Le design tchèque représenté à la Cité Radieuse de Marseille
L’un est typographe et l’autre est céramiste et ils ont souhaité réunir leur savoir-faire : Vojtěch Říha et Matěj Polách, deux jeunes artistes tchèques diplômés de l’Académie d’architecture et de design de Prague, sont en ce moment à l’honneur à la Cité Radieuse de Marseille, dans le sud de la France. Avec cette exposition intitulée « Superior Objects », accueillie par la galerie Kolektiv 318, leurs œuvres rencontrent celle du Corbusier, l’une de leurs sources d’inspiration.
« Au départ, il y a une police d’écriture qui s’appelle ‘Vegan Sans’ – un nom assez à la mode – et qui est une police toute simple créée par Volta. La rotation de chacune des lettres, à la fois les majuscules et les minuscules, donnent la forme des objets. Il faut s’imaginer les choses en trois dimensions, donc au premier coup d’œil ce n’est pas simple, mais ensuite on reconnait parfaitement l’alphabet. Cet alphabet est composé en pièces de céramique et en pièces de béton, dont chacune est unique. Elles permettent de former des mots et des sculptures en empilant les lettres. La plupart des pièces, de par leur forme, ont une fonction. On peut les retourner par exemple pour en faire des vases, des plats voire des présentoirs à gâteau, mais toutes n’ont pas cette fonction. »
Après le DOX, le Centre d’art contemporain de Prague, et la galerie GASK de Kutná Hora, les artistes tchèques exposent dans un lieu fortement lié à leur œuvre. En effet, leur projet s’inspire du travail de l’architecte franco-suisse Le Corbusier, qui a créé la Cité Radieuse, immense immeuble de style moderne où l’on trouve habitations, commerces et lieux culturels. Maxime Forest :
« Le Corbusier était très intéressé par la typographie. Contrairement à ce qu’on pense, il ne créait pas des polices d’écriture mais il était attentif à utiliser des polices d’écriture spécifiques, qui sont restées associées à son travail, dans les lieux qu’il concevait. Il y a donc ce premier lien, et le second lien est le caractère polyfonctionnel des créations de Le Corbusier en tant que designer : qu’un tabouret par exemple puisse servir à autre chose qu’à s’assoir. Le dernier lien est la gamme chromatique : ce sont des objets qui reprennent la gamme chromatique du bâtiment, à savoir des couleurs primaires, le jaune, le rouge, le bleu mais aussi le vert, qui sont caractéristiques du modernisme du mouvement initié par Le Corbusier à partir des années 1930. »Depuis fin juin, et jusqu’au 15 octobre, les petits objets de Vojtěch Říha et Matěj Polách sont installés au cœur de la cellule 318 dans laquelle se situe la galerie d’art. Néanmoins, certains sont régulièrement déplacés en différents points de l’immeuble, de façon à faire migrer l’exposition, ainsi que le raconte Maxime Forest :
« On a fait notamment un montage qui combine des éléments en béton, qui forment ensemble le mot ‘entita’ donc ‘entité’. C’est un totem qui fait à peu près deux mètres de haut, ce qui est à peu près la taille du Modulor, qui était l’homme référence de Le Corbusier pour construire ses bâtiments. On l’a installé dans le jardin d’hiver pendant quelques heures, juste le temps qu’il soit découvert par les visiteurs et les habitants, et on le remontera dans quelques jours dans le hall d’entrée, où il sera visible pendant deux mois. Nous avons aussi disposé des pièces en céramique formant le mot ‘Modulor’ sur le toit-terrasse, puis des pièces se déplaceront à l’intérieur du Marseille Modulor, le MAMO. Elles occupent actuellement notre appartement-galerie qui se trouve dans la cinquième rue de la Cité Radieuse, c’est-à-dire au cinquième étage. »Au sein de la galerie Kolektiv 318, qui s’intéresse tout particulièrement à l’art en Europe centrale, les galeristes Maxime et Laura Forest espèrent que l’exposition permettra au plus grand nombre, Français comme étrangers, de découvrir les deux artistes tchèques nominés aux derniers Czech Grand Design Awards. Quant à ceux qui souhaiteraient acquérir l’une des lettres de leur alphabet, ils devront compter entre 150 euros, pour une lettre minuscule en noir ou en blanc, et près de 1000 euros pour les plus belles pièces.