L'absinthe en République tchèque
Il n'y a pas beaucoup de pays, où l'absinthe, la "dangereuse" liqueur verte, est légalisée. Parmi ses fabricants européens, la République tchèque est à la tête du peloton. De bonne qualité et bon marché, l'absinthe tchèque est très demandée en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suède et même au Japon. En République tchèque, elle est recherchée surtout par les touristes, les Tchèques, eux, ont d'autres préférences parmi les boissons alcoolisées... Par Magdalena Segertova.
Dans les cafés pragois, l'absinthe à 75° ne coûte pas plus cher que la vodka ou le whisky. A vrai dire, ces bouteilles au breuvage verdâtre, exposées dans les vitrines des magasins, ne passionnent guère les Tchèques. Ils restent fidèles à leur bonne bière, au vin, ou encore à leur propre liqueur à base d'herbes, la fameuse Becherovka. Par contre les touristes, surtout ceux qui sont originaires des pays où la liqueur est interdite, sont ravis : pouvoir déguster l'élixir légendaire de la bohème parisienne du XIXème siècle est, pour eux, une véritable aventure. Rien de plus excitant que de voir couler l'alcool dans un grand verre, sur un morceau de sucre pour adoucir son goût amer. Un peu comme le faisaient Verlaine, Van Gogh ou Picasso. Consommé avec excès, la liqueur a eu des effets néfastes chez ses amateurs, tels que des troubles de sensibilité, des hallucinations. Voilà pourquoi la fabrication de la fée verte, comme les peintres l'ont souvent personnalisée, est devenue illicite dans nombre de pays, dont, par exemple, la France et les Etats-Unis. Les liquoristes tchèques se sont lancés dans sa fabrication au début des années 90, peu après la Révolution de velours. Leur travail est surveillé de près par les ministères de la Santé publique et de l'Agriculture. Les normes tchèques sont classées parmi les plus sévères au monde : la thuyone, composante de l'armoise et le principal élément incriminé dans la toxicité de l'absinthe, est réduite au minimum. Mais ce n'est pas tout, la fille d'un liquoristes tchèque renommé explique : "Jadis, quand on laissait tremper l'armoise dans l'alcool, l'absinthe était nocive. Aujourd'hui, cela ne peut pas arriver, car nous macérons les herbes dans l'eau chaude". Son père, fabriquant de plus de 70 sortes de liqueurs, ajoute : "Au moment où l'on ne mesure plus son verre, n'importe quelle boisson devient dangereuse. Une liqueur, cela ne se boit pas, cela se déguste..."