Le 'beurre à tartiner' de la discorde entre l'UE et la République tchèque
Coup de tonnerre dans le monde agro-alimentaire tchèque : le traditionnel ‘pomazánkové máslo’ – beurre à tartiner en français –, une espèce de pâte crèmeuse en vente depuis une trentaine d’années, aurait usurpé son nom. C’est en tout cas la décision rendue jeudi par la Cour de justice de l’Union européenne, qui a donné raison à la Commission européenne dans le litige qui l’opposait à la République tchèque. Le ‘pomazánkové máslo’ ne contiendrait pas assez de matière grasse laitière pour prétendre à l’appellation ‘beurre’ et va certainement devoir changer de nom…
« Quand je pense que nous avons commencé à produire ce ‘beurre à tartiner’ vers 1977, que nous avons été parmi les premiers dans tout le pays, que nous l’avons tout simplement développé comme une spécialité tchèque et que, aujourd’hui, ce nom nous est interdit… Eh bien, je plains la cour de justice qui s’occupe de telles choses ! »
Le tribunal européen, basé à Luxembourg, a tranché un conflit qui remonte à l’entrée de la République tchèque dans l’Union européenne. Le pays avait demandé une dérogation pour pouvoir continuer à utiliser cette appellation, mais la Commission européenne ne l’entendait pas de cette oreille et a finalement obtenu gain de cause. Selon la législation européenne, seuls les produits alimentaires contenant plus de 80% de matière grasse laitière peuvent être appelés ‘beurre’, alors qu’il suffit de 31% pour la loi tchèque. Selon le directeur de la Chambre alimentaire Michal Němec, il n’y aurait cependant pas une différence fondamentale entre le ‘beurre à tartiner tchèque’, relativement populaire dans le pays puisqu’il s’en vend 4 000 tonnes par an, et le vrai beurre :
« C’est un produit qui est travaillé comme le beurre. Il est baratté comme pour le beurre, c’est-à-dire que la crème du lait est battue dans une baratte. La seule chose, c’est qu’une technologie formidable permet de diminuer la teneur en matière grasse laitière, ce qui est une bonne chose d’un point de vue diététique. »Milan Teplý considère que les autorités tchèques ne se sont pas battues pour faire valoir l’exception régionale que constitue ce fameux beurre à tartiner, que les consommateurs tchèques ne sauraient confondre avec du vrai beurre. Pour autant, selon l’eurodéputé du Parti populaire européen Jan Březina, une bataille a été perdue mais pas la guerre. Il faudrait donc continuer le combat juridique :
« Je pense qu’il faut entamer une nouvelle procédure, c’est-à-dire qu’il faut à nouveau demander une exception à la Commission. Bien sûr, d’ici-là, nous devons respecter la décision et le verdict du tribunal. Mais si nous ne voulons pas perdre, nous devons retourner au combat. Dans le même temps, la situation est similaire en ce qui concerne la marmelade. »La République tchèque subit en effet coup dur sur coup dur puisque plusieurs types de marmelades tchèques seraient en fait des confitures selon la Commission européenne. Milan Teplý parle ainsi de « boycott des produits tchèques ». En 2003, c’était le Tuzemský rum, le rhum tchèque, qui avait dû être renommé Tuzemák, car le produit ne répondait pas aux critères d’appellation du rhum.
Les quatre fabricants tchèques concernés par cette décision peuvent encore vendre leur produit pendant trois mois sous l’appellation ‘beurre à tartiner’ et devrait profiter de ce délai pour choisir un nouveau nom : ‘crème fraîche à tartiner’ ou ‘pâte à tartiner’ pourraient être les variantes retenues. La Cour de justice de l’UE a estimé pour sa part qu’il s’agissait de ‘matière grasse laitière à tartiner’. Pas sûr que les producteurs tchèques pencheront pour cette appellation.