L’affaire du flic communiste ou comment couper court au débat

Zdeněk Ondráček, photo: ČTK

L’expression « komunistický fízl », c’est-à-dire « flic communiste », est-elle une insulte ? C’est la question à laquelle a dû répondre la Chambre des députés vendredi dernier après que le conservateur Miroslav Kalousek (TOP 09) l’a utilisé à l’encontre du communiste, et ancien policier, Zdeněk Ondráček, pour couper court à un débat qui les opposait. Ce dernier demandait des excuses que lui refuse son adversaire. Entre les deux, les parlementaires n’ont pas tranché.

Zdeněk Ondráček,  photo: ČTK
Originaire du nord-est de la Bohême, Zdeněk Ondráček avait 19 ans en 1989 et étudiait alors au sein d’une école de police. Le jeune homme, qui a rejoint le parti communiste durant cette fameuse année, a également à cette époque officié au sein du corps de la sécurité nationale (SNB), l’équivalent des CRS en France. Et ce passé a ressurgi au détour d’un débat parlementaire sur une question relativement technique de fiscalité quand M. Kalousek, ancien ministre des Finances, a répondu à l’argumentaire de M. Ondráček en le qualifiant de « komunistický fízl ». Rédacteur pour le journal en ligne Deník Referendum et collaborateur de l’Académie démocratique de Masaryk, proche de la social-démocratie, Patrick Eichler considère qu’il s’agit d’un procédé rhétorique classique :

Miroslav Kalousek,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Il s’agit d’une méthode argumentaire qui existe en République tchèque et dans bon nombre de pays d’Europe centrale. Elle s’utilise quand on ne veut pas discuter avec quelqu’un. On dit alors : « lui, c’est un communiste » ce qui délégitime sa position dans ce contexte démocratique de l’après novembre 1989. On oublie que toute une série de personnes, qui étaient membres du Parti communiste tchécoslovaque avant la Révolution de velours, occupent aujourd’hui des postes importants dans le monde des affaires ou dans des partis politiques. »

Parmi eux, Miroslav Kalousek lui-même, qui fut membre à partir de 1984 du Parti populaire tchécoslovaque, un mouvement assujetti au parti communiste dans le cadre du Front national des Tchèques et des Slovaques.

Zdeněk Ondráček en septembre 1989,  photo: ČT
De son côté, Zdeněk Ondráček, dont l’élection en tant que député en 2013 avait déjà été marquée par une pétition appelant à sa démission, s’est senti insulté dans l’enceinte de la démocratie tchèque et le Comité des mandats et des immunités de la Chambre basse du Parlement a demandé à M. Kalousek de présenter des excuses. Ce dernier, assez coutumier des attaques ad hominem, a refusé et s’en est expliqué devant ses collègues :

« Dans l’expression « flic communiste », il n’y a pas un mot vulgaire. « Flic » est un mot qui répond aux standards du tchèque courant, qui a été utilisé et s’utilise toujours couramment. Pour nous qui avons vécu la semaine de Palach ou qui étions sur la place Venceslas en septembre 1989, nous n’avions pas d’autre mot pour désigner ces personnes. Le plus souvent, nous les appelions des flics, parfois également des matraqueurs, ou encore « gustapáci » dans le cas où nous faisions référence au prénom de baptême du président de la République de l’époque Gustáv Husák. Nous utilisions également d’autres appellations, mais qui, pour le coup, sont vulgaires. »

Erik Tabery,  photo: ČT
Miroslav Kalousek a reçu un certain nombre de soutiens, par exemple du rédacteur en chef de l’hebdomadaire Respekt Erik Tabery, pour qui il conviendrait d’appeler un chat un chat. Finalement, trop peu de parlementaires ont pris part au vote sur la proposition du Comité des mandats et des immunités et celle-ci n’a été ni acceptée, ni rejetée.

Mais selon Patrik Eichler, la question des excuses est secondaire et cette histoire illustrerait avant tout l’état du débat au sein du champ politique tchèque, toujours très marqué par l’anticommunisme, alors même que cette force politique ne représenterait pas un danger pour la démocratie tchèque :

Patrik Eichler,  photo: PŠA,  YouTube
« En fait, cela permet de détourner l’attention sur des sujets comme les services de l’Etat, la corruption en politique, l’intégration européenne… car la légitimité pour toute une série de partis de droite repose sur le fait qu’ils sont des partis anticommunistes. »

Même si l’incident qui a animé la Chambre des députés et les médias peut être qualifié de mineur, cette affaire témoigne de la persistance d’un relatif biais historique quand il s’agit de se référer à l’avant novembre 1989.