Presse : la Tchéquie n’est pas le pont entre l’Est et l’Ouest qu’elle pensait pouvoir être

Kremlin de Moscou

Tout au long de la semaine écoulée – vous vous en doutez -, et il n’en a d’ailleurs pas été autrement sur Radio Prague International, l’ensemble des médias tchèques ont concentré l’essentiel de leur attention sur la révélation de la responsabilité de la Russie dans l’affaire des explosions de Vrbětice. Evidemment, son retentissement est le thème central de cette nouvelle revue de la presse. Mais ce ne sera pas le seul. Nous évoquerons aussi la nouvelle tendance d’une partie des Tchèques de quitter la ville pour s’installer à la campagne, sans oublier l’évolution de l’épidémie de coronavirus. Un bref rappel enfin du vague projet de candidature de Prague à l’organisation des Jeux olympiques d’été en 2016.   

« La majorité des politiques tchèques se sont dits choqués et surpris après la révélation des agissements d’agents secrets russes sur le territoire tchèque. En réalité, il n’y a absolument rien de surprenant dans cette affaire. » C’est ce qu’a écrit le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Respekt dans un éditon intitulé « Poutine est un ennemi » et mis en ligne quelques heures seulement après la conférence de presse du Premier ministre Andrej Babiš, samedi dernier, lors de laquelle il a accusé des agents russes d’avoir orchestré les deux explosions de dépôts de munitions à Vrbětice, dans l’est du pays, en 2014. Plus loin dans cet édito, on pouvait encore lire :

« Les activités du GRU, le service de renseignement militaire russe, en Tchéquie sont connues depuis longtemps. Le fait que nous soyons maintenant en possession de telles preuves permet d’ouvrir les yeux de tous ceux qui, jusqu’ici, sous-estimaient ce risque. Il convient désormais de modifier les piliers fondamentaux tant de notre politique intérieure qu’extérieure. Sinon, nos responsables politiques nous exposent à un grave danger. »

« L’Etat tchèque doit se défendre », ajoute l'auteur du commentaire. Pour lui, cela signifie exclure la Russie de tout projet stratégique important, de réduire au strict minimum les relations politiques, de renforcer les services de sécurité et la cyberdéfense.

« Il apparaît au grand jour que la faiblesse tchèque vis-à-vis de la Russie est beaucoup plus grande qu’on ne le pensait », observe pour sa part un commentateur du site Aktualne.cz. Il estime également que les derniers événements ont mis fin à l’idée régulièrement évoquée sur la scène politique locale selon laquelle la République tchèque constituerait un pont entre l’Est et l’Ouest.

Pour sa part, le quotidien économique Hospodářské noviny constate que cela fait longtemps que les relations entre la Tchéquie et la Russie, qui sont désormais gelées, n’avaient plus été aussi mauvaises. « Moscou mène, certes, une politique de plus en plus agressive  sur la scène internationale, mais l’accuser de tous les maux serait toutefois une erreur », souligne son commentateur :

« La situation actuelle est également la conséquence de l’incapacité des dirigeants politiques tchèques à définir et à suivre une ligne politique sur le long terme répondant à l’orientation stratégique de notre pays, un pays démocratique et libre. Depuis le départ du dernier soldat soviétique de l’ancienne Tchécoslovaquie en juin 1991, il y a donc près de trente ans, la République tchèque et ses élites politiques ne sont jamais parvenues à formuler une ‘politique orientale’ digne de ce nom, à établir des relations avec la Fédération de Russie de façon à ce que celles-ci ne basculent pas entre deux extrêmes : la russophobie et la russophilie ».

Dans son édition de mercredi, toujours à propos de la participation d’espions russes aux explosions de Vrbětice, le quotidien Deník N a publié un texte d’un commentateur slovaque dans lequel on pouvait lire :

« La gravité et l’ampleur de l’attaque contre la Tchéquie en 2014 ne peuvent certainement pas être comparées à l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968. Toutefois, les conditions politiques de départ des deux attaques sont identiques : les Russes continuent de considérer que les territoires de leurs anciens pays satellites font partie de leur sphère d’influence. Les Tchèques doivent admettre que la Russie ne se préoccupe de leur souveraineté et qu’elle se comporte en ennemi. »

« C’est une leçon à tirer, aussi, pour la Slovaquie, car les Tchèques sont notre alter ego occidental, notre jumeau historique », indique le commentateur  slovaque avant de conclure : « Tout ce qui leur arrive, c’est comme si cela nous arrivait à nous aussi. »

« Les Russes ont liquidé le Covid en Tchéquie », titrait sur un ton ironique une note mise en ligne sur le site novinky.cz. Son auteur écrit :

« L’intérêt des dirigeants politiques et du public est désormais tourné vers l’affaire de Vrbětice. L’épidémie de Covid est passée au second plan, d’autant plus que l’heure est désormais à l’assouplissement des restrictions. Pourtant, même si  tout semble inondé de soleil, le pari est loin d’être gagné. »

Quitter la ville et vivre à la campagne ?

Adieu, la vie citadine... Le départ de beaucoup d’habitants des grandes villes pour la campagne et de plus petites villes régionales, auquel on assiste ces derniers temps, est une des conséquences des confinements répétés. C’est du moins ce qu’estime le site hlidacipes.org, qui précise à ce propos :

Photo illustrative: Vita_S,  Pixabay,  CC0 1.0 DEED

« Les loyers trop élevés dans les grandes villes, et notamment à Prague, sont la princicpale raison de cet exode que l’épidémie de coronavrirus a accentué. Jusqu’ici, le prix moyen d’un loyer dans les régions était inférieur d’environ 30% à ce qu’il était dans la capitale. Mais attention, l’évolution actuelle modifie la donne : les prixs des loyers augmentent désormais en dehors de Prague, tandis qu’ils baissent dans la capitale. Selon les experts, cette évolution reflète mieux le pouvoir d’achat de la population. »

L’article précise que si ce phénomène de migration vers la campagne est une tendance forte, il ne conduira cependant pas à un important dépeuplement des villes. « Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un rééquilibrage économique entre les grands centres urbains et les régions », écrit son auteur. Celui-ci note également que, peut-être paradoxalement, les prix de l’immobilier à Prague et dans les grandes villes ne cessent de croître. Pourquoi cette inflation continue ? Parce que « pour beaucoup, l’achat d’un appartement ou d’une maison représente toujours un investissement sûr », explique-t-il.

Evolution de l’épidémie : la vigilance reste de rigueur

L’évolution de la situation épidémiologique en Tchéquie est positive. C’est du moins ce dont faisait part le journal en ligne Deník Referendum, sur la base des analyses publiées cette semaine et de la baisse régulière du nombre de nouveaux cas de contaminations. Toutefois, compte tenu du nombre toujours relativement élevé de malades en soins intensifs, il convient de rester vigilant :

Le ministre de la Santé Petr Arenberger | Photo: Roman Vondrouš,  ČTK

« Tout manquement à la discipline de la part du gouvernement ou d’une partie de la population conduira à affaiblir la tendance à la baisse de l’épidémie, autrement dit à un ‘ralentissement du ralentissement’. Plus irréfléchis ou chaotiques seront les déconfinements, plus les restrictions impopulaires dureront. »

Les décès quotidiens en lien avec le Covid-19 de près de 80 personnes et le fait que la majorité des groupes de la population les plus vulnérables n’ait toujours pas été vaccinée sont deux éléments qui invitent à faire preuve d’un optimisme prudent, estime encore le commentateur de Deník Referendum.

Rappel d’un rêve olympique inassouvi

« A près de trois mois de la tenue des des 32es Jeux olympiques d’été à Tokio, il est bon de rappeler que la République tchèque a elle aussi envisagé d’organiser cet événement sportif majeur. » C’est ce que l’on pouvait lire dans le quotidien Lidové noviny, qui revient chaque semaine sur un événement marquant appartenant à l’histoire récente. Nous citons :

« Les premiers débats concernant l’éventuelle tenue à Prague des Jeux olympiques remontent  aux années 1920. Mais ce n’est qu’au début du nouveau millénaire que ceux-ci ont été réellement sérieux et ont abouti au projet de ‘Prague olympique’. Soutenu fortement par la municipalité, ce projet n’était cependant pas vu d’un très bon œil par le gouvernement et par le président de la République de l’époque, Václav Klaus. L’opinion publique n’y était d’ailleurs guère plus favorable. Néanmoins, pour le Comité olympique tchèque, la présentation officielle, en septembre 2007, d’une candidature à l’organisation des JO d’été de 2016 a représenté un événement historique. »

En 2008, le Comité international olympique a tranché en ne retenant logiquement pas Prague pour la phase suivante de la procédure du choix de la ville organisatrice. Lidové noviny rappelle que cette candidature « expérimentale »  devait précéder une deuxième tentative. Il n’en a toutefois jamais rien été. « En Tchéquie, la question de l’organisation des JO a encore été prudemment soulevée à quelques reprises, mais nous restons très loin du montage d’un nouveau dossier de candidature », souligne-t-il.