Le Premier ministre déplore les résultats des chercheurs tchèques

Jiří Rusnok, photo: CTK

Selon le Premier ministre démissionnaire, les résultats de la recherche tchèque, censés être rentables dans la pratique, sont déplorables. Jiří Rusnok estime que l’organisation et la gestion de l’Académie des sciences laissent à désirer. Le monde scientifique a réagi de façon outragée aux propos du chef du gouvernement. Les chercheurs se défendent en affirmant que les réformes à mener sont d’abord politiques et que le Premier ministre est manipulé par les lobbyistes.

Jiří Rusnok,  photo: CTK
Selon le projet du budget de l’Etat pour 2014 adopté la semaine dernière par le gouvernement, la somme consacrée à la recherche scientifique devrait être réduite de plus d’un milliard de couronnes (environ 40 millions d’euros) par rapport à ce qui avait été initialement prévu par l’ancien cabinet de Petr Nečas. En matière de sciences, le Premier ministre actuel défend une politique préconisant une rentabilité immédiate. Jiří Rusnok avait déjà exprimé son point de vue lors de la réunion solenelle du conseil de l’Agence de subventionnement tchèque (GAČR) il y a quelques semaines de cela:

« Il n’est pas possible de soutenir la recherche uniquement pour faire de la recherche. Pour moi, il est crucial que les fonds publics destinés à la recherche scientifique soient consacrés aux branches véritablement innovantes, dans les branches qui peuvent faire réellement avancer non seulement la science, mais aussi notre industrie et notre pays. »

Dans un entretien pour le quotidien économique Hospodářské noviny publié mardi, Jiří Rusnok prétend que l’Académie des sciences, qui est la plus prestigieuse institution scientifique tchèque, gaspille et qu’une réorganisation ainsi qu’une réforme radicale sont nécessaires. Le directeur de l’Académie des sciences, Jiří Drahoš, exprime son désaccord :

Jiří Drahoš,  photo: Alžběta Švarcová,  ČRo
« Pour moi, les mots „réforme radicale“ témoignent d’une évaluation tout-à-fait erronée de la situation. Monsieur le Premier ministre ne sait vraisemblablement pas grand-chose sur l’Académie des sciences. En août dernier, j’ai essayé de lui expliquer son système de fonctionnement et de financement, sa stratégie à long terme... Monsieur le Premier ministre a mentionné que l’Académie pourrait compter trente centres de recherche, au lieu des cinquante actuels. A cela, je ne peux que répliquer : oui, mais alors elle pourrait en compter aussi quinze ou quarante-cinq... Il ne s’agit pas là d’un résultat, d’une analyse rationnelle, mais uniquement d’un chiffre balancé sans réflexion, je m’excuse de dire ça comme ça... C’est pourquoi, d’ailleurs, il m’est impossible de prendre cette réforme au sérieux. »

Les scientifiques estiment que la responsabilité du manque de ressources financières repose sur la mauvaise politique scientifique et budgétaire et sur la grande pression des lobbies. Directeur de l’Institut de génétique moléculaire de l’Académie des sciences, Václav Hořejší explique où va l’argent qui fait actuellement défaut au sein de l’institution de recherche nationale :

Václav Hořejší,  photo: Zdeněk Vališ
« Je connais une très grande réserve dans laquelle l’Etat pourrait puiser pour financer la recherche : sous la pression de ce que j’appelle le lobby industriel, l’Etat tchèque dépense annuellement environ six milliards de couronnes (près de 240 millions d’euros) pour financer une prétendue recherche appliquée, le soit-disant développement industriel et des projets d’innovation dans les entreprises privées. Je pense que c’est de l’argent jeté par la fenêtre, et que cet argent devrait être destiné à promouvoir l’excellence. Ce serait selon moi la meilleure chose à faire. »

Les deux parties sont toutefois d’accord sur un fait essentiel : la République tchèque n’est pas confrontée à une insuffisance de ressources, mais à une mauvaise gestion de celles-ci. Reste à savoir qui devra faire des efforts.