, qui danse le premier solo.
Au théâtre Ponec, dans le quartier de Zizkov, le décor est sommaire. Un sol blanc renvoie la lumière bleutée de l'éclairage, sur une scène carrée, entourée de grands rideaux noirs. Rien d'autre. C'est là que se jouaient les spectacles du festival « Le Sénégal rencontre Prague ».
En première partie, Kaolack, sur scène parvient à occuper tout l'espace. Ce Sénégalais danse sur les rythmes d'un DJ qui mixe de la musique moderne et traditionnelle du pays.
La danse est saccadée, parfois violente, le danseur tombe, a des convulsions sur le sol, puis il repart. Il pousse parfois des rugissements, s'arrête, boit une gorgée d'eau avant de reprendre.
« Je m'appelle Pape Ibrahim Kaolack, je viens du Sénégal. »
Qu'est ce que vous faites à Prague?
« Je viens montrer les aspects de la culture africaine, que moi Kaolack je maîtrise, plus particulièrement les danses traditionnelles du Sénégal, du Mali, de Guinée, Burkina Faso, Côte d'Ivoire. Que j'ai eu le temps, et la patience d'apprendre correctement et de donner sincèrement à tous les gens qui le veulent. »
Votre profession c'est danseur?
« Oui, je danse et je chante, ça fait 7 ans je pense. Je suis un artiste, je voudrais, je veux être un artiste. Je travaille avec une dame qui a créé une technique à travers la danse africaine, qui s'appelle Germaine Akouni, et qui m'a enseigné tout ce que je sais. »
Vous êtes d'où, exactement?
« Je suis de Kaolack. C'est une ville qui est au centre du Sénégal, c'est la dernière ville entre le Sénégal et la Gambie. »
Votre nom vient de votre ville?
« Oui, mon nom c'est Pape Ibrahim N'Diaye, mais Kaolack, c'est mon nom d'artiste, à cause de mes dents. Parce que les gens qui viennent de Kaolack, la majeure partie a les dents marron. Alors moi, quand Germaine Akouni m'a vu pour la première fois, elle a dit : « Toi, tu viens de Kaolack, je vais t'appeler Kaolack. Et toute le monde m'appelle Kaolack, et j'espère que c'est un signe, parce que j'aimerais bien représenter ma ville natale, mon continent, mon pays, le plus positif possible... »
En radio on ne voit pas, vous pouvez nous expliquer, vous avez donc les dents marron ?
« Oui, c'est naturel, c'est à cause de l'eau, je pense, il y a trop de chlore, de calcaire. Dès que tu perds tes premières dents de lait, les deuxièmes dents qui arrivent elles sont colorées. Mais avec la technologie, on peut les enlever, c'est facile de les enlever, mais bon moi je n'ai pas voulu, c'est moi. Mais ça c'était il y a longtemps, mes jeunes frères ou mes nièces qui sont nés maintenant à Kaolack, n'ont pas les dents marrons, ils ont les dents toutes blanches. Les gens de Dakar nous font parfois des blagues, parce qu'eux sont de la ville et nous, on est un peu de la campagne. Ils disent que les gens de Kaolack ont des dents en or. C'est notre fierté, c'est pour cela que je les ai gardées. »
Qu'est ce que vous avez voulu transmettre dans votre premier spectacle, il y a un mélange de danse qui reste traditionnelle, et beaucoup de moderne, et ces rugissements, qu'on entend. Vous avez voulu exprimer quoi ?
« Ce solo s'appelle 'Dieu est mort' en français. Je l'ai créé à travers les expériences que j'ai eues depuis le début de l'année ou bien des années passées. Ce solo je l'ai fait parce qu'en venant ici, j'ai été obligé d'aller jusqu'au Maroc pour prendre mon visa, et ils m'ont mis en prison et m'ont refoulé jusqu'au Sénégal. Parce qu'il n'y a pas d'ambassade tchèque au Sénégal. Et vu que chaque année je viens ici pour deux mois, je voulais respecter ce rendez vous, ils m'ont renvoyé. Alors, je l'ai écrit quand j'étais en prison, à Rabat. »
Donc il y a beaucoup de colère dans ce spectacle?
« De colère, parce que c'est ma personnalité, c'est l'Afrique de maintenant, l'Afrique et l'Occident. Qu'est ce qu'on voit dans la peau d'un Africain, qu'est ce qu'on attend d'un Africain, où va l'Africain ? Comment l'Africain peut garder les traditions et s'ouvrir ? Parce que le président Senghor a dit : « On est au monde pour donner et recevoir », mais il faut qu'on donne du positif et qu'on reçoive du positif. Et moi je suis là pour être moi, en tant que sauvage, parce que je suis un sauvage et on l'a vu dans le spectacle. C'est à cause de cela qu'il y a les rugissements, c'est ma manière de respirer sur scène, je ne le fais pas exprès. C'est ma manière de respirer. »
Vous pouvez rugir là, une autre fois ?
« Bon, je ne sais pas parce que je ne suis plus sur scène ! Vous ne l'avez pas pris quand j'étais sur scène ? (rugissement) Ce solo, je le dédie à ma mère, qui m'a beaucoup supporté, aidé et béni, pour que j'ose avoir le courage de faire la danse dans ma profession, et à Germaine Akouni. »