La Tchéquie, terre d’inspiration pour les futurs cinéastes québécois
Depuis bientôt deux mois, une cinquantaine d’étudiants venus tout droit de Montréal ont posé leurs bagages à Prague pour prendre part à une école d’été. Leur but : réaliser une série de courts-métrages inspirés de la culture tchèque, de l’actualité mais aussi des lieux et réalités sociales qu’ils ont pu observer durant leur séjour.
Silence, moteur, et action ! Ou plutôt Ticho, motor a akce ! C’est probablement ainsi que la cinquantaine d’étudiants québécois commencent désormais leurs tournages. Arrivés le 30 mai dernier en terre tchèque, ils participent tous à l’école d’été organisée par l’UQAM, l’Université du Québec à Montréal, en partenariat avec la FAMU, l’Ecole supérieure de cinéma de Prague. Ce programme, qui célèbre cette année sa quatrième édition, accueille des étudiants en communication avec des parcours axés sur le cinéma, la télévision, la production et même, depuis cette année, sur le théâtre.
Ce voyage dans la capitale tchèque constitue pour beaucoup d’étudiants une première longue expérience à l’étranger, et c’est ainsi l’occasion pour eux de s’ouvrir à de nouveaux horizons et de se frotter à d’autres réalités comme le confie Eloi, un des étudiants de cette école d’été :
« Je pense qu’à l’intérieur du bac [équivalent de la licence française], on finit par travailler toujours avec les mêmes 25-26 personnes. On travaille toujours dans un contexte quelque peu Montréal-centriste. On doit tourner dans des lieux à Montréal. Il finit par y avoir une certaine redondance. Le fait de venir à Prague, il y a quelque chose d’excitant de dire : ‘Ça fait trois ans que je suis toujours avec les mêmes personnes, et là, je vais rencontrer d’autres collaborateurs, dans un lieu qui est totalement inconnu’. C’est rare que tu vives ça dans ta vie, où tu repars un peu à zéro, d’une certaine façon. Tu rencontres du monde pour la première fois et tu apprends à découvrir leur univers créatif. »
Au-delà des nouvelles rencontres et de la découverte de nouveaux lieux, les futurs cinéastes se sont aussi familiarisés avec le cinéma tchèque. C’était d’ailleurs l’objet du premier cours de la formation où pendant un mois, la classe a pu visionner les trésors de l’industrie cinématographique tchèque. Louis, étudiant et producteur sur le projet de cet été, nous explique :
« Pour l’histoire du cinéma, ça fait à peu près cent ans. Les films qu’on a vus correspondaient à cette tranche d’histoire-là, qui était le pont entre le communisme et le capitalisme. Les films qu’on a vus étaient des films des années 1960, ensuite de la Nouvelle Vague, après ça des films faits avec Eurimages. Dans les films qu’on a vu, il y a Les Petites Marguerites qui me vient en tête et qui est le film de la Nouvelle Vague qui est super connu et réalisé en République tchèque. Il y avait l’adaptation du roman de Hrabal, Trains étroitement surveillés. Il y avait aussi Le Miroir aux alouettes ou Commando à Prague. Ce sont de bons exemples des films qu’on a vus et qui font un parallèle avec nos cours d’histoire. »
Après la théorie, place à la pratique, puisque durant leur second mois à Prague, les étudiants se sont attelés à la réalisation de documentaires et de fictions. Certains se sont nourris de leurs expériences personnelles en Tchéquie, comme des rencontres avec des skateurs pragois par exemple, quand d’autres ont fait le choix de s’attaquer à des thèmes d’actualité poignants comme l’immigration ukrainienne à Prague suite au conflit avec le Russie. Eloi évoque cependant le rôle clé qu’a joué l’immersion en Tchéquie dans le processus de création de tous les projets filmiques :
« Ce que j’ai remarqué, c’est que le mandat de beaucoup d’étudiants est de faire un film qui reflète un peu la culture tchèque. Plusieurs personnes arrivaient avec un projet pensé, mais ils trouvaient quand même un moyen de s’adapter un peu à leur environnement. Pour beaucoup d’étudiants et beaucoup d’équipes, l’idée du documentaire ou de la fiction venait en se promenant à l’intérieur de la ville. »
Cette immersion est renforcée par une obligation relative à la langue utilisée dans ces court-métrages. Denis Chouinard, directeur de cette école d’été, nous en dit plus à ce propos :
« Il faut savoir que les films qu’ils tournent sont tournés en tchèque. Ils seront sous-titrés. Ceux qui vont faire de la fiction vont diriger des acteurs tchèques qui vont jouer en tchèque. Ils vont devoir apprécier l’interprétation uniquement à travers le langage non verbal parce qu’ils ne comprendront pas ce que les acteurs vont dire. C’est intéressant de faire abstraction du texte et de croire uniquement ce que la sonorité, la musicalité de la langue et le corps va dégager pour qualifier si une interprétation est bonne ou si elle peut être améliorée. »
Malgré les difficultés initiales, les étudiants ont su faire de la différence linguistique et culturelle un atout pour leur création. Ils s’étonnent même aujourd’hui de tout ce qui les rapproche des Tchèques, et se montrent reconnaissant pour leur aide et leur accueil, comme le confie Vega, une autre étudiante prenant part au projet :
« La générosité des personnes ici m’a marquée. En étant à la production, tu es la première personne en contact avec les acteurs, les intervenants, les propriétaires d’un lieu que tu aimerais filmer. Il y a du monde que nous ne connaissons pas, nous arrivons, nous sommes des étudiants d’ailleurs mais les personnes étaient vraiment généreuses de leur temps. »
Le sourire aux lèvres, les jeunes québécois apparaissent aujourd’hui très enthousiastes et enjoués à l’idée de concrétiser leurs projets, mais regrettent que la fin de cette si belle expérience soit déjà proche. Leur professeur, quant à lui, se dit très satisfait de cette nouvelle édition et affirme qu’il réitéra l’aventure l’année prochaine. Clap de fin le 30 juillet prochain avec la projection de tous les films dans la mythique salle du Kino Ponrepo à Prague.