Le cas des deux jeunes Tchèques condamnés en Turquie et le monde virtuel
Le premier texte dont cette nouvelle revue de presse propose un extrait revient sur le cas de deux jeunes Tchèques condamnés à six ans de prison ferme en Turquie. Il sera également question de connaissance des Tchèques concernant les grandes dates de l’histoire de leur pays au XXe siècle. Nous vous dirons également que, contrairement à ce qu’on entend parfois, les Tchèques demeurent des lecteurs assidus. Quelques mots enfin au sujet de l’attention que l’ancienne Tchécoslovaquie communiste a prêtée, dans les années 1950, à la sexologie.
« Beaucoup de gens ne sont pas capables d’évaluer les conséquences de leur comportement dans le monde virtuel. Les deux jeunes Tchèques sont dans une certaine mesure un cas typique de ce phénomène, car ils utilisaient sur Facebook leurs faux noms kurdes ou publiaient des informations sur leur voyage en Syrie. Or, poster sur son profil Facebook des selfies avec des insurgés et se rendre par la suite dans le pays qui mène contre ces derniers une guerre brutale ne constitue pas une très bonne idée. On peut comprendre pourquoi les deux jeunes Tchèques se sont engagés au profit des Kurdes syriens. Leur révolution est romantique, ses bases et principes étant assez sympathiques et acceptables pour pouvoir attirer les idéalistes et les aventuriers du monde entier. Hélas, Farkaš et Všelichová s’y sont employés d’une manière particulièrement naïve et digne d’amateurs. »
Pourtant, comme l’écrit l’auteur de ce texte, passer huit ans dans une prison au Proche-Orient (dont deux ans purgés en détention provisoire) est un prix horrible et disproportionné à payer. C’est maintenant au nouveau gouvernement d’Andrej Babiš de montrer s’il veut et s’il est capable d’aider véritablement les citoyens tchèques en situation de détresse.
Ce que les Tchèques savent et ne savent pas de leur histoire récente
Cette année, la République tchèque commémore plusieurs importants anniversaires qui sont liés à l’histoire du XXe siècle et qui ont une chose en commun : ce sont des dates qui finissent en huit. Une occasion pour l’auteur d’une note publiée dans le quotidien Hospodářské noviny de constater que les connaissances d’une grande partie de la population concernant les événements clés de l’histoire moderne tchèque sont assez modestes. En se référant aux données d’un récent sondage réalisé pour l’association Post Bellum, il a écrit :« C’est l’année 1918 qui est l’année de la fondation de l’Etat tchécoslovaque et de la fin de la Première Guerre mondiale qui s’est inscrite de façon la plus marquante dans la mémoire de la population tchéque. Ses connaissances sont en revanche généralement faibles au sujet de l’année 1938, liée à la mobilisation de l’armée tchécoslovaque, aux accords de Munich ou encore à l’occupation des Sudètes. Le Printemps de Prague en 1968 et l’occupation soviétique du pays ont été identifiés par 76 % des personnes interrogées, tandis que l’année 1948, date du Coup de Prague, par 65 % d’entre elles seulement. »
Les jeunes surtout sont peu au fait des événements qui ont jalonné l’histoire de la Tchécoslovaquie. Il s’agit désormais de savoir raconter les événements historiques aux enfants et aux jeunes d’une manière attrayante, car pour beaucoup d’entre eux, l’histoire n’est qu’une matière marginale sans aucun intérêt pour leur vie. D’après Mikuláš Kroupa, fondateur de l’association Mémoire de la nation, qui est cité dans l’article, « cette ignorance constitue une menace grave pour la société, car elle contribue à ce que les jeunes se fassent facilement manipuler et succombent à des idéologies extrémistes ».
Les Tchèques demeurent des lecteurs assidus
Selon une idée répandue, le lecteur tchèque constituerait une espèce rare en voie d’extinction. C’est pourtant le contraire qui est vrai. En Europe, seuls les Scandinaves et les Britanniques liraient plus que les Tchèques. C’est ce que l’on peut lire dans un article publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt qui indique que les maisons d’édition du pays mettent régulièrement sur le marché une quantité de nouveaux titres, tandis que les foires du livre représentent des événements qui attirent généralement les foules. Et, à la différence de nombreux pays européens, les Tchèques possèdent et conservent chez eux des bibliothèques contenant en moyenne près de trois cents volumes. Le magazine rapporte également :« Les Tchèques sont également habitués à fréquenter les bibliothèques publiques. Même internet ne réduit pas le goût pour la lecture d’œuvres littéraires, car les gens qui sont souvent présents sur les réseaux sont aussi de grands lecteurs. Cet intérêt concerne tant la littérature mondiale que la création locale. Par ailleurs, les livres sont en Tchéquie souvent offerts comme cadeau. »
Ce qui manque cependant, c’est un consensus général sur ce que les gens sont appelés à lire afin de connaître les œuvres de la littérature tchèque les plus importantes. Ceci au moment où la littérature scolaire obligatoire ou recommandée et la censure n’existent plus et où il est de plus en plus difficile de s’orienter à travers un marché du livre foisonnant. Il serait pourtant tout aussi difficile d’établir une liste universelle et canonisée de telles œuvres. L’auteur du texte publié dans l’hebdomadaire Respekt conclut :
« En ce qui concerne le choix des livres, ce sont les recommandations des amis qui jouent aujourd’hui le plus grand rôle. Or, le canon littéraire des Tchèques est dans une grande mesure déterminé par le milieu dans lequel ils vivent. La famille, quant à elle, est déterminante pour le développement du goût pour la littérature chez les enfants et les jeunes, tandis que le rôle de l’école semble décliner en la matière. »
La sexologie – une discipline développée même sous le régime communiste
Au premier abord, les années 1950 dans l’ancienne Tchécoslovaquie ne semblent pas avoir été une période marquée par la libération de la sexualité féminine. Et pourtant, la sociologue Kateřina Lišková qui a pour la première fois analysé dans ses ouvrages ce chapitre méconnu de l’histoire a mis en relief plus d’un aspect marquant lié à cette période. Elle s’est confiée à ce sujet pour le supplément Relax du quotidien Lidové noviny :« Dans ce domaine, la situation dans l’ancienne Tchécoslovaquie était différente de ce que l’on pouvait voir, non seulement dans les pays de l’Europe de l’Est, mais aussi dans la plupart des pays occidentaux. Grâce à l’existence de l’Institut de sexologie, on a vu exercer chez nous, dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des médecins qui se sont systématiquement consacrés aux questions de la sexualité humaine. Leur travail n’a jamais été interrompu. Cette situation unique n’a existé dans aucun autre pays socialiste. La Pologne n’y est arrivée que dans les années 1960, la Hongrie ayant rattrapé ce retard dans les années 1980. A l’époque, les recherches intenses en sexologie étaient presque absentes dans les pays occidentaux. Or, pendant tout ce temps où pratiquement rien de visible et de remarquable dans cette discipline ne se passait ni à l’Est ni à l’Ouest, notre Institut existait et réalisait des recherches scientifiques. »
L’homosexualité masculine est une des questions étudiées par l’Institut de sexologie dans les années 1950. Les résultats de ces recherches ont mené en 1961 à la décriminalisation de l’homosexualité en Tchécoslovaquie. Cette décision est tombée très tôt, tant par rapport aux pays de l’Est que par rapport aux pays de l’Ouest. Cela permet à la sociologue interrogée de conclure que l’ancienne Tchécoslovaquie constituait en bien des points un pays sexuellement progressif qui servait de modèle et d’inspiration aux autres pays.