Le paysage politique issu des élections demande une grande volonté de compromis
Les alternatives concernant la composition du prochain cabinet, ainsi que la discorde au sein du parti social-démocrate (ČSSD), vainqueur des récentes élections législatives anticipées, tels sont les principaux thèmes qui ne cessent d’alimenter la presse nationale. Et vu le paysage politique émietté issu de ces élections, tout indique qu’il en sera ainsi encore assez longtemps.
En attendant les procédures de formation d’un nouveau cabinet qui seront le plus probablement orchestrées par le vainqueur de ces élections, le parti social-démocrate ČSSD, l’hebdomadaire Týden s’est penché sur les principaux problèmes économiques que celui-ci aura à trancher. Dans un article consacré à ce sujet, nous avons pu lire :
« Ce qui manque certainement à l’économie tchèque, après la longue agonie qu’elle vient de vivre, c’est le temps. Tandis que les pays voisins ont su surmonter assez rapidement la crise économique, nous y sommes restés plongés beaucoup plus longtemps qu’il ne le fallait. Pour cette raison, le nouveau cabinet aura devant lui, outre la définition des paramètres politiques nécessaires, trois défis d’ordre économique, dont en premier lieu la révision du budget de l’Etat. »
L’auteur de l’article souligne également qu’il est nécessaire que la République tchèque améliore ses relations avec Bruxelles et ses principaux partenaires dans le cadre de l’Union européenne. Il explique :
« Au cours des trois dernières années, nous nous sommes présentés comme un partenaire peu transparent et peu compréhensible qui refuse de trouver des solutions permettant à l’Union européenne de sortir de la crise. Nous n’avons pas su articuler une politique claire et argumentée à l’égard de l’Union et nous n’avons même pas essayé d’ouvrir un débat sur ce que nous voulons en tant que pays membre. L’argument selon lequel nous ne sommes qu’un petit pays n’est pas bien fondé. C’est ce que prouvent les succès obtenus à Bruxelles par d’autres pays comparables qui savent formuler leurs objectifs comme il le faut. »
Un consensus rapide concernant la politique économique à long terme et la définition claire de priorités se présentent comme deux autres démarches importantes à faire par le prochain cabinet. L’hebdomadaire Týden conclut sa réflexion sur un ton optimiste :
« Ce qui faisait terriblement défaut au cours des dernières années, c’était un débat sur l’orientation future de l’Etat tchèque permettant de lui assurer une capacité de concurrence et la réussite. Un financement efficace de la science, une réforme du système de l’enseignement, une réforme du système de la politique en faveur de l’emploi – ce sont autant d’objectifs qui ont une chance, espérons-le, d’être dorénavant atteints... Une prompte relance économique demandera d’un côté beaucoup de courage et, d’un autre côté, la volonté de trouver des compromis sans précédent. L’échec apporterait une profonde désillusion aux électeurs ce qui pourrait se traduire prochainement par des résultats électoraux plus surprenants encore que cette fois-ci. »
A quand la fin de la discorde au sein du parti social-démocrate
Beaucoup de commentaire réagissent, aussi, à la crise au sein du parti social-démocrate, provoquée par les activités d’une partie de ses leaders, avec à leur tête l’ambitieux Michal Hašek, des troubles déclenchés au lendemain de la publication des résultats électoraux et dirigés contre le chef du parti, Bohuslav Sobotka. Jouissant désormais d’un grand soutien au sein de son propre parti, ainsi qu’auprès du public, ce dernier réclame la démission de leurs fonctions de tous les acteurs de ce complot, une décision définitive devant tomber le 10 novembre, lors de la réunion du comité central du parti. Un commentaire publié sur le serveur aktuálně.cz porte sur l’évolution de cet événement un regard plutôt optimiste. Nous citons :
« De prime abord, on ne le croit pas. Mais je suis convaincu que, paradoxalement, les événements que le ČSSD (parti social-démocrate) affronte ces jours-ci, sont pour lui très positifs, que ce parti a obtenu une immense chance. Tout le monde savait que ce parti était divisé en deux ailes, l’une sympathisant avec Hašek, l’autre avec Sobotka. Il est certain que cette discorde a été responsable du mauvais résultat électoral du parti... Le fait que les membres de l’aile de Hašek, ne défendant que leurs propres intérêts, se soient complètement discrédités par leurs mensonges au sujet de leur complot, est un vrai don du ciel pour le ČSSD. »
Les Tchèques abandonnent les cérémonies funéraires
A l’occasion du Jour des morts, ce 2 novembre, le supplément Orientace du quotidien Lidové noviny a publié un entretien avec l’antropologue Olga Nešporová qui a confirmé la tendance marquante qui existe au sein de la société tchèque, consistant dans la volonté des gens d’éviter l’organisation d’une cérémonie funéraire. Elle constate :
« En ce qui concerne l’importante réduction ou la minimalisation des cérémonies funéraires, on peut dire que les Tchèques représentent à l’échelle mondiale un cas unique. Selon moi, à l’exception de l’ancienne Allemagne de l’Est, on ne trouve pas un autre pays dans lequel, en temps de paix et de prospérité, les gens seraient enterrés ou incinérés sans cérémonie, que celle-ci soit religieuse ou séculaire. »
D’après Olga Nešporová, c’est un jeu de circonstances et de facteurs réunis au cours des vingt dernières années dans la société tchèque, qui est la cause de cette situation :
« Le nombre croissant d’incinérations qui ne sont pas accompagnées de cérémonies résulte dans une grande mesure de la sécularisation et de la perte des valeurs traditionnelles. En plus, les gens sous-estiment l’importance des réunions en famille au moment du deuil. Le problème c’est aussi le fait que les cérémonies qui ont été mises en pratique sous le communisme ne conviennent plus tout à fait, tandis que des formes nouvelles de cérémonies n’ont pas encore été introduites ou ne sont pas encore répandues. »
Le côté financier semble également jouer dans ce phénomène un certain rôle, le prix d’une cérémonie funèbre ayant considérablement augmenté au cours des dernières années. Des funérailles « classiques » coûtent aujourd’hui près de 20000 couronnes, l’équivalent de quelque 800 euros, le salaire mensuel moyen variant autour de 24000 couronnes.
Une « torche vivante » ukrainienne a précédé Jan Palach
Le serveur aktuálně.cz a récemment publié une information de son correspondant à Kiev, Jan Gazdík, indiquant que Jan Palach, « la torche vivante » la plus connue parmi les personnes qui se sont immolées par le feu pour protester contre l’occupation de la Tchécoslovaquie par les armées du bloc soviétique en 1968, avait un prédécesseur en Ukraine. Il s’appelait Vasyl Makuch. L’article signale :
« Son acte, Vasyl Makuch l’a effectué le 5 novembre 1968 sur la place principale de Kiev en criant : ‘A bas les occupants de la Tchécoslovaquie. A bas les colonisateurs communistes. Vive l’Ukraine libre.’ Grièvement brûlé, il a été transporté à l’hôpital où il est mort le lendemain. »
Se référant aux confessions des témoins de l’époque, l’article rappelle que d’autres torches vivantes ukrainiennes auraient pu suivre le geste de Vasyl Makuch. Les représailles sévères du régime ont pourtant empêché ce phénomène de se répandre. Les médias ukraniens ont passé l’événement sous silence, les services secrets liquidant toute mention à ce sujet. Selon l’expert en études slaves Rita Kendlerová, citée dans l’article, c’est aussi la raison pour laquelle l’acte de Vasyl Makuch est jusqu’à aujourd’hui presque méconnu en Ukraine. L’article constate également :
« Ce n’est que le 5 novembre 2011, donc quarante-trois ans après cet acte courageux, qu’un petit groupe s’est réuni sur le lieu en question, un portrait de Makuch et des bougies à la main. Une réunion qui a lieu depuis lors régulièrement. »
L’article rappelle également qu’en dépit du strict embargo sur cet événement dans les médias communistes de l’époque, les médias occidentaux en diffusé l’information grâce à l’initiative de dissidents ukrainiens, le décrivant comme « un acte héroique sans précédent devant lequel toute la communauté internationale s’inclinait ». L’article note également que Vasyl Makuch et son acte de protestation sont le thème d’un séminaire, qui s’est tenu cette semaine à l’Institut d’étude des régimes totalitaires à Prague.