Laurent Tillie, entraîneur français de la sélection tchèque de volley-ball : « Tchèques comme Français aiment bafouer les règles »
Laurent Tillie, recordman du nombre de sélections en équipe de France, est le nouvel entraîneur de l'équipe de République tchèque de volley-ball. Nous l'avions rencontré à Prague lors de la signature de son contrat voilà un peu plus d'une semaine. Après avoir diffusé la première partie de l'interview qu'il nous avait accordée à cette occasion dans notre émission précédente, en voici donc, comme promis, la seconde. Et bien qu'en pleine découverte d'un nouveau pays, d'une nouvelle culture et d'un nouveau groupe, Laurent Tillie posait déjà un regard riche en enseignements sur le collectif qu'il dirige:
« Il ne faut pas se voiler la face, il est certain qu'il est toujours plus facile de parler la même langue parce qu'il y a des subtilités dans le managerat et dans le coaching surtout qui deviennent un peu plus difficiles à faire passer, à exprimer si on ne parle pas la langue des joueurs. C'est un point négatif. Par contre, il est vrai aussi que la plupart des joueurs parlent soit français, soit italien, ce que je parle couramment car j'ai joué quatre ans en Italie, soi anglais, une langue que je ne parle pas couramment, mais j'ai quand même de bonnes bases. Avec ses trois langues, on arrive donc à se débrouiller, mais il me manque les finesses de la langue tchèque. Comme je sais que c'est une des langues les plus difficiles au monde, je vais avoir du mal à m'y mettre, mais on va quand même essayer de s'arranger comme cela. »
-Pour l'entraîneur et l'ancien joueur de haut niveau que vous êtes, que représente le volley tchèque ?
« Pour moi, le volley-ball tchèque est une référence. Ils ont été champions du monde, ils ont dominé le volley européen dans les années 60 jusqu'en 1975 avant les Soviétiques et les Polonais. Il y a donc une histoire et c'est une grande nation de volley. Quand on voit les joueurs qui sortent de République tchèque, ce sont de grands joueurs. Il y a une culture volley qui est intéressante. Une conférence de presse avec autant de journalistes, c'est sympathique aussi. Bref, cette histoire et cette culture du volley sont un plus. Maintenant, j'arrive peut-être avec une méthode d'entraînement et une conception différentes, on va donc voir... Peut-être que ce sera le déclic pour le collectif et on verra alors jusqu'où on peut aller. »
-Quelles sont les qualités qui distinguent les joueurs tchèques des autres ? Plusieurs clubs français ont été sacrés champions de France ces dernières années avec un ou plusieurs joueurs tchèques dans leurs effectifs. Comment expliquez-vous leur bonne adaptation en France ?
« Pour ce qui est de leurs qualités sportives, ce sont généralement des joueurs de bonne taille, grands, entre 1m 95 - 2m 00, qui sont très adroits, très « joueurs », très forts en attaque et au niveau du bloc. En revanche, ils le sont un peu moins dans le domaine défensif et au niveau de la réception. Mais il y a des qualités en attaque énormes, exceptionnelles. Après, je crois que ce qui fait qu'ils s'intègrent bien en France est le fait que nous avons un peu la même culture. J'entends par là qu'on a le même sens de l'humour, qu'on aime bien bafouer un peu les règles, on est à peu près au même niveau social, on a le même passé, la même histoire, je dirais qu'on a un peu des trajectoires parallèles. Et puis, personnellement, l'un de mes deux auteurs préférés est Milan Kundera. Pour lui, je suis donc content d'être ici. »
-Vous avez évoqué les points communs entre joueurs tchèques et français. En revanche, quelles sont les différences que vous avez pu noter dans le fonctionnement du groupe, de l'équipe ?
« Les joueurs tchèques sont plus individualistes. Ils sont très intelligents, malins. Ils aiment bien la communication, parler, évoquer leurs envies, etc. Or, c'est difficile de gérer douze joueurs, douze individualités. C'est difficile à régler. Je pense qu'ils ont été trop habitués à des règles strictes, rigides. Or là, il faut arriver à les convaincre d'une certaine rigueur tout en leur laissant ce côté pittoresque qu'ils ont. Pour ces raisons, c'est un peu plus difficile à gérer que des Français. Ca, ce sont les différences humaines, de caractère. Concernant le jeu, comme je vous l'ai dit, ils n'aiment pas trop la défense et la réception, et c'est là-dessus qu'il faut travailler. »
-Vous avez une femme et trois enfants. Cette famille va-t-elle rester avec vous à Prague pendant la durée de votre contrat ?
« Ils auraient bien voulu, mais ils font tous du sport. J'ai un fils qui est en équipe de France de basket et un autre qui commence le volley. Le troisième est plus jeune, mais c'est difficile à suivre, surtout qu'avec l'équipe, nous avons un programme assez chargé avec beaucoup d'entraînements et de stages. On va donc voyager à droite et à gauche, mais dès que j'en aurai l'occasion, je ferai venir au moins ma femme. »
-Connaissiez-vous un peu la République tchèque avant ces premiers jours de découverte ?
« Non. J'étais venu jouer une fois avec Paris à Liberec (en Bohême du Nord). On avait alors profité de l'occasion pour rester une journée supplémenatire à Prague et visiter. J'en avais été ébloui. Depuis mon arrivée, j'ai eu le temps d'aller faire un petit tour un matin et je trouve la ville encore plus belle. Je vais donc essayer d'en profiter. »
-Enfin, savez-vous que vous n'êtes pas le seul entraîneur français à la tête d'une sélection tchèque, puisque Christain Gallonier entraîne les rugbymen avec pas mal de points communs avec vous puisque beaucoup de ses joueurs évoluent également en France ?
« Non, je ne le savais pas du tout, mais ça me fait bien plaisir. Au moins, on pouura discuter en français (rires)... Vous avez son contact ? »