Le rêve américain de « l’outsider » Miloš Forman

« Un globe-trotter fumant le cigare et qui a, dans sa ferme du Connecticut, deux précieuses statuettes dorées », telle est, écrit la presse tchèque, l’image qui nous vient à l’esprit quand nous entendons le nom de Miloš Forman. « Au feu, les pompiers ! », « Vol au-dessus d’un nid de coucou », « Amadeus », « Valmont »... le monde entier connaît les films de celui que l’on pourrait, à juste titre et même si lui-même déteste le pathos, désigner comme l’un des plus grands Tchèques du XXe siècle. Samedi 18 février, le cinéaste Miloš Forman, installé depuis 1968 aux Etats-Unis, fête ses 80 ans. L’occasion de revenir sur sa carrière...

Miloš Forman avec le caméraman Miroslav Ondříček
Dans une interview accordée, en 1967, à Prague, au journaliste Antonín J. Liehm, Miloš Forman affirmait : « A Hollywood, je ne pourrais tourner que des films de troisième catégorie, des westerns, des film d’hémoglobine ou des films policiers. (...) Si je voulais y faire des films comme je les fais ici, je ne tiendrais pas longtemps, je me heurterais à la barrière de langue, à la barrière culturelle. Mais quand même, je suis assez fasciné par l’idée d’essayer, ne serait-ce qu’une seule fois. »

'L’As de pique'
En 1967, Miloš Forman est ce bel homme souriant, habillé en jean blanc et en col roulé noir tel qu’on le connaît des photos. Marié à la chanteuse, actrice et plasticienne Věra Křesadlová et père de petits jumeaux, Matěj et Petr, aujourd’hui comédiens et metteurs en scène renommés, le jeune réalisateur a à son actif plusieurs films à succès : « L’Audition », « L’As de pique », primé au festival de Locarno et projeté aussi à New York, ou « Les Amours d’une blonde ». Dans ces comédies qui virent à la satire sociale, il fait souvent appel aux acteurs amateurs et à l’improvisation.

'Au feu,  les pompiers !'
Toujours en 1967 sort le dernier film tchécoslovaque de Forman, « Au feu, les pompiers ! », nominé aux Oscars. Coproduit d’abord par Carlo Ponti et ensuite par François Truffaut et Claude Berri, le film sera jugé comme dévalorisant pour la classe ouvrière et interdit de distribution en Tchécoslovaquie.

'Vol au-dessus d’un nid de coucou'
En août 1968, Miloš Forman négocie, à Paris, le tournage de son premier film à l’étranger. Il prend ensuite le chemin de l’exil et s’installe à New York, en privilégiant, dit-il, « la pression commerciale à la pression idéologique ». Le succès ne se fait pas attendre : en 1975, Forman reçoit son premier Oscar pour « Vol au-dessus d’un nid de coucou », pour récidiver neuf ans plus tard, avec « Amadeus », tourné en partie à Prague.

Comment expliquer le succès international des films de Miloš Forman ? Voici la réponse du critique de cinéma Michal Procházka :

« Tout d’abord, Miloš Forman est quelqu’un qui aime filmer, raconter des histoires et aussi s’imposer, conquérir le public, conquérir l’Amérique. C’est son rêve qui l’a poussé à émigrer et à se construire cette carrière extraordinaire outre-Atlantique. Aussi, il a su s’adapter aux conditions de production différentes de celles qui existaient dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Il a su endosser le rôle d’un grand réalisateur américain, avec toute sa brillance et toute son intelligence. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle il est devenu le réalisateur le plus célèbre de la génération de la nouvelle vague du cinéma tchécoslovaque des années 1960. »

'Amadeus'
Orphelin, après la mort de ses parents en camps de concentration, Miloš Forman ne cache pas n’avoir jamais surmonté ce traumatisme d’enfance. « Outsider lui-même, il faisait des outsiders les héros de ses films », écrit Veronika Bednářová, journaliste qui connaît personnellement le réalisateur. Parmi ces « exclus », on trouve aussi bien McMurphy, qui se fait passer pour un fou pour échapper à la prison, que Mozart, un génie au milieu de la médiocrité…

Son 80e anniversaire, Miloš Forman a choisi de le célébrer dans l’intimité, dans sa demeure du Connecticut, avec son épouse tchèque Martina et ses fils Andy et Jim. Sa dernière visite à Prague date du printemps 2011.

Miloš Forman
A noter encore que les Centres tchèques dans le monde célèbrent également le 80e anniversaire de Miloš Forman : à New York, le mois de février est consacré au plus connu des réalisateurs tchèques, à Bruxelles, une rétrospective est prévue du 7 au 15 juin prochain.