Le cinéma : une industrie comme une autre pour Václav Klaus
C’est un conflit qui oppose deux protagonistes : l’industrie du film tchèque et le président de la République Václav Klaus. Ce dernier a une nouvelle fois, comme en 2006, apposé son veto à la loi pour la création audiovisuelle. Ce texte prévoit de nouveaux financements pour le Fonds d’Etat cinématographique qui proviendraient pour moitié des chaînes de télévision privées, une aide nécessaire selon les professionnels du cinéma pour soutenir une industrie qui peine à concurrencer les grosses productions américaines sur son sol et à se développer sur la scène européenne.
« Il s’agit du jeu faussé d’un groupe d’artistes contre tous les autres groupes d’artistes. Je ne vois pas la moindre raison qui justifierait un fonds de soutien pour le cinéma et pas pour la musique, les arts plastiques ou tout autre genre culturel. »
La production d’un film, même modeste, est pourtant souvent une entreprise financière périlleuse qui n’est pas comparable avec les coûts engagés dans d’autres univers artistiques comme le remarque le sénateur ODS Jiří Oberfalzer, issu de la même mouvance politique que le président Václav Klaus. Mais celui-ci juge que ce n’est pas l’argent qui manque au cinéma tchèque mais le talent.Le monde du cinéma ne partage évidemment pas cet avis et soutient une loi qui prévoit de financer le Fonds d’Etat pour la cinématographie à hauteur de 300 millions de couronnes (environ 12 millions d’euros) par an. Cet argent proviendrait pour moitié des chaînes de télévision privées à travers une taxe sur la publicité. De plus, sur le modèle de ce qui existe en France, un pourcentage serait prélevé sur tous les billets achetés par les spectateurs : 2% dans les multiplexes qui ne font pas souvent rimer quantité avec qualité, 1% dans les autres cinémas et un taux réduit dans les salles estampillées ‘Art et Essai’. Une loi qui ne serait pas inutile dans un petit pays de dix millions d’habitants si l’on se fie au réalisateur et producteur Ondřej Trojan, qui est également membre de l’Association des producteurs audiovisuels :
« C’est un coup porté assez rétrograde. Monsieur le président ne se rend manifestement pas compte que nous vivons dans l’espace européen. Pour les producteurs ce veto peut signifier qu’ils ne seront pas en mesure de faire des coproductions internationales. C’est à l’évidence un nouveau signal envoyé aux producteurs étrangers pour leur dire que l’industrie du film ici ne compte pas. »En 2006 déjà, Václav Klaus avait rejeté une loi similaire sans que la Chambre des députés n’essaient pas la suite d’outrepasser le veto présidentiel en réunissant une majorité de 101 voix. Un Fonds d’Etat pour la cinématographie sans ressources serait une coquille vide mais Ondřej Trojan reste confiant et pense que cette fois-ci, les députés reviendront sur la décision du chef de l’Etat :
« Je pense que c’est une erreur pour l’économie, pour l’emploi et tout simplement pour faire quelque chose contre le déclin de la tradition du film et du savoir-faire tchèques. Je garde cependant confiance dans le fait que la Chambre des députés passera outre ce veto, et ce le plus rapidement possible. »Les défenseurs de ce texte arguent également que tous les pays de l’Union européenne se sont dotés d’une telle législation, une législation attendue en République tchèque depuis vingt ans et la liquidation du système précédent où le financement des films était intégralement public. Ce mode de fonctionnement, aujourd’hui impensable pour beaucoup, a pourtant permis, quand il est allé de pair avec une relative liberté des cinéastes et des appareils de production aux mains de ces créateurs, de voir émerger la Nouvelle vague cinématographique tchèque dans les années 1960.