Le phénomène des résidences secondaires appartient-il au passé ?

Récemment, le journal Lidove noviny a effectué un bref sondage pour savoir si les résidences secondaires - chalets, datchas ou maisons de campagne -, bref ce que l'on appelle en Tchéquie la « chalupa », ont toujours autant d'attrait et d'importance pour les Tchèques que sous le communisme. Les résultats auxquels il est arrivé ne sont guère surprenants, car avec la chute du régime, les gens ont changé de fond en comble nombre de leurs habitudes.

Sous le régime communiste, passer les week-ends à la campagne était un passe-temps favori d'une grande partie des Tchèques. A l'époque, le phénomène des résidences secondaires est devenu particulièrement répandu, constituant même l'un des traits nationaux spécifiques.

Les racines du goût des Tchèques pour les « datchas », pour le camping et pour le tramping remontent à l'époque de la Première République. C'est dans les années vingt du XXe siècle qu'ont été édifiées, aux environs de Prague, les premières communes de tramps et, parallèlement, les maisons de campagne servant en tant que résidences secondaires estivales pour les couches plus aisées.

Photo: Štěpánka Budková
Le véritable boom est survenu après la Deuxième Guerre mondiale, lorsque beaucoup de maisons de campagne et de chalets sont devenus « disponibles » du fait de l'expulsion des Allemands des Sudètes et étant vendus à des prix assez bon marché. Il y avait, un peu plus tard, aussi beaucoup de maisons de campagne qui ont été abandonnées par leurs locataires qui ont décidé de quitter la campagne pour aller vivre en ville.

On peut dire que dans la Tchécoslovaquie socialiste, posséder une résidence secondaire n'était pas, forcément, un signe de luxe, à tel point ce phénomène a été répandu, toutes couches sociales confondues.

« Sous le régime communiste et surtout dans les années soixante-dix et quatre-vingts, années de la dure normalisation, se réfugier pendant les week-ends dans sa résidence secondaire était une façon de fuir la sinistre réalité », rappelle le quotidien Lidove noviny. Bricoler, ramasser les champignons, cultiver son jardin, cueillir les fruits, aller à la pêche, se baigner dans des lacs ou dans des étangs, voilà les activités principales qui y ont été liées.

Photo: Archives de Radio Prague
Au début des années quatre-vingts, au lendemain de la chute du régime communiste, beaucoup s'attendaient au déclin du phénomène des résidences secondaires et des week-ends passés d'une manière stéréotypée. Même si cette habitude n'a pas entièrement disparu, il s'avère qu'elle a nettement tendance à céder à d'autres sortes d'activités et de passe-temps.

Vladimir a récemment fini ses études. Enfant, il était habitué à passer ses vacances et l'ensemble des week-ends, avec ses parents, dans un charmant chalet au pied des Monts des Géants. Aujourd'hui, cette perspective ne le tente guère.

« A l'heure actuelle, je n'ai plus le temps d'aller chaque samedi et dimanche à la campagne. J'ai beaucoup de travail et plein d'activités que je préfère. Je dois dire que je trouve ça tout à fait normal. Tous mes copains font comme moi. Et pour dire vrai, ça ne m'amuse plus tellement. Quand j'étais petit, j'aimais bien aller à la « chalupa », c'était un véritable paradis pour moi, mais maintenant, si j'y vais, c'est surtout pour aider mes parents quand il y a des travaux ou des réparations à faire. Pour mes parents, leur maison de campagne est toujours très importante. Mais je pense que même quand je serai plus âgé, je n'y consacrerai pas tout mon temps libre. C'était pour la génération de mes parents. Pas pour moi ».

Selon un récent sondage de l'agence Median seulement 7,7% des Tchèques passeraient leurs week-ends dans leur résidence secondaire, 11% de moins qu'il y a six ans. D'un autre côté, le nombre de gens qui préfèrent rester chez eux au lieu d'aller quelque part, ne cesse d'augmenter. A en croire ce sondage, il y aurait aujourd'hui 60 % des Tchèques qui ne quittent pas leurs domiciles, après une semaine remplie de travail.

Les sociologues ont une explication simple : « la génération des fervents amateurs de résidences secondaires vieillit et les jeunes ont traditionnellement d'autres intérêts que leurs parents. Et la génération moyenne est pour sa part très occupée par des obligations professionnelles ».

Zuzana Tomanova, la soixantaine passée, est interprète et traductrice. Très prisée, elle n'a pas pourtant renoncé à sa maison de campagne où elle va très régulièrement. Celle-ci se trouve à une centaine de kilomètres de Prague, dans la belle région de la vallée de la Sazava.

« Cette maison, c'est mon deuxième chez moi, il y a mon appartement à Prague et puis, il y a cette maison, que j'ai trouvée il y a des années, par hasard. A l'époque, elle était dans un état lamentable. Je l'ai retapée et j'ai reconstruit non seulement le bas, mais aussi le haut, là où il y avait le grenier et où il n'y avait que du foin. Maintenant, il y a de belles pièces, une salle de bain, une toilette. C'est un petit peu le fruit de mon labeur... Au début, il y avait plein d'amis qui venaient passer leurs loisirs chez moi et qui m'aidaient beaucoup. Maintenant, il faut s'adresser à des ouvriers et c'est beaucoup plus difficile que du temps du communisme, où c'étaient des copains. «

Vous y allez aussi souvent que sous le communisme ?

« Aussi souvent, car pour moi, c'est un endroit paradisiaque. »

Quelles sont vos activités préférées ?

« C'est le jardinage. Maintenant, j'ai beaucoup moins de plantations qu'avant. Du temps du communisme, il n'y avait pas de fruits et de légumes et j'avais donc tout ce qu'il fallait, depuis les haricots verts jusqu'aux courgettes. Maintenant, j'ai réduit un peu, car le temps avance et avec l'âge, on a moins de force, mais il y a toujours ça... et les champignons, aller aux champignons est un sport national tchèque ».

Etre dans sa maison de campagne, à sa « chalupa », signifie entre autres - on l'a entendu - passer son temps libre de façon active. En abandonnant leurs anciennes habitudes, les Tchèques ont-ils tendance à devenir dorénavant plus passifs, sinon plus paresseux ? Dans les pages du journal Lidove noviny, la sociologue Jana Duffkova, spécialisation dans la question des loisirs, explique:

« Depuis les années 1990, on peut constater une évolution vers la passivité. Avec une maison de campagne ou une datcha, les gens étaient actifs. On comprend que les gens qui sont très préoccupés par leur carrière, ont besoin de repos... Mais d'un autre côté, une « chalupa » invite à toute sorte d'activités sympathiques, ne serait-ce que le jardinage ou une promenade dans la forêt. Ce serait dommage que cela disparaisse, mais je ne le crains pas vraiment ».