La Vltava, un terrain de jeu au cœur de Prague pour les pêcheurs à l’aimant
Dépolluer les cours d’eau mais de façon ludique, c’est ce que promet la pêche à l’aimant. Cette activité écologique consiste à lancer un aimant relié à une corde d’une vingtaine de mètres pour remonter toutes sortes d’objets en ferraille gisant au fond des cours d’eau. Vélos, outils, pièces de monnaies et autres objets insoupçonnables oubliés dans les rivières, lacs et mers attendent d’être trouvés et ce même dans la Vltava à Prague.
La pollution des rivières et des cours d’eau est devenue une triste habitude dans les grandes villes, en particulier celles accueillant un nombre important de touristes au cours de l’année. A l’image de Paris et de la Seine, Prague, n’est pas épargnée par la dégradation de son principal milieu aquatique : la Vltava. L’un des responsables pointés du doigt n’est autre que le métal. Pour certains pollueurs, il est plus pratique de jeter des résidus et autres pièces métalliques dans un cours d’eau plutôt que de les mettre aux encombrants. Face à cette réalité, une activité originale, pouvant très vite devenir un hobby, s’est développée à Prague : la pêche à l’aimant.
Janek Rubeš, l’un des membres du célèbre duo de la chaîne Youtube Honest Guide, s’est prêté au jeu après avoir rencontré un habitué de cette activité, devenu par la suite un ami.
« C’est grâce à un ami que j’ai découvert la pêche à l’aimant. On s’est rencontré près du Théâtre National et j’ai vu qu’il avait des pistolets à ses côtés. J’ai cru qu’il les vendait alors je lui ai posé la question et il m’a dit qu’il les sortait tout droit de la rivière. Je ne l’ai pas cru au début et je suis donc resté avec lui pendant un petit moment et on s’est mis à sortir de nouveaux pistolets de l’eau ainsi que d’autres objets. C’est comme ça que je me suis familiarisé avec cette activité.»
Bien que récréative, cette activité peut être dangereuse et, de ce fait, ne s’adresse pas aux plus jeunes désireux de sortir des trésors de la vase. Il arrive parfois que des objets datant de la Seconde Guerre Mondiale tels que des grenades soient exhumés. Il est donc fortement recommandé de pêcher à l’aimant en étant accompagné ainsi que d’être muni de son téléphone en cas de découverte inattendue et pouvant comporter des risques afin de prévenir les autorités.
Néanmoins, la pêche à l’aimant séduit certains Pragois qui laissent des indices attestant de leur présence sur les rives de la Vltava. Selon Janek Rubeš, il suffit d’ouvrir l’œil tout simplement :
« Après m’être intéressé de près à la pêche à l’aimant, j’ai remarqué que beaucoup de personnes la pratique. On peut noter des coins avec de la rouille et des particules métalliques au bord de la rivière et c’est de cette façon qu’on peut déterminer qu’un pêcheur à l’aimant était présent à cet endroit. Ils sortent des objets métalliques hors de l’eau et les laisse sur les rives ce qui laisse des marques sur le sol. Mais à mon avis, cela ne représente pas un nombre très important de gens. »
Il serait impossible de dresser une liste complète des objets métalliques sortis de la Vltava, ou plutôt ce qu’il en reste, d’autant plus qu’elle n’en finit pas de se rallonger. Les endroits « stratégiques » des pêcheurs à l’aimant sont habituellement à proximité des ponts ou des lieux historiques. L’emblématique pont Charles semble cocher tous ces critères et pourtant… Les trouvailles des amoureux d’histoire se font rares et sont remplacées par d’autres qui ne feraient pas tirer son chapeau à Indiana Jones, une conséquence du tourisme de masse. Chaque année, Prague accueille près de 4,5 millions de touristes soit l’équivalent de plus de trois fois sa population.
« La plupart du temps, ce sont des bouts de métal et on ne sait pas de quoi il s’agit. Nous avons trouvé des bouts de métal, un vieux téléphone, des pièces de monnaie, des boutons de veste d’après-guerre. A notre grande surprise nous avons même sorti un pistolet. Quand nous étions en train de pêcher près du pont Charles, il y avait 99% de chances qu’on remonte des clés provenant des cadenas accrochés par les amoureux et les touristes et qui sont jetées dans l’eau. Cette habitude ou tradition qu’ont les gens d’accrocher des cadenas sur les ponts des grandes villes pour célébrer leur amour est mauvaise et je suis sûr que le problème est le même en France. Jeter la clé dans la rivière est vraiment la pire des idées. »
« Cela révèle que toute chose faite en masse ne mène en rien à quelque chose de positif. C’est tolérable quand une personne jette une clé à l’eau mais quand ce geste est répété par des centaines de milliers de personnes la rivière s’en trouve polluée. Rien de tout cela n’apporte de la chance à un couple mais contribue à dégrader la rivière que nous devons préserver. »
Une fois sortis des eaux de la Vltava, les objets peuvent être proposés à différents musées s’ils présentent un intérêt historique sinon ils sont mis aux encombrants pour être recyclés ou bien nettoyés et gardés par les pêcheurs ayant une âme de collectionneur.
Pour autant, si cette activité permet de dépolluer au fur et à mesure la Vltava, elle ne fait pas l’unanimité auprès de certains archéologues.
« J’ai reçu un message d’un archéologue qui me disait que ce nous faisions était illégal. Je n’ai pas encore vérifié si cela était mentionné dans un texte juridique officiel. Selon lui, ces objets reviennent aux musées mais ce n’est pas ce que mon ami m’a dit. Quand il proposait ces objets aux musées, ces derniers refusaient. Cela étant, j’aimerais bien rencontrer cette personne car c’est un sujet qui m’intéresse et peut-être pourrions-nous nous être utiles mutuellement. Evidemment, je n’ai pas envie que la pêche à l’aimant devienne un hobby pour les enfants. Ils pourraient sortir un objet ayant de la valeur et le mettre à la poubelle. D’un autre côté, ça ne change pas grand-chose, qu’il soit au fond de la rivière ou avec les ordures, personne ne le trouvera. »
Quoi qu’il en soit, Janek Rubeš a attrapé le virus de la pêche à l’aimant qui est désormais un de ses loisirs. De la même façon qu’on déballe un cadeau de Noël, on ne sait jamais à l’avance sur quoi on va tomber d’où l’attrait de certains Pragois pour ce passe-temps.