Le bûcher des sorcières
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! C'est à une tradition ancestrale, le « bûcher des sorcières » - pálení čarodějnic, ce qui traduit littéralement nous donne le « brûlage des sorcières », que nous allons nous intéresser pour cette fois. Lundi soir dernier, en effet, qui était la dernière soirée du mois d'avril et la dernière avant l'arrivée du mois de mai, des milliers de feux ont été allumés un peu partout dans le pays. Une tradition qui n'est pas propre uniquement à la Bohême et à la Moravie, puisqu'on la retrouve, sous des formes un peu différentes, dans d'autres pays européens. Mais une tradition qui a survécu au temps chez les Tchèques. Alors, pourquoi des feux sont-ils allumés à la tombée de la nuit ? Pourquoi des sorcières sont-elles brûlées ? Et pourquoi cette coutume se passe-t-elle la veille du 1er mai ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tâcher de répondre.
Le bûcher des sorcières se rapporte probablement à une des grandes fêtes de l'année et du monde celtiques, la fête de Beltaine. Il s'agissait d'une fête du feu et donc de la lumière, qui marquait le début de la nouvelle saison estivale, une fête aussi du renouveau, du retour à la vie, du réveil de la nature. La date du 1er mai marquait alors une rupture dans l'année, puisque l'on passait en quelque sorte de la période sombre à la période claire, de l'hiver à l'été, les Celtes divisant l'année en deux saisons, au 1er novembre et au 1er mai. Tout cela pour rappeler qu'avant les Slaves, c'étaient les Celtes qui occupaient le territoire de la Bohême. Précisons d'ailleurs à cet effet que l'appellation Bohême provient du nom de la nation celte des Boïens, peuple qui s'installa dans la région sans doute dès le Ve siècle avant Jésus-Christ.
Le sens de cette fête de Beltaine était également de célébrer la fin de la mort représentée par l'hiver, période de manques et de faim, et l'arrivée de la fertilité avec l'été. Les Celtes allumaient donc des feux autour desquels la tribu partageait la nourriture après avoir remercié leurs dieux et avant de danser et de sauter au-dessus du feu. Les flammes étaient censées les protéger des maladies et des mauvais esprits. Bien entendu, ces rites païens n'ont pas été conservés jusqu'à aujourd'hui, mais la joie et l'exubérance des Celtes se retrouvent dans la tradition du brûlage des sorcières.
La nuit du 30 avril au 1er mai, qui est aussi la nuit des saints Philippe et Jacques, a toujours été considérée depuis des temps reculés comme une nuit magique. Au Moyen-âge, on croyait qu'il existait des jours dans l'année propices aux forces du mal. Les gens croyaient également que les sorcières se réunissaient pour un sabbat afin de mettre en application les pouvoirs du diable. C'est pourquoi la nuit du 1er mai est appelée la « nuit des sorcières » - « noc čarodějnic », et les gens s'en défendaient de différentes manières, notamment en faisant des feux à des endroits surélevés.
Au fil du temps, ces grands feux, que l'on retrouve par exemple également en Allemagne pour ce qui est appelé la Nuit de Walpurgis, sont donc devenus des brûlages de sorcières, ou plutôt des « bûchers de sorcières » - « pálení čarodějnic », au cours desquelles les jeunes lançaient des balais en feu en l'air pour voir comment les sorcières volaient. Une tradition des feux qui s'est conservée jusqu'à aujourd'hui, comme le précise le folkloriste Frantisek Synek :
« C'est assurément une coutume populaire. C'est une célébration qui se déroule la veille au soir du 1er mai. Beaucoup de pratiques magiques sont liées à cette fête, des pratiques qui sont en fait des restes des relations préchrétiennes qu'entretenait à l'époque la population envers la nature et plus généralement la vie. Avec le jour du 1er mai mais aussi la soirée précédant le 1er mai, la saison du printemps commence véritablement. Le soir du 30 avril, nos ancêtres édifiaient également ce qui en tchèque se dit « máj ». Il s'agit d'un immense tronc d'arbre, d'un mât, qui est installé verticalement et qui sert à indiquer, signifier que le village a été épuré de tous les mauvais esprits qui peuvent endommager les récoltes ou causer du tort à la vie des habitants. Avec le feu, il s'agit donc d'une autre épuration. Le feu, lui, possède une grande force d'épuration et, là aussi, les gens croyaient qu'il avait la capacité de faire fuir le mal du village et d'assurer la prospérité grâce à de bonnes récoltes au cours de l'année à venir. »C'est donc épuré des mauvais esprits et débarrassé des sorcières jusqu'à l'année prochaine que se termine ce « Tchèque du bout de la langue » consacré au bûcher des sorcières, une belle tradition ancestrale qui a donc survécu au temps. En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine pour la découverte d'autres mystères, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj!