La tragédie de Lidice portée à l’écran, bientôt en salles

Photo: www.filmlidice.cz

Dans cette nouvelle rubrique culturelle, un sujet un peu lié au 8 mai qui tombe dimanche, date anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale. Le 31 mai prochain sort en salle le film Lidice, réalisé par Petr Nikolaev, et qui retrace le destin de ce petit village près de Prague, rasé par les nazis en 1942 en représailles de l’attentat contre le Reichsprotektor Reinhard Heydrich.

Petr Nikolaev,  photo: www.filmlidice.cz
Petr Nikolaev, vous êtes le réalisateur du film Lidice. Lidice est un moment marquant de l’histoire tchèque, on aura l’occasion d’y revenir. C’est un film qui à l’origine devait être tourné par la réalisatrice Alice Nellis. Il se trouve qu’elle n’a pas été en mesure de le faire, et c’est vous qui avez pris la relève. Pourquoi avoir accepté de la remplacer ?

« Un projet comme celui-ci, c’est un défi. Pour moi, c’était doublement un défi parce que mon grand-père a aussi été exécuté par les Allemands à cette époque. Je me suis dit que ce n’était pas tout-à-fait un hasard de recevoir cette proposition. Je l’ai acceptée parce qu’il m’a semblé que c’était un devoir. »

Au moment où nous enregistrons, nous sommes le dernier jour du mois de mars, dans quelle phase du film sommes-nous, alors que le tournage est terminé ?

« Il nous reste quelques heures d’enregistrement de la musique, puis on passera au mixage. Vous me trouver à la toute fin du film. »

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Il faut rappeler que Lidice est un épisode très douloureux de l’histoire tchécoslovaque. En comparant avec l’histoire de France, c’est un peu comme Oradour-sur-Glane. Il s’agit d’un village qui a été entièrement rasé par les nazis, la majeure partie de la population a été exécutée par les nazis, en représailles de l’attentat mené contre le Reichsprotektor de Bohême-Moravie, Reinhard Heydrich par deux parachutistes tchécoslovaques. C’est un sujet qui est pas mal traité ces derniers temps. Il se trouve qu’en 2009, un livre est sorti en France, HHhH, de Laurent Binet, qui s’est interrogé justement sur la manière dont on écrit l’histoire. Comment est-ce qu’on écrit l’histoire ? Son roman évoque justement Heydrich et ces deux parachutistes. Puisque Laurent Binet s’est interrogé à comment écrire l’histoire, comment filme-t-on l’histoire, pour être le plus fidèle possible ?

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« Bien sûr, pendant tout le tournage et la préparation du film, on a été en contact avec des spécialistes qui nous ont guidés. Evidemment, ce sont des moments où la précision est très importante. M. Eduard Stehlík nous a beaucoup aidés parce qu’il est l’auteur d’un livre sur Lidice où il a fait des recherches très minutieuses. »

Il me semble qu’aujourd’hui vivent encore des personnes qui ont échappé au massacre quand ils étaient enfants. Avez-vous pu les rencontrer ?

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« Bien sûr. On a présenté le projet à Lidice même, dans le village qui a été reconstruit, ou plutôt construit à côté de l’ancien village. Nous avons eu des discussions intéressantes parce que bien évidemment, après 69 ans, ces gens-là attendent avec impatience le film, mais en même temps, avec une certaine appréhension. Ils sont complètement concentrés sur cette histoire. J’espère qu’on ne va pas les trahir. »

Ces derniers temps, j’ai l’impression que le cinéma tchèque s’intéresse beaucoup à son histoire récente. Il suffit de penser à Pouta, qui se passe sous le communisme, et qui a été couvert de récompenses aux récents Lions tchèques. Mais aussi à Protektor… Est-ce un besoin, conscient ou inconscient, des Tchèques, ou des réalisateurs tchèques, de se pencher sur le passé…

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« C’est un besoin, mais je ne crois pas que ce soit spécifiquement tchèque. Ca existe dans toutes les nations. Ce qui est intéressant, c’est que tourner un film sur Lidice a été prévu à plusieurs reprises, mais ça n’a jamais été réalisé. C’est très émouvant d’être la personne qui réalise ce rêve. »

Je crois savoir que la sortie était prévue pour le mois de juin, mais que la sortie a été avancée afin que les écoliers puissent encore aller voir le film, avant l’année scolaire. Est-ce que dans votre démarche, il y a cet aspect pédagogique vis-à-vis de la nouvelle génération ?

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« La visite de Lidice est un passage obligatoire quand on va à l’école. Moi-même quand j’avais onze ans, j’ai visité Lidice. Cela fait partie de l’éducation scolaire tchèque. C’est naturel d’avoir pensé aux élèves ! »

Quels sont vos meilleurs souvenirs du tournage ?

« C’est difficile d’en parler. Il n’y a pas vraiment de moments très joyeux… Pendant le tournage, bien sûr, on était tous excités et tout le temps sous pression parce qu’on a tourné dans des endroits comme Terezín, comme Lidice. On a visité des lieux qui n’étaient pas très gais. Mais ce souvenir est très intense. Le tournage a été presque hallucinatoire. Quand on a travaillé sur les exécutions, je n’étais pas dans un état tout à fait normal… C’est difficile à décrire. »

Au niveau de la distribution, qui sont les principaux acteurs du film ?

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« Le rôle principal masculin est tenu par Karel Roden. Ensuite, il y a Zuzana Fialová, une comédienne slovaque qui joue sa partenaire, Zuzana Bydžovská qui est une célèbre actrice tchèque, joue sa femme. Ensuite, il y a un jeune couple joué par Veronika Kubařová et Marek Adamczyk qui jouent un rôle très important dans l’histoire, car c’est par ce couple que la destruction du village arrive, sans le vouloir, par l’intermédiaire d’une lettre qui déclenche tout. »

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Lorsque j’ai rencontré Petr Nikolaev, c’était à la fin mars, et toute l’équipe était en train d’enregistrer la musique qui accompagnera le long-métrage. Elle est interprétée par l’Orchestre national tchèque, spécialisé dans les musiques de film. André Addeh en est son représentant :

« Il s’agit de l’Orchestre national tchèque, qui est composé de membres de trois orchestres : l’Orchestre philharmonique tchèque, l’Orchestre de la radio et l’Orchestre de chambre de Prague. Il travaille ici depuis dix ans. On a beaucoup travaillé sur des films américains, mais aussi français… »

Vous avez quelques exemples à nous donner ?

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« Le dernier, c’est L’autre Dumas, avec Gérard Depardieu. On a aussi travaillé avec Roman Polanski pour le film Oliver Twist. La musique de ce film a été écrite par une femme, Rachel Portman, le film a été tourné à Prague, et c’est je crois la seule femme à avoir été nominée aux Oscars pour la musique. Sinon j’espère qu’à l’avenir on aura l’occasion de travailler sur plus de films tchèques. »

Sinon, quel est votre rôle dans l’orchestre ?

« Je suis violoniste, mais aussi le représentant officiel de l’orchestre. »

Vous travaillez sur le film de Petr Nikolaev, Lidice, comment ça se passe ?

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« Je pense que ça se passe très bien. La difficulté, c’est la musique est très calme. Cela demande donc une grande concentration pour que ce soit bien mis en place. »

Avez-vous vu un peu quelque chose du film ?

« Malheureusement non, mais je serai le premier à aller le voir ! »