Le chapeau, « the Cherry on the Cake »

Marie Mercié

Aujourd'hui, Culture sans frontières sera consacrée à la mode et plus particulièrement à l'art du chapeau. L'Institut français de Prague et l'école parisienne Mod'Art International, spécialisée en création de mode, ont organisé le 30 janvier une journée spéciale, axée sur l'art de la chapellerie. Un défilé de chapeaux, créés par les anciens élèves de Mod'Art, ainsi que par des créateurs reconnus, comme Marie Mercié, Philippe Model ou Isabelle Léourier a été au coeur de l'événement. On écoute Jean-Hervé Habay, le directeur de l'école :

J.-H. Habay : « Dans l'école, nous avons 400 étudiants, dont environ 40 % d'étudiants étrangers. La particularité, c'est que nous avons deux départements principaux. Le premier, qui compte 200 étudiants, est consacré à la création de mode : nous formons des stylistes, des modélistes ou modistes, des personnes qui vont dessiner des accessoires. Nous avons un deuxième département, plus nouveau, qui est un département de management de la mode. Tous les métiers qui forment une école de commerce, mais spécialisés dans le secteur de la mode, du luxe, du textile et de l'habillement. »

Vous avez également des étudiants tchèques, bien qu'ils ne soient pas nombreux... Mais globalement, vos étudiants étrangers, ils viennent de quels pays ?

J.-H. Habay : « Nous avons des étudiants de 25 nationalités différentes. Des Européens, qui viennent aussi bien d'Europe de l'Ouest que de d'Europe de l'Est. Le grand contingent d'étudiants étrangers sont des gens qui viennent d'Asie. Pour beaucoup, ils ne peuvent concevoir de faire des études sur la mode ou en France, ou en Italie qui sont quand même les deux principaux pays de la mode. »

La France et l'Italie, ou, plus concrètement, Paris et Milan - c'est là où se dessinent, chaque année, les grandes tendances de la mode. Patrice de Place, président du comité artistique et pédagogique de Mod'Art :

P. De Place : « Cela ne date pas d'aujourd'hui. Vous ne devenez pas une capitale de la mode du jour au lendemain. Vous le devenez, parce que votre histoire et votre culture font que vous avez dépassé le stade du quotidien. Milan, c'est l'Italie et l'Italie est à l'origine de tout ce qui est sophistiqué et luxueux dans le monde et notamment en Europe. Les Italiens sont venus en France au XVIe siècle et les rois de France ont eu l'intelligence de faire venir des artistes italiens pour leur apprendre ce qu'étaient les belles choses. Ensuite, nous les avons peut-être un peu dépassés, dans certains domaines. L'élève a dépassé le maître, cela arrive ! »

Et la capitale « mondiale » de la mode ? C'est à nouveau Paris, selon vous ?

P. De Place : « Je pense que la mode est cyclique. Par conséquent, il y a un certain nombre d'années, où la mode est plus intéressante à Milan et d'autres années, où elle est plus intéressante à Paris. Les deux villes sont plus ou moins à égalité. Mais en ce moment, c'est plutôt Paris, oui... »

Revenons à l'école de mode Mod'Art qui s'est récemment présentée à Prague. Quelles sont, en ce moment, ses formations les plus prisées ? Jean-Hervé Habay, le directeur de l'école :

J.-H. Habay : « Je trouve qu'il y a une certaine évolution. Avant, quand on parlait d'une école de mode, on ne pensait qu'à la partie création. Surtout, on rêvait de la haute couture, mais il n'y a pas que ça ! Quand on prend des marques comme H&M, comme Gap, ils ont des bureaux de style avec une centaine de stylistes. Il faut donc voir le secteur de la mode dans son sens large. Ensuite, avec des exemples qu'on a eu à l'époque chez Gucci, avec Tom Ford, le créateur, et Domenico de Sole, le manager, il y a de plus en plus de couples semblables qui se forment. Je pense que c'est une évolution très positive, car le domaine du luxe a, lui aussi, besoin de managers, tout comme les autres métiers. »

La manifestation que vous organisez à l'Institut français de Prague est entièrement consacrée aux chapeaux. Quelle est la spécificité du métier de modiste ?

J.-H. Habay : « Le métier de modiste a un avantage particulier : quand on fait un défilé, c'est très spectaculaire ! Quand vous faites un défilé de vêtements, c'est joli aussi, mais vous regardez à la fois la jupe, le pantalon, le chemisier, etc. Là, vous focalisez uniquement sur le chapeau. Ensuite, c'est un domaine très vaste : vous avez des chapeaux fantaisie, haute couture... Vous travaillez avec des matières très différentes. Aussi, on a choisi les chapeaux pour cet événement, parce que transporter une collection de vêtements est beaucoup plus compliqué. Nous couplons ce défilé avec une exposition de photos de mode, réalisée par un de nos professeurs. Cet événement, nous l'avons déjà fait au Canada, en Chine, aux Philippines et maintenant, pour la première fois en Europe, en Tchéquie. Avec la conférence de P. De Place sur les marques de luxe et l'industrie de mode, cela fait une journée assez ludique. »

Une seule journée, mais l'exposition de photos de mode va certainement durer...

J.-H. Habay : « Oui, jusqu'à la fin du mois de février. Parce qu'après, nous allons sûrement en faire une à Bucarest. En matière d'éducation, la France a choisi de mettre en place une manifestation phare dans cette capitale, après l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'UE. Nous, nous allons donc y organiser, au mois de mars, une journée sur la mode. »

Comment distinguez-vous les vrais talents, dans votre école ?

J.-H. Habay : « C'est une question difficile, parce que la prestation des talents est très subjective. Des étudiants qui ont du talent, qui sont créatifs doivent eux-mêmes trouver la bonne maison qui va justement apprécier leur talent et qui cherche ce type de talent. C'est assez complexe, il faut trouver une fusion entre une entreprise et un créatif. On peut avoir un créatif qui est un très bon styliste, mais qui ne va pas convenir, pour des raisons marketing par exemple, à une entreprise importante. La sélection se joue donc entre l'étudiant et l'entreprise, l'école n'est qu'un intermédiaire. »

Patrice De Place préside, nous l'avons dit, le comité artistique et pédagogique de Mod'Art. Quel a été son parcours jusqu'à présent ?

P. De Place : « J'ai fait plein de choses passionnantes. D'abord, j'étais dans un groupe international très important, LVMH (Louis Vuitton - Moët Hennessy) qui est le plus grand groupe de luxe du monde. J'ai eu la chance d'occuper des postes divers et variés, un peu partout dans le monde, pour des grandes marques du groupe comme Christian Dior et Celine. J'ai notamment été le président de Christian Dior Asie-Pacifique, j'ai été basé de nombreuses années au Japon. Comme vous le savez, la zone asiatique est très importante notamment pour les produits de luxe... »

Et l'Europe centrale, est-ce qu'elle devient importante, de ce point de vue ?

P. De Place : « En effet, c'est une région importante. Il suffit de voir ce qui se passe à Prague ! Vous avez tous les mois une nouvelle boutique qui ouvre... Les gens de l'Europe de l'Est ont été privés de luxe pendant très longtemps. Ils rattrapent le temps perdus et sont évidemment attirés par tous ces produits qui font rêver. Nous qui travaillons dans le luxe, c'est notre mission : faire rêver les gens. »

Les Pragoises, comment s'habillent-elles ?

P. De Place : « Je trouve qu'il y a énormément d'amélioration. D'abord les Pragoises, elles sont très belles et ça aide, tout de même, d'être beau. Je viens ici deux fois par an et j'aperçois une grande... amélioration est un mot méchant...disons une transformation. En plus, il y a une chose intéressante ici : vous avez de plus en plus de jeunes créateurs qui sont excellents et qui ont ouvert de petites boutiques. Il est très difficile pour moi de mémoriser les noms tchèques, mais j'ai rencontré deux ou trois jeunes créatrices à Prague et j'ai trouvé que ce qu'elles faisaient était vraiment très intéressant. »