Le Brexit, une leçon pour les partisans d’un « Czexit »
Le rejet de l’accord sur le Brexit et le rappel de l’auto-immolation de l’étudiant Jan Palach le 16 janvier 1969 sont les deux principaux sujets traités dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée. Quelques aspects méconnus de la vie de la minorité vietnamienne en Tchéquie seront également évoqués.
« Le Brexit a montré qu’un référendum ne constituait pas une bonne solution lorsqu’il s’agit de répondre à des questions aussi complexes que celles concernant la politique étrangère, car il ne fait pas de distinction entre l’opinion sur un problème et sa connaissance. Lorsque les politiciens formulent de grandes visions, ils devraient présenter une analyse détaillée de la manière avec laquelle ils entendent mettre leurs idées en application. »
Selon un texte publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny, « le chaos qui accompagne le Brexit constitue le meilleur avertissement face à l’usage du référendum, ne serait-ce que pour ceux qui peuvent influencer de façon marquante et irrévocable l’avenir d’un pays ». Ce qui est problématique, voire même destructeur, c’est que faute d’informations, les gens ne savent pas vraiment de quoi ils décident, d’autant que le référendum est sujet à toute sortes de manipulations. C’est l’avis aussi de l’auteur d’un commentaire publié sur le site aktualne.cz :
« Le Brexit et son déroulement constituent un message tout à fait essentiel et inestimable pour la Tchéquie, car ils montrent quelles seraient les conséquences pratiques d’un éventuel ‘Czexit’, qui tente plus d’un politicien. Mais une sortie de l’UE aurait pour les Tchèques des retombées encore plus graves, car nous n’avons ni la taille ni le poids du Royaume-Uni. Dans notre cas, il ne s’agirait pas seulement d’une sortie mais aussi d’une plongée économique. Notre pays perdrait toute son attractivité sur la scène politique internationale, et ce même auprès de pays non européens comme la Chine. »
Certes, la société tchèque est divisée, mais la condition économique du pays est bonne. « Un ‘Czexit’ serait source de chaos, d’appauvrissement et de rétrécissement de la démocratie Bref, ce serait un petit suicide européen », peut-on lire en conclusion.
Et si le Brexit « dur » devenait réalité
« En cas de Brexit ‘dur’, le caractère de l’Europe sera mis à rude épreuve. » Tel est titre d’un article mis en ligne sur le site respekt.cz, dans lequel son auteur écrit :« Jusqu’ici, les tentatives chaotiques du Royaume-Uni de quitter l’UE se sont heurtées à la remarquable unité du reste de l’Europe. Bien que le gouvernement britannique ait fait le tour des capitales européennes, il a échoué dans sa volonté de désagréger cette position commune. Désormais, tandis que la tension monte, l’Europe fait face à une véritable épreuve. Lors des semaines à venir, entreprises et lobbies vont accentuer la pression sur les gouvernements de leurs pays afin de résoudre rapidement la situation par le biais de concessions politiques. Cette pression sera encore plus forte en cas du Brexit ‘dur’. Ce dernier, comme un Brexit sans accord, est une notion dépourvue d’émotions, car il exprime en fait un conflit économique entre d’anciens alliés. Les économies profondément intégrées se désintégreront dans les deux cas, le système des barrières commerciales entraînera des pertes économiques des deux côtés. Tout indique que la Tchéquie, dont l’économie repose sur les exportations, comptera parmi les pays les plus touchés. »
L’auteur constate également que jusqu’à présent, la majorité des Européens ont pu suivre le débat politique britannique comme un phénomène exotique mais que, désormais, le climat se transforme visiblement.
Jan Palach tient une place à part dans l’histoire et dans le cœur des Tchèques
Cette semaine, une attention toute particulière a été consacrée au 50e anniversaire du sacrifice de Jan Palach, cet étudiant qui s’est immolé le 16 janvier 1969 pour sortir la société tchécoslovaque du marasme dans lequel elle avait sombré suite à l’invasion du pays par les chars soviétiques. L’éditorial de l’hebdomadaire Respekt explique pourquoi l’acte de Jan Palach demeure, aujourd’hui encore, à la fois effroyable et source d’admiration :« La force de cet acte réside dans la volonté de se sacrifier. Le culte de la victime est présent dans les Pays tchèques depuis plusieurs siècles déjà. Cela ne signifie pas qu’une majorité de Tchèques soient prêts à se sacrifier, mais qu’ils aiment se considérer comme des vicimes. Ce sentiment devient plus fort encore quand quelqu’un d’autre s’en charge. Jan Palach occupait et occupera toujours une place à part dans l’histoire tchèque et dans nos cœurs, et ce pas seulement en raison de la forme choquante de sa protestation. A l’époque, son acte est devenu un symbole clair de la fin d’une époque, un point charnière entre l’espoir qu’avait fait naître les années 1960 et le début du processus dit de ‘Normalisation’. Aujourd’hui, il rappelle qu’il appartient à chacun d’entre nous de choisir son camp et son rôle dans la société. »
Les commentaires qui évoquent l’acte de Jan Palach rappellent également la commémoration de son 20e anniversaire en janvier 1989 et les manifestations encore jamais vues auparavant contre le régime communiste qui avaient alors accompagné, plusieurs jours durant, « La Semaine Palach ». Une note mise en ligne sur le site aktualne.cz a précise sur ce point :
« Ces événements ont permis à beaucoup d’ouvrir les yeux et de prendre leur courage à deux mains. Ils ont auguré la fin d’un régime communiste qui étouffait l’ensemble du pays. Sans Palach, la chute du régime totalitaire se serait probablement passée différemment. Or, un des legs qu’il nous transmet, c’est que certains actes peuvent avoir un impact même plusieurs annés après leur accomplissement. C’est là une leçon qu’il convient de retenir surtout à notre époque rapide où il semble qu’il n’existe aucun lien entre le passé et le présent. »
Ces enfants vietnamiens qui ont été accueillis dans des familles tchèques
« C’est grâce aux soins des familles tchèques qu’ils maîtrisent souvent la langue tchèque mieux que la vietnamienne et qu’ils connaissent les plats tchèques typiques aussi bien que ceux de leur pays d’origine. » C’est ainsi que le magazine Pátek du journal Lidové noviny introduit un article dans lequel il présente l’histoire de quelques jeunes Vietnamiens qui vivent en Tchéquie et qui, lorsqu’ils étaient enfants, ont été pris en partie en charge par des familles tchèques. On peut y lire :« La communauté vietnamienne en République tchèque qui compte, d’après les données officielles, près de 60 000 membres peut se targuer de posséder une spécificité sociologique dont on ne parle pas beaucoup. C’est l’accueil qui a été réservé à certains de ses membres dans des familles tchèques, grâce auquel on comprend mieux l’ensemble du processus de la bonne intégration des ressortissants vietnamiens dans la société tchèque, et notamment de ceux qui appartiennent à la génération des enfants dits ‘bananes’. Leur histoire remonte aux années 1990, marquées par le boom des marchés vietnamiens dans les régions limitrophes du pays et ailleurs. C’est à cette époque-là que certains parents vietnamiens, trop occupés par leur activité commerciale et leurs longues journées de travail, ont eu recours aux soins proposés par des familles tchèques, gratuitement ou contre rémunération. Ces soins concernaient la garde, l’accompagnement à l’école, la prise en charge des tâches scolaires et autres et se sont étendues tantôt sur un court laps de temps, tantôt sur plusieurs années. Ce sont ces familles tchèques qui ont permis aux enfants vietnamiens d’apprendre la langue, de manger tchèque, de comprendre et de bien s’adapter à leur pays d’accueil. »
Qu’ils se sentent aujourd’hui plus tchèques ou plus vietnamiens, ou qu’ils soient partagés entre les deux cultures, les membres de la minorité vietamienne qui ont fait cette expérience, ont pour le journal Lidové noviny confirmé que cette période de leur vie a été très importante pour eux dans la formation de leur identité culturelle.