Le nouveau Code civil : le droit privé tchèque redessiné (Ière partie)
Entré en vigueur le 1er janvier, le nouveau Code civil transforme considérablement le droit privé tchèque. Il remplace l’ancien Code civil qui datait de 1964 et ses nombreux amendements. Long de 3 081 articles, le nouveau Code civil englobe notamment le droit familial, une grande partie du code commercial et supprime la législation relative à ces domaines qui existait parallèlement jusqu’à la fin de l’année dernière. S’agit-il d’une simplification ou d’une complication ? Si la question mérite d'être posée, adversaires et partisans du nouveau Code civil sont d’accord sur une chose : le paysage juridique tchèque ne sera plus le même.
Le nouveau Code civil a été adopté par le Parlement et signé par le président de la République en février 2012. Par conséquent, les hommes de loi ont disposé de suffisamment de temps pour l’étudier. Cependant, les changements sont si profonds qu’il faudra attendre longtemps avant qu’ils n’entrent pleinement dans l’usage et dans l’ordre établi. Le bon fonctionnement de ce système revu de fond en comble exigera non seulement une parfaite connaissance du texte, mais aussi un nouveau savoir-faire dans son application. Selon le juriste Robert Pelikán, le Code civil renforce énormément le rôle des hommes de loi dans un procès juridique, notamment celui de l’avocat :
« S’il maîtrise bien le texte, il pourra beaucoup mieux défendre les intérêts de son client. Au contraire, l’avocat qui ne le maîtrisera pas suffisemment bien pourra lui nuire. C’est là un grand changement par rapport au passé : le droit postsocialiste (en vigueur jusque fin 2013) était simple, son interprétation était en principe univoque. En général, le juge n’écoutait pas vraiment les arguments des avocats qui pesaient, soyons sincères, peut-être 20 % dans sa décision finale. J’estime qu’avec les changements apportés par le nouveau Code civil, ce pourcentage s’élèvera à 60-70 %. Dorénavant, trouver un bon avocat deviendra essentiel. »
Les changements de fond vont de pair avec les changements de forme. Ainsi, le nouveau Code civil reprend une terminologie désuète employée pour la dernière fois dans les codes de la Première République tchécoslovaque. Et c’est là une des principales critiques soulevées contre le nouveau texte : bien qu’il confirme la rupture définitive avec le droit communiste, il reste encore mal adapté à la réalité du XXIe siècle. Par exemple, il ne prend pas en considération les litiges pouvant advenir notamment dans l’espace virtuel. Robert Pelikán précise :
« D’un point de vue terminologique, le nouveau Code civil ressuscite effectivement des termes qui avaient disparus depuis plus de cinquante ans. Il s’agit de termes qui étaient employés au XIXe siècle, de termes qui proviennent du Code civil universel qui remonte au début du XIXe siècle. Mais il faut préciser que nous n’avons pas, en tchèque, d’autres appellations pour ces concepts. Il y a une terminologie nouvelle, mais qu’il s’agisse de termes du XIXe siècle ou que ceux-ci proviennent d’une autre source, ce n’est pas ce qui compte à mon avis. Il faut accepter d’être en présence d’une multitude de termes nouveaux, car nous avons une multitude de concepts juridiques nouveaux, et ça, c’est plutôt une bonne chose. »Dans ses grandes lignes, le nouveau Code civil met les droits et les libertés individuels au dessus des intérêts de l’Etat. Cette plus grande liberté devra toutefois se traduire par une plus grande responsabilité de tout un chacun dans sa « recherche du bonheur », qui devient un droit. D’importantes exigences attendent le travail des représentants de la justice indépendante : c’est désormais à eux qu’il appartient d’interpréter ce nouveau Code civil, qui ne leur donne plus la possibilité de le faire ‘au pied de la lettre’, mais au contraire en faisant valoir des valeurs telles que la dignité, la responsabilité et l’honnêteté. Nous verrons demain quelles sont les principales nouveautés relatives en particulier au monde des affaires.