La veille du jour J, l’historique des élections présidentielles d’avant-guerre….

Depuis 1918, date de la création de la Tchécoslovaquie, dix hommes se sont succédés à la présidence de la République. Qui sera le 11e président tchèque ? Les députés et les sénateurs appelés à élire le chef de l’Etat en décideront le 8 février, date du premier tour de l’élection.

Dix présidents de la République, vingt deux serments prêtés, six fois le texte du serment modifié, l’élection à scrutin secret, à l’exception du premier président tchécoslovaque, des présidents communistes et de la première élection d’après la révolution de Velours qui a conduit Václav Havel à la tête du pays - ainsi on pourrait caractériser l’élection présidentielle au cours des 90 années qui se seront écoulées depuis la fondation de l’Etat tchécoslovaque.

« Tous les liens avec la dynastie habsbourgoise-lorraine sont définitivement rompus. Fini les traités de 1526 et la pragmatique sanction. La dynastie a perdu tous les droits de succession au trône de Bohême et nous, à nouveau libres, nous déclarons que notre nouvel Etat tchécoslovaque est un Etat libre et souverain, et je vous demande d’élire Tomáš Masaryk son premier président. » Des applaudissements et des cris bravo, vivat, ont retenti dans la salle et Karel Kramář a ensuite annoncé que le docteur Masaryk était élu par acclamation et à l’unanimité des voix président de la République. Le premier président tchécoslovaque a prêté serment le 21 décembre 1918.

Le déroulement peu standard de la première élection n’a dérangé personne. Tomáš Garrigue Masaryk a jouit d’un haut prestige: il était perçu en tant que symbole d’un Etat démocratique libre et de ce point de vue, sa position était très forte. L’historien Vratislav Doubek le confirme :

« Le respect envers le président libérateur se manifestait au travers des couches sociales et des groupes de nationalités et sa popularité était très forte. »

Tomáš Masaryk a été quatre fois réélu président de la République. La deuxième élection a eu lieu en février 1920, après l’adoption de la nouvelle constitution qui a formulé de nouvelles compétences parmi lesquelles l’élection du président par les deux chambres du parlement pour une période de 7 ans. Le prestige dont Masaryk bénéficiait s’est reflété dans les formulations de la constitution, rappelle l’historien Doubek :

« Le président ne pouvait être élu plus de deux fois pendant deux périodes successives, à l’exception du premier président. C’était incontestablement une exception cousue sur mesure pour Masaryk. »

Le faible soutien de Beneš, ainsi que la situation politique pas facile en Tchécoslovaquie qui risquait de se déstabiliser, ont conduit à la décision de présenter une fois encore la candidature de Masaryk. La quatrième élection, le 24 mai 1934, dans la salle Vladislas du Château de Prague, a été marquée par des problèmes de santé dont Masaryk, 84 ans, souffrait. Cela s’entendait dans sa voix affaiblie :

« Je promets sur mon honneur et ma conscience de veiller au bien-être de la République et du peuple et de ménager la loi constitutionnelle ainsi que les autres lois. »

Tomáš Garrigue Masaryk n’a pas terminé son quatrième mandat. Son état de santé s’est rapidement aggravé au point qu’en décembre 1935, il a démissionné. Des négociations en vue d’assurer un soutien nécessaire à son successeur se compliquaient, après que le chef communiste Klement Gottwald, sous le coup d’un mandat d’arrêt pour la propagation de tracts hostiles à la République, est parti en exil à Moscou.

Edvard Beneš
En échange de leur soutien à la candidature d’Edvard Beneš, les députés communistes ont demandé l’amnistie pour leur leader et incité le président Masaryk à le proclamer encore avant sa démission. A part les voix des députés communistes, Edvard Beneš sollicitait encore le soutien des nationalistes allemands de Kondrad Henlein, sous la promesse de ne pas interdire leur parti, mais il n’y a pas réussi. Le 18 décembre 1935, Edvard Benes a été élu président de la République et prêté serment, le même que Tomáš Garrigue Masaryk. Le président de l’Assemblée nationale l’a félicité :

« Monsieur le président, je vous félicite au nom de l’Assemblée nationale. Que le legs brillant de la personnalité du premier président éclaircisse votre chemin vers le bien-être de la république et vers une paix durable. Vive le président, vive la République. »

Hélas, ce souhait ne s’est pas accompli. Le président Beneš n’est pas resté longtemps à la tête de la Tchécoslovaquie, amputée suite aux accords de Munich de ses régions limitrophes et réduite au protectorat de Bohême-Moravie, après la proclamation de l’Etat slovaque libre.