Le printemps est arrivé, mais « déjà quatre mois de suite que c'est toujours décembre »

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Lundi soir dernier, le printemps est, paraît-il, enfin arrivé. A cette occasion, le quotidien Mlada fronta Dnes, le plus vendu dans le pays, avait publié un supplément spécial de trois pages consacré à ce que le journal présentait comme un « événement ». Mais un faux-événement, puisqu'au-dessus d'une photo de deux jeunes amoureux s'embrassant sous un magniola, la une était barrée du titre « Je první jarní den. A kde je to jaro? », soit « C'est le premier jour du printemps. Et où est ce printemps ? » Cette question, qui, c'est vrai, fait suite à un hiver plus long et rigoureux que les dernières années, c'est aussi celle que nous allons nous poser pour cette fois. Et pour nous accompagner tout au long de cette émission, une chanson écrite et interprétée par Jaromír Nohavica intitulée « Ladovská zima », soit « L'hiver de Lada »...

Dans le courant du mois de mars, lassé lui aussi par un hiver qui dure depuis trop longtemps, « už čtvrty měsic v jednym kuse furt prosinec » - « déjà quatre mois de suite que c'est toujours décembre », chante-t-il d'ailleurs, Jaromír Nohavica a composé, un texte qui, sur le ton de l'humour, traduit la mauvaise humeur et le bougonnement actuels des Tchèques face à la neige qui ne cesse de tomber et aux flaques d'eau gelée sur lesquelles ils manquent de se casser la figure matin et soir sur la route du bureau ou de l'école. A propos de la neige et de ses flocons, le poète d'Ostrava chante d'ailleurs :

To mokre bilé svinstvo pada mi za limec - Cette saloperie blanche mouillée me tombe derrière le col

Už čtvrty měsic v jednym kuse furt prosinec - Déjà quatre mois en suivant que c'est toujours décembre

Večer to odhažu namažu zada ráno se vzbudím a zas kurva pada - Le soir je la déblaie, je me masse le dos, je me lève le matin et putain, elle tombe de nouveau.

Le titre de la chanson « Ladovská zima » - « L'hiver de Lada » fait, lui, référence à Josef Lada, un des peintres préférés des Tchèques. Ses tableaux et dessins ont immortalisé la vie de la campagne tchèque à la fin du XIXe siècle. Chaque année, à l'approche des fêtes de Noël, les images idylliques représentant les traditions de son petit village d'enfance réapparaissent dans toutes les papeteries tchèques avec le clocher de l'église enneigé, les toits de maisons dont sort la fumée du poêle ou de la cheminée, un bonhomme de neige ou encore des enfants qui s'amusent sur leurs luges... A tout cela, Jaromír Nohavica fait aussi référence dans le premier couplet et le refrain de sa chanson :

Si on « s'amuse » à vouloir traduire, très librement, cela nous donne à peu près :

Za vločkou vločka z oblohy padá - Les uns après les autres, les flocons tombent de l'horizon

Chvilinku počká a potom taje - Ils attendent un petit instant avant de fondre

Na staré sesli sedí pan Lada - Sur son vieux siège est assis monsieur Lada

Obrázky kreslí zimního kraje - Il dessine la campagne en hiver

Ladovská zima za okny je - L'hiver de Lada est derrière les fenêtres

A srdce jimá bilá nostalgie - Et le coeur est saisi d'une blanche nostalgie

Ladovská zima děti a saně - L'hiver de Lada, les enfants et les luges

A já jdu s nima do Chrámu Páně - Et je vais avec eux à la Maison de Dieu

Plus loin dans une chanson que des milliers de Tchèques, à sa découverte, ont envoyée par courriel à leurs proches, histoire de leur apporter un peu de chaud au coeur et qui est désormais régulièrement reprise par les stations de radio, Jaromír Nohavica raconte également que « les gosses ont les os gelés » - « děcka maju zmrzle kosti » et qu' « ils font encore de la luge parce qu'ils sont bien obligés » - « saňkuju už jenom z povinnosti ».

Mais si cette chanson a certes été pensée comme une protestation contre l'élément naturel, elle démontre également, d'une certaine manière, la capacité des Tchèques à se moquer gentiment d'eux-mêmes, comme en témoigne encore ce dernier passage « V Praze kalamita jako na Sibiři tři centimetry sněhu a u Muzea čtyři », soit « A Prague calamité comme en Sibérie, trois centimètres de neige et même quatre au Musée ». Pour ceux qui ne sont jamais venus à Prague, précisons juste que le Musée national se trouve en haut de la place Venceslas qu'il domine. Quoiqu'il en soit, quelques jours plus tard, le soleil a fait son grand retour, les premiers perce-neige - sněženky, comme leur nom l'indique, commencent à percer la neige et le printemps semble donc s'installer tranquillement, à son rythme, en République tchèque. Profitons-en donc bien et portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp! Portez plus que jamais le soleil printannier en vous - mějte jarní slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !