« La Serva padrona » au Théâtre baroque de Cesky Krumlov
Le Théâtre baroque de Cesky Krumlov, un monument unique qui suscite l'envie des théâtrologues du monde entier, est un ensemble miraculeusement conservé avec la salle, les décors et la machinerie d'époque. Il est trop précieux et trop fragile et on ne peut pas donc y jouer du théâtre. Ces jours-ci, ce tabou est cependant transgressé parce qu'on y monte exceptionnellement, les 10 et 11 août, le célèbre opéra bouffe de Pergolèse «La Serva padrona» (Servante maîtresse). Le spectacle qui a eu sa première, il y a quelques jours à Prague, est un des grands moments du XVe festival international de musique de Cesky Krumlov. La réalisation de ce spectacle exceptionnel a été confiée au metteur en scène français, Jean-Denis Monory. Ce dernier a répondu à quelques questions de Radio Prague.
Avez-vous pour objectif ce qu'on appelle une interprétation authentique ?
« Oui et non c'est-à-dire j'ai cette prétention depuis une dizaine d'années. J'ai travaillé avec Eugène Green et avec d'autres personnes qui s'intéressent à la reconstitution théâtrale. Oui, mais je n'ai pas la prétention de faire exactement comme cela a été pour la première fois, mais de s'en rapprocher certainement. Déjà pour la recherche des costumes, je n'essaie pas de montrer le style du XVIIIe siècle français. Par exemple, pour les personnages de Vespone et de «la serva» j'essaie de trouver vraiment des costumes napolitains. »
Est-ce que vous y ajoutez aussi l'art du geste?
«Oui, bien sûr, la gestuelle. C'est extraordinaire surtout pour les chanteurs. Le gros travail que je fais avec eux c'est de chercher la gestuelle qui est juste par rapport à ce qu'ils disent, par rapport aux mots et aux sentiments. Et la deuxième chose : le mouvement correspond au souffle et à la voix. Si le mouvement monte vers le haut, ils ont à monter ou à descendre avec la voix, cela joue énormément. Cela crée un effet vocal et une facilité ou une difficulté. Donc je travaille là-dessus avec les comédiens et maintenant avec les chanteurs. Cela sert aussi aux chanteurs pour avoir une bonne voix, une voix plus émotive, plus légère ou plus grave.»
L'opéra est donné dans le théâtre baroque de Cesky Krumlov. Qu'est ce que l'architecture et l'atmosphère particulière de ce théâtre peuvent apporter à votre production ?
« Cela apporte énormément. C'est tout mon décor. Cette création s'est faite sans décors au départ, si l'on le joue ailleurs on n'a pas de décors, donc forcément l'opéra va prendre toute sa beauté, toute sa grandeur dans le théâtre de Krumlov. On a choisi trois décors, dont deux surtout, qui sont d'époque, du XVIIIe siècle, et qui se trouvent à Krumlov. Quant à la lumière, malheureusement on n'a pas pu utiliser les bougies parce que je voulais utiliser l'éclairage à la bougie comme par exemple pour le Bourgois gentilhomme, il y quelque temps à Prague, ou pour d'autres spectacles qu'on fait aux bougies en France en ce moment. C'est donc de l'électricité, mais elle ressemble énormément à la bougie, c'est une lumière très basse, il y manque justement la vibration de la bougie et la fumée qu'elle dégage. C'est très étonnant quant on ne joue plusieurs heures qu'avec des bougies. Voilà, c'est l'ambiance, le plancher qui craque, les décors qui bougent en six secondes avec sept techniciens dessous de la manière comme cela se faisait au XVIIIe siècle. Tout cela est assez étonnant. C'est unique au monde et cela amène forcément une magie qu'on ne pourrait pas avoir ailleurs. »