Le dernier concert de Spirituál kvintet

Spirituál kvintet

Après soixante années de succès, le plus ancien groupe tchécoslovaque de musique folk a fait ses adieux au public le 13 octobre 2021, lors d’un concert qui s’est joué à guichet fermé à la salle pragoise Lucerna.

Spirituál kvintet

Nulle mélancolique évocation d’une époque révolue, cet événement a été l’occasion, pour le chef de musique et dernier membre vivant du groupe original, Jiří Tichota, de raconter quelques histoires bien tournées. Et les autres membres du groupe de surenchérir pour que les spectateurs quittent la salle de concert avec une humeur légère plutôt que nostalgique.

Spirituál kvintet est une véritable légende de la scène musicale tchèque. En six décennies d’activité musicale, le groupe s’est produit dans quelque dix mille concerts, et a enregistré plus de vingt albums. En ce qui concerne son genre musical, le groupe n’est pas facile à cataloguer : en effet, Spirituál kvintet oscille entre gospel, blues, folk irlandais et chanson française. L’activité musicale du groupe a été parachevée par une tournée de treize concerts accompagnés d’une projection vidéo évoquant, entre autres, la mémoire d’anciens membres du groupe tels que Karel Zich, Jan et František Nedvěd, Irena Budweiserová ou encore Lenka Slabá.

Parmi les plus grands tubes du groupe Spirituál kvintet, on citera les chansons « Až se k nám právo vrátí », « Širý proud », « Pískající cikán », « Mlýnský kámen », « Kocábka », « Krutá válka » et l’inévitable « Za svou pravdou stát ».

Spirituál kvintet | Photo: Site officiel du groupe

La chanson du chanteur de folk américain Pete Seeger « We Shall Overcome », célèbre dans le monde entier et connue en République tchèque sous le titre de « Jednou budem dál » (paroles tchèques d’Ivo Fišer), a également une histoire intéressante. Après que Spirituál kvintet l’a interprétée dans une boîte de nuit la veille de l’anniversaire de la mort de l’étudiant Jan Palach, le groupe a été frappé d’une interdiction d’exercer ses activités musicales. Une fois sa peine purgée, le groupe a pris l’habitude d’interpréter régulièrement cette chanson à la fin de ses concerts, en faisant participer les spectateurs.

En 1983, les choses ont pris un tournant inattendu : le régime communiste a demandé au groupe de l’interpréter au Palais de la culture, à Prague, lors du très officiel Congrès pour la paix et le désarmement.  Le chef de musique Jiří Tichota s’est défendu en arguant qu’il s’agissait d’un hymne baptiste, mais ses prétextes n’ont pas été entendus. Jiří Tichota a alors décidé de s’éclipser avec sa famille, mais la chanson a été interprétée malgré tout, à l’aide d’un play back improvisé. A partir de ce moment-là, le groupe n’a plus joué la chanson, jusqu’au moment où une foule d’étudiants massée sur l’Avenue nationale l’a chantée en chœur le 17 novembre 1989.

Spirituál Kvintet au balcon de Melantrich en 1989 | Photo: Site officiel du groupe

Quelques jours plus tard, le groupe Spirituál kvintet l’interprétait à nouveau depuis le balcon de la maison d’édition Melantrich, qui servait de tribune aux orateurs lors des manifestations de la révolution de Velours. Un an plus tard, il l’a interprétée lors de la rencontre entre Václav Havel et le président américain George Bush père sur la place Venceslas. Les deux présidents ne manquèrent d’ailleurs pas d’y joindre leurs voix. En 2009, lors du concert organisé à l’occasion du vingtième anniversaire de la chute du rideau de fer, la chanteuse américaine Joan Baez a participé aux interprétations en anglais et en tchèque du groupe.

Spirituál kvintet a également donné un concert pour le président américain Bill Clinton et les épouses présidentielles tchèque et américaine. En 2012, le groupe a reçu le disque de diamant décerné pour 200 000 supports vendus.