Le prix ELSA pour la série « L’Histoire du brave peuple tchèque »

Lucie Seifertová

Parmi les lauréats des prix ELSA, décernés régulièrement vers la fin d’année en République tchèque aux meilleurs émissions de télévision, il y a eu, en décembre dernier, « L’Histoire du brave peuple tchèque » une importante série de petits films d’animation de Česká televize (Télévision publique tchèque). Les auteurs de la série se proposent de rapprocher l’histoire tchèque des petits et des grands. Les événements historiques vus par Lucie Seifertová et Pavel Koutský, auteurs de la série, ne manquent pas de drôlerie et d’humour. Ils présentent l’histoire comme une suite d’événements qui ne sont pas rébarbatifs comme dans les manuels d’histoire.

Lucie Seifertová
La série, qui n’est pas encore achevée, aura au total 111 épisodes de trois minutes chacun. Le projet est basé sur le livre « L’Histoire du brave peuple tchèque », écrit et dessiné par Lucie Seifertová et Pavel Koutský. C’est en 2003 qu’ils ont déjà publié ce « leporello », livre qui peut s’ouvrir comme un accordéon et qui est une espèce de bande dessinée retraçant l’histoire tchèque. Le succès de l’ouvrage a donné aux auteurs l’idée de l’agrandir et d’en faire un livre gigantesque, une espèce d’exposition itinérante qu’ils ont présentée par la suite en Tchéquie et à l’étranger.

L’ouvrage a remporté plusieurs prix littéraires et a attiré l’attention des responsables de la télévision publique qui ont décidé de l’adapter pour le petit écran. La dessinatrice et écrivaine Lucie Seifertová et le dessinateur et réalisateur Pavel Koutský ont donc élargi d’une façon très importante la matière du livre, ont donné à chacun des innombrables épisodes une base historique et en ont fait ensuite un petit divertissement pour les téléspectateurs. Pour Lucie Seifertová c’est un travail qui l’a complètement absorbée et qui continue à être son activité artistique principale :

« Chaque épisode a ses traits spécifiques. Certains ont été réalisés rapidement, d’autres par contre très lentement. Plus nous approchons du temps présent, plus cela devient difficile. Nous devons traiter de plus en plus d’informations. Quand vous voulez dessiner les chasseurs de mammouths, c’est simple, vous leur mettez une fourrure autour de la taille et c’est fait mais quand vous progressez dans le temps cela devient plus compliqué. C’était probablement l’époque baroque qui a été la plus difficile et je suis bien contente que ce soit fini. »

Lucie a du dessiner des robes, des personnages, des églises. Le réalisateur a eu l’idée de montrer aux spectateurs par exemple une ville baroque puis la même ville incendiée et finalement la ville rebâtie. La dessinatrice a été donc obligée de dessiner deux fois des villes baroques avec tous les détails, leurs tours, leurs toits et leurs innombrables fenêtres. C’était une véritable corvée et elle se dit bien contente d’être déjà au XIXe siècle :

« Je suis en train de préparer les scénarios des épisodes sur la période de la résurrection nationale tchèque au XIXe siècle et je suis donc obligée de me plonger dans les vies et les oeuvres des personnalités de cette époque-là. Quand j’étais petite cela m’ennuyait à un tel point que je m’en suis complètement désintéressée. Aujourd’hui je le trouve déjà assez intéressant mais je regrette de ne pas pouvoir mettre tous ces hommes et toutes ses femmes dans la série. Ils étaient si appliqués, si enthousiastes, et vous les passez finalement sous silence. C’est ce qui m’est arrivé quand j’écrivais le livre qui a préfiguré la série télévisée. Je n’ai réussi qu’à y mentionner seulement quelques unes des personnalités les plus importantes, autrement cela aurait été surchargé. »

Et Lucie Seifertová de se demander quelle sera la réaction des historiens à cette sélection draconienne à laquelle l’auteur d’une série télévisée de ce genre ne peut pas se soustraire. Jusqu’à présent les réactions des historiens lui étaient plutôt favorables et n’étaient pas trop critiques vis-à-vis de son travail.


Lucie Seifertová a écrit et dessiné également d’autres livres dont un ouvrage sur le Golem, humanoïde créé de glaise au XVIe siècle par le rabbin Loew dans le ghetto pragois. Cette créature dangereuse n’obéissant qu’à ceux qui lui ont insufflé la vie par une formule magique, a inspiré pendant des siècles de nombreux écrivains et d’autres artistes. Lucie Seifertová en fait partie et elle n’est sans doute pas la dernière de la lignée des artistes fascinés par le Golem auquel elle a donné les traits de son mari. Parmi les livres qu’elle a signés il y a aussi un ouvrage sur Ostrava, la ville noire, ville de mineurs et de métallos, centre industriel de Moravie du Nord :

« Je suis venue à ‘Ostrava la magique’ grâce à Čestmír Kopecký qui préparait la candidature d’Ostrava au titre de ville européenne de la culture en 2015 et m’a demandé de faire un livre. A cette époque j’avais énormément de travail, Toníček, mon enfant, était encore trop petit et trop agité, il y avait des malades dans la famille. Je lui ai dit donc que je ne pourrais absolument pas faire encore ce travail. »

Finalement, Čestmír Kopecký et le mari de l’artiste ont réussi à la convaincre et elle s’est mise au travail, ce qui lui a fait un grand plaisir parce qu’elle aime Ostrava. Elle se souvient d’avoir aimé cette ville encore avant de la connaître parce que son mari qui est musicien y allait souvent pour y donner des concerts. Il était ravi et appréciait surtout le caractère cru et l’authenticité brutale de cette ville prolétarienne envahie par l’industrie et où les maisons d’habitation se trouvaient dans le voisinage immédiat d’usines métallurgiques et mines. Et le caractère cru de cette agglomération ouvrière subjugue aussi Lucie Seifertová:

« Evidemment Ostrava a beaucoup changé depuis ce temps-là mais elle garde toujours cette atmosphère mystérieuse et son caractère cru. Et je suis très contente d’avoir réussi à saisir tout ça dans mon livre. »

Lucie Seifertová
Malgré ces engouements temporaires, c’est la série « L’Histoire du brave peuple tchèque » qui occupe la plupart du temps de Lucie Seifertová et réduit considérablement ses autres activités :

« Il y en a beaucoup qui me demandent de faire des livres sur autre chose. Je m’inspire beaucoup de diverses légendes et j’écris sur des châteaux et des manoirs de Bohême, j’ai fait ce livre sur le Golem de Prague qui m’a fait un grand plaisir. Il y a donc une profusion de thèmes. Je rencontre un peu partout un sujet que j’aimerais traiter mais l’histoire c’est un thème par lequel je suis vraiment obsédée. »

Cette obsession de l’histoire s’est manifestée chez Lucie Seifertová dès la fin du siècle dernier et il semble qu’elle ne soit pas prête de guérir. Quand elle aura achevé le dernier épisode de « L’Histoire du brave peuple tchèque », elle aimerait même poursuivre son oeuvre et passer de l’histoire à l’anticipation. Elle est tentée d’imaginer la vie du brave peuple tchèque aussi dans l’avenir. « J’adore la science-fiction, » dit-elle.