L’assassinat en Slovaquie d’un journaliste rappelle la « liquidation » souhaitée par le président Zeman
L’annonce, lundi, de l’assassinat d’un jeune journaliste d’investigation en Slovaquie a entraîné de nombreuses réactions en République tchèque voisine aussi. Dans un pays où le président de la République, l’année dernière encore, avait déclaré que « liquider les journalistes » serait une bonne chose, la gravité des faits a été d’autant plus soulignée.
Sur un côté de la mitraillette se trouvait l’inscription « Pour les journalistes », une façon comme une autre pour le président de bien faire comprendre ce que méritent à ses yeux ces derniers. Quelques mois plus tôt, lors d’une conférence de presse qui avait suivi une rencontre avec Vladimir Poutine, le même Miloš Zeman avait d’ailleurs fait savoir à son homologue russe, et à voix suffisamment haute pour que tout le monde l’entende distinctivement, qu’une « liquidation » était le sort qu’il réserverait personnellement aux journalistes trop nombreux.
Ces deux anecdotes ont bien entendu été ressorties par les médias tchèques lundi lorsque ceux-ci ont appris la mort du journaliste slovaque Ján Kuciak, victime d’un meurtre commandité à son domicile dans une petite commune de l’ouest de la Slovaquie en fin de semaine dernière. Le reporter du site Aktuality.sk a été assassiné très probablement en raison de son travail et des enquêtes sur des affaires de fraude fiscale et de corruption qu’il menait depuis bientôt trois ans. Choqué lui aussi par ce fait divers sans précédent dans l’histoire tant de la Slovaquie que de la République tchèque, Adam Černý, président du Syndicat des journalistes en République tchèque, constate l’évolution négative ces derniers temps de la perception du travail des journalistes :
« On observe une dégradation de l’atmosphère dans la relation entre les médias et le monde de la politique. On entend quand même les plus hauts représentants tchèques comme le président faire des plaisanteries inacceptables sur le sujet avec Vladimir Poutine. »Lundi, Miloš Zeman a été un des rares politiciens des deux côtés de la frontière tchéco-slovaque à ne pas s’exprimer sur le meurtre du jeune journaliste. Tandis qu’à l’image du Premier ministre démissionnaire Andrej Babiš, qui ne porte pourtant pas lui non plus la gent journalistique en grande estime, la majorité d’entre eux ont exprimé leur stupeur et leur indignation, le président tchèque est resté enfermé dans son mutisme. Pourtant, comme le rappelle Adam Černý, le chef de l’Etat s’est déjà montré à plusieurs reprises bien plus expansif sur le sujet :
« On peut ici rappeler une autre affaire qui remonte à cinq ans. Lors de son introduction aux fonctions présidentielles, Miloš Zeman avait consacré près d’un tiers de son discours aux médias et à leur diffamation. Il avait alors comparé les médias tchèques au crime organisé. Cela montre bien que les relations entre les deux parties sont exécrables. »
L’émotion qu’a soulevée le meurtre de Ján Kuciak, au-delà des mises en garde quant à la menace qu’il représente pour la liberté d’expression et la démocratie, rappelle aussi que, malgré la multitude de scandales en tout genre qui ont été révélés par les médias tout au long de ces vingt-huit dernières années post-communistes, les pays d’Europe centrale ne sont pas habitués à ce type de criminalité.La Slovaquie, dont le Premier ministre Robert Fico a qualifié dans une passé récent les journalistes de « sales prostituées anti-slovaques », figurait ainsi en 2017 à la 17e place du classement pour la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Et malgré un recul de cinq places en l’espace d’un an, cette même Slovaquie figurait toujours six places devant la République tchèque, les deux voisins faisant même figure de meilleurs élèves en la matière parmi tous les pays de l’Europe centrale et de l’Est ayant appartenu autrefois à la sphère soviétique.