Quand la StB dévoile son vrai visage
Cette nouvelle revue de presse propose tout d’abord de rappeler certaines pratiques de l’ancienne police d’Etat, la StB. Nous évoquerons ensuite les manifestations qui se sont récemment déroulées en Tchéquie. Autre sujet traité cette semaine : le débat sur l’éventualité d’un référendum sur la sortie de la Tchéquie de l’Union européenne qui sème le trouble chez les entrepreneurs établis dans le pays. Quelques mots enfin au sujet de la confession de la biathlète tchèque Gabriela Koukalová qui a provoqué de vives émotions.
« En 2003, on a pu voir de longues files d’attente de gens souhaitant obtenir une version imprimée des listes des collaborateurs de la StB. Une façon, pour les intéressés, d’identifier sur ces listes les noms de leurs amis, des membres de leurs familles, des personnalités publiques ou encore les leurs. A côté d’agents authentiques, ces listes indiquaient les personnes qui avaient été seulement enregistrées par la StB sans pour autant devenir de véritables collaborateurs. »
Débutant en 1948, date de l’arrivée au pouvoir du Parti communiste, les listes en question ont fini par contenir près de 90 000 noms ce qui n’est pas, selon l’auteur de cet article, un chiffre particulièrement impressionnant. Preuve de ce que le rôle des délateurs dans le maintien et le fonctionnement du régime communiste a été moins important qu’on a pu le croire. Leur présence dans la société a servi à paralyser le courage civique et la volonté des gens de déclarer leurs convictions en public. L’existence, avant la chute du régime communiste, de près de 20 000 collaborateurs de la StB signifie qu’on comptait un mouchard pour environ 500 habitants. Or, la peur que le pouvoir communiste inspirait aux gens était plus forte que les possibilités réelles de ces collaborateurs ce qui ne n’ôte évidemment rien à leur responsabilité. Le texte publié dans le magazine Respekt indique enfin :
« A l’époque, on a vu exercer dans le pays près de 12 000 membres ou employés de la StB. Une des sections spéciales était autorisée à arrêter, interroger, accuser, écouter les gens en secret, perquisitionner les maisons, s’infiltrer partout où elle le voulait. Ce sont ces gens-là, les authentiques ‘estebáci’ qui incarnaient la véritable police secrète. Tenus aujourd’hui à l’écart de la vie publique, ce sont les ‘estebáci’ et leurs agents qui avaient en charge l’économie et qui ont toujours une certaine influence sur l’économie actuelle du pays. »
Et après les manifestations ?
Pour définir les motivations des milliers de gens qui ont participé aux manifestations qui se sont déroulées au cours du mois de mars non seulement à Prague, mais aussi dans d’autres grandes villes du pays, le site lidovky.cz a donné la parole à plusieurs politologues. Ceux-ci se sont d’accord pour dire que ces événements sont le fruit d’une longue frustration et du mécontentement d’une partie de la population liée à l’évolution politique du pays. D’après Josef Mlejnek de l’Université Charles, elles reflètent les craintes des Tchèques à l’égard de la démocratie et de son caractère tel qu’il se développe depuis la révolution de velours. Le discours d’investiture du président Miloš Zeman au cours duquel il a ouvertement attaqué les médias publics a été aussi un des éléments déclencheurs des manifestations. D’un autre côté, les spécialistes interrogés estiment que si elle ne donne pas naissance à une nouvelle force politique organisée, cette vague ne peut durer longtemps. L’un d’entre eux explique pourquoi :« Nous les Tchèques avons une approche assez négative à l’égard des manifestations, car elles nous rappellent en quelque sorte les manifestations du 1er mai sous le régime communiste et dont la majorité des gens n’a pas envie de se souvenir. Pour moi, il s’agit d’une effervescence de l’activisme civique qui ne sera pas de longue durée. Je ne pense pas que les manifestations prennent désormais en force. »
Les manifestations qui se sont récemment déroulées en Tchéquie ont été aussi un des sujets que le président Miloš Zeman a évoqué dans un entretien accordé au quotidien Mladá fronta Dnes de ce jeudi. En réaction à l’article d’un journaliste selon lequel « les manifestations pourraient changer la structure politique de la République tchèque », il a dit :
« Force m’est de constater que tant que je suis président, je n’accepterai jamais un ‘Maïdan’. Peu importe les opinions exprimées dans la rue par les manifestants, je respecterai toujours la phrase qui a été communiquée par le président Edvard Beneš à Klement Gottwald, une phrase qu’il n’a pas hélas menée jusqu’au bout et qui dit : Je n’admettrai jamais que la rue décide du destin de la république’. »
A qui déplait le débat sur un éventuel ‘czexit’ ?
Près de 80 % des entreprises établies en République tchèque se déclarent contrariées par le débat actuel portant sur l’éventualité d’un référendum sur la sortie du pays de l’Union européenne. Si un éventuel ‘czexit’ devenait réalité, près d’un tiers d’entre elles envisagerait de quitter le pays, tandis qu’un autre tiers devrait procéder au licenciement d’une partie de ses employés. Ce sont les entreprises comptant plus de 250 employés qui seraient le plus touchées. C’est ce qui ressort d’une étude effectuée par la Chambre de commerce et d’industrie tchéco-allemande et au sujet de laquelle le quotidien Hospodářské noviny a écrit :« La réduction de l’accès au marché européen unique, l’introduction des droits et taxes, l’augmentation de la bureaucratie, la baisse du chiffre d’affaires. Tels sont les principaux risques évoqués dans ce contexte. Mais c’est le débat actuel lui-même qui porte préjudice au pays. C’est pourquoi les firmes appellent les représentants politiques à s’exprimer clairement en faveur d’une appartenance à long terme de la Tchéquie à l’Union européenne et à refuser un référendum qui donnerait aux citoyens le pouvoir de trancher cette question. Le problème, c’est qu’à ce jour, aucun initiateur de ce débat n’a expliqué aux gens quelles seraient les retombées économiques, sociales et internationales de la sortie du pays de l’Union européenne. Par ailleurs, près de 80 % des échanges sont réalisées avec ses pays membres. »
Un suicide économique. C’est par ses mots que les économistes et les industriels n’hésitent pas à décrire une telle alternative. Selon le journal Hospodářské noviny, c’est aussi le président de l’Union des syndicats Josef Středula qui avertit qu’un éventuel « czexit » se traduirait en Tchéquie par un effondrement de nombreux secteurs et entreprises, en estimant que ses défenseurs ne font que mystifier la population.
La fin d’un rêve biathlonien
« Gabriela Koukalová fait tomber les illusions sur le biathlon. » Tel est le titre d’un article qui a été mis en ligne sur le site aktuálně.cz et qui réagit à un entretien que la célèbre biathlète tchèque, médaillée olympique et détentrice de six petits globes de cristal, a accordé cette semaine à un magazine féminin. Rappelons que Koukalová, 28 ans, a raté non seulement les derniers Jeux olympiques de Pyeongchang mais aussi toute la saison de cette année à cause d’une blessure au mollet. En Tchéquie, on a rarement vu la confession ouverte d’un athlète provoquer une telle avalanche de réactions. L’article explique pourquoi :« Lire cet entretien n’a pas été facile pour les fans du biathlon tchèque, car l’illusion d’un climat idyllique lié à cette discipline est définitivement tombée. Dans les pages du magazine, Koukalová se plaint d’un manque d’empathie de la part des représentants du biathlon tchèque à partir du moment où elle a commencé à souffrir de troubles de santé, décrivant ses angoisses, ses déprimes et l’absence de joie que le sport professionnel aurait dû lui apporter. A la lumière de ses déclarations, son éventuel retour au biathlon s’annonce peu probable, même si elle aime parfois dire le contraire. Ce qui est certain, c’est que ses sentiments sont mitigés, car quitter ce qui lui a apporté des succès phénoménaux n’est pas facile ».
L’auteur de l’article mis en ligne sur le site aktuálně.cz suggère que Gabriela Koukalová est désormais attirée par une vie « normale ». Si tel est le cas, sa décision ne devrait pas être critiquée ou mise en doute comme beaucoup de gens ont aujourd’hui tendance à le faire, car « la biathlète n’est pas un bien public ». Ce qu’il faut en revanche faire, c’est la remercier pour les émotions sportives inoubliables qu’elle a pu partager avec ses très nombreux fans.