Le grand néant : la vie et la mort en Tchéquie pendant le Covid dans un nouveau documentaire
« Velké nic » est le titre du nouveau film réalisé par Vít Klusák et Marika Pecháčková dont l’avant-première est prévue ce vendredi soir à Prague. Ce documentaire revient sur la période extraordinaire qui a commencé en Tchéquie il y a exactement trois ans, avec l’état d’urgence et le confinement décrétés pour faire face à la pandémie de Covid-19.
Tourné en noir et blanc, parfois poétique et donnant surtout un aperçu de ce qu’a été la vie en Tchéquie pendant ce temps suspendu, ce long-métrage donne la parole aux soignants, patients, artistes, parents, aux pragmatiques, résignés, adeptes de thèses conspirationnistes et l’ensemble dresse un tableau assez riche de la société à ce moment inédit dans l’histoire récente.
Tests jusqu’au fin fond des nasaux, mesures sanitaires prises puis modifiées ou annulées dans la foulée, port du masque obligatoire, même pour courir, se marier ou sur une plage nudiste : certaines scènes désopilantes rappellent l’absurdité de l’épreuve, tandis que d’autres, parfois difficiles - notamment en milieu hospitalier - sont un hommage à ceux emportés par ce virus et à leurs familles, qui souvent n’ont même pas pu être présentes pour faire leurs adieux au mourant.
La coréalisatrice du film Marika Pecháčková a répondu en français aux questions de RPI
L’histoire tchèque de la pandémie est-elle spécifique ? Y a-t-il quelque chose de particulier à l’histoire de la pandémie ici, selon vous ?
« La première chose qui vient à l’esprit est connue, avec le Premier ministre de l’époque, Andrej Babiš, qui a déclaré qu’on était « Best in covid », une déclaration faite avant les chiffres montrant qu’on était en fait les pires, avec le nombre de morts le plus important dans le monde par rapport au nombre d’habitants. C’était très ironique qu’il ait dit ça. Sinon, je ne crois pas qu’il y ait eu une spécificité tchèque. »
On voit certaines figures de la scène conspirationniste dans votre film. De quelle manière les voyez-vous aujourd’hui avec le recul, quand cette semaine par exemple même le FBI estime lui aussi que le virus vient sûrement d’un laboratoire de Wuhan (ce que certaines théories du complot avaient abondamment relayé dès le début de la crise, ndlr) ?
« Je dirais que notre perspective était de voir tous les protagonistes de façon humaine, d’essayer de comprendre. La conspiratrice dans ce film, Jana Peterková, on l’a aussi filmée chez elle à la maison, en essayant de la montrer sous une autre perspective. »
« Par ailleurs, à la fin de notre film, on a vu que tout le public de ces conspirateurs a changé de champ d’action et est passé des thèses conspirationnistes sur le covid au mouvement pro-Poutine et inclinent vers la Russie. On s’est posé la question de le mettre dans le film ou non ; finalement on a décidé que non. »
Est-ce que personnellement ce film vous a aidée à traverser cette difficile période. Vous avez évoqué le fait que vous êtes restés confinés avec vos trois enfants. Travailler sur un tel projet vous a-t-il permis de prendre du recul ?
« Je dirais que oui. Mais pour moi la chose la plus importante dans ce film est qu’il s’agit du premier film avec mon mari Vít Klusák. On est ensemble depuis 14 ans et on n’avait pas eu le courage de le faire. Mais oui, cela nous a aidé à vivre activement pendant la pandémie… »
Qu’espérez-vous pour ce film maintenant ?
« Qu’il soit vu, ici et par d’autres publics que le public tchèque. J’ai beaucoup pensé à la France en fait. On a choisi par hasard de la musique italienne mais le style qu’on a utilisé pour notre film m’a beaucoup rappelé les films français des années 1960 et je me suis dit que peut-être que le public français pourrait comprendre. »
Le film Velké nic (The Great Nothing en anglais) sortira en salles le 16 mars.