Le festival des rats de bibliothèque
Lisons-nous encore les livres ? Avons-nous besoin de bibliothèques ? Que pouvons-nous faire pour inculquer aux enfants l’habitude de lire ? Quelle est la place et la mission de la bibliothèque publique dans la société actuelle ? Autant de questions qui ont été soulevées au cours de la 21e édition de la Semaine des bibliothèques organisée dans toute la République tchèque du 2 au 8 octobre dernier.
La République des lecteurs
La densité du réseau des bibliothèques publiques en République tchèque est très élevée par rapport aux autres pays. Le président de l’Union des bibliothécaires et des travailleurs de l’information Roman Giebisch explique les racines historiques de ce phénomène :« Les bibliothèques en République tchèque ont une situation tout à fait exceptionnelle dans le contexte mondial. C’est dû à la loi entrée en vigueur déjà en 1919 qui ordonnait à toutes les communes de créer une bibliothèque publique. Il y a donc chez nous le plus grand nombre de bibliothèques au monde par rapport au nombre d’habitants. »
Sur une population de près de 10 millions d’habitants, il y a en République tchèque plus de 6000 bibliothèques publiques et leur nombre est donc presque identique au nombre des communes. Selon une statistique de 2015, il y avait en Tchéquie 5,1 bibliothèques pour 10 000 habitants tandis que la moyenne de l’Union européenne n’était que de 1,3 bibliothèque. Il semble donc que le livre et la bibliothèque gardent encore aujourd’hui une situation privilégiée dans la société tchèque. C’est ce que confirme d’ailleurs Vít Richter, le directeur de l’Institut de recherche des bibliothécaires de la Bibliothèque nationale :
« Je dirais que nous sommes une République des lecteurs. Dans les sondages sur les habitudes de lecture, près de 16 % à 18 % des personnes interrogées avouent n’avoir lu aucun livre au cours de l’année écoulée. Cependant, au Portugal par exemple, ce pourcentage est beaucoup plus important. 57 % des Portugais ne lisent aucun livre au cours de l’année. Et la moyenne dans les pays de l’Union européenne est de 41 % de ces non-lecteurs. La République tchèque se classe donc parmi les puissances de la lecture comme les pays nordiques, les Finlandais, les Suédois, et dans une certaine mesure les Allemands. »
L’initiation à la lecture
La Semaine des bibliothèques est organisée régulièrement en République tchèque par l’Union des bibliothécaires et travailleurs de l’information (SKIP). Dans le cadre de sa 21e édition, les bibliothèques se sont ouvertes au public, ont organisé des rencontres avec des écrivains, des lectures publiques, des conférences et des expositions et elles ont prêté une attention particulière aux lecteurs débutants. Le thème majeur de ce festival des rats de bibliothèque a été l’initiation à la lecture des enfants déjà à l’âge préscolaire. Les organisateurs de la Semaine se rendent bien compte que les enfants sont exposés dès l’âge préscolaire à l’offensive des médias électroniques qui risquent d’évincer le livre et la lecture de leurs loisirs. Vít Richter présente les activités ayant pour objectif d’attirer l’attention des enfants vers les livres dès leur plus jeune âge :« Cet automne nous réalisons un grand sondage sur les habitudes de lecture sur un échantillon de quelque deux mille enfants. Et nous préparons aussi en coopération avec l’Union des bibliothécaires et des travailleurs de l’information et le ministère de la Culture un manuel comparable à un projet analogue qui existe à l’étranger sous le titre Bookstart, ou si vous voulez, ‘Nous commençons à lire’. […] Pour les enfants, apprendre à lire n’est pas facile. Nous savons que près d’un tiers des enfants se heurtent à des problèmes et qu’il est très important d’entamer la préparation des petits lecteurs le plus tôt possible. C’est pourquoi nous voulons préparer aussi pour les parents un ensemble de recommandations, une espèce de mode d’emploi, qui les instruiraient sur ce qu’il faut faire pour donner aux enfants l’habitude de lire. »
Les enfants tchèques aiment les bibliothèques
Trois facteurs jouent un rôle important dans l’apprentissage de la lecture chez l’enfant : l’attitude des parents, l’école et évidemment aussi les bibliothèques publiques. Roman Giebisch constate que les enfants tchèques aiment fréquenter les bibliothèques :« La Bibliothèque nationale réalise de temps à autre des sondages sur les habitudes de lecture parmi les enfants. En 2013, il s’est avéré que 50 % des enfants fréquentaient les bibliothèques publiques. Evidemment, ce n’est pas partout pareil. Si une bibliothèque est agréable et accueillante à l’égard des enfants, si dans une telle bibliothèque il y a d’excellents bibliothécaires, le nombre de lecteurs est évidemment plus élevé. »
Vers la bibliothèque idéale
Comment doit se présenter une telle bibliothèque pour être agréable et accueillante ? Voilà l’objectif d’un concours organisé par l’Union des bibliothécaires et des travailleurs de l’information qui décerne chaque année le prix de la meilleure bibliothèque municipale.
Cette année, c’est la bibliothèque de Slavičín, un bourg de quelque 6 000 habitants au sud-est de la Moravie, qui a décroché le prix. Les jurés ont apprécié notamment l’atmosphère particulière qui règne dans cet établissement reconstruit en 2011 et qui marie des éléments modernes avec les décors d’une vaste villa de la première moitié du XXe siècle. Dans ses intérieurs agréables trouvent refuge non seulement des lecteurs jeunes et adultes mais aussi onze associations et clubs locaux, dont par exemple une troupe de théâtre amateur, une association des enfants handicapés et même une association apicole. Les activités variées qu’abrite cet établissement illustrent le rôle que les bibliothèques publiques sont appelées à jouer au XXIe siècle. Selon Roman Giebisch, à l’époque du développement et de la progression vertigineuse des médias électroniques, le rôle des bibliothèques publiques doit évoluer :« Dans ce domaine, il y a une certaine différence entre les institutions spécialisées comme les bibliothèques universitaires dont l’objectif sera toujours surtout l’information et qui rassembleront non seulement les médias imprimés mais aussi numériques, et puis les bibliothèques publiques, municipales, qui sont les plus nombreuses. Elles seront obligées de se transformer et de s’engager par exemple dans le processus de l’éducation non formelle, dans les activités culturelles, et devenir des centres de vie collective dans les communes. »