Le rock de Wild Tides a surfé sur l'édition 2014 de Czeching
Faire sortir du lot un groupe indé tchèque pour qu’il ait l’opportunité d’être diffusé à l’étranger, c’est tout l’enjeu du projet Czeching, porté par le programme Čajovna (Salon de thé) sur la station de la Radio tchèque Vltava. Après plusieurs mois d’écoutes et de débats, son édition 2014 s’est achevée à la fin de l’année dernière avec la désignation du vainqueur par un jury composé de membres tchèques et internationaux, des critiques musicaux ou des professionnels de l’industrie musicale et de la radio. Et parmi six candidats, c’est du très bon qui a gagné en la personne de Wild Tides, une formation pragoise qui distille un rafraîchissant son « surf punk ».
« Chaque membre du jury choisit un groupe montant de la scène alternative, dont il pense qu’il pourrait trouver son public à l’étranger. Donc, nous avons six groupes et le jury désigne ensuite un vainqueur. Ensuite nous consultons les spécialistes des pays étrangers pour voir ce qu’ils pensent du groupe que nous avons sélectionné. Parce que il est bon d’avoir cet avis du jury tchèque mais en même temps ce marché de la musique alternative tchèque est relativement petit et nous connaissons tous très bien cette musique. Et donc nous pouvons être surpris car des experts venus d’autres pays peuvent apprécier des choses très différentes dans la musique tchèque. »
Les groupes finalistes avaient ainsi tous une originalité, une qualité à proposer, qu’il s’agisse de la pop assez sombre de Manon Meurt ou de celle, plus pétillante, du groupe Klara. Pour autant cela ne suffit souvent pas dans un marché saturé de bons et de très bons groupes. C’est ce que remarque l'un des membres du jury international, Hervé Riesen, qui travaille pour Radio France et a notamment dirigé la station du Mouv’, dont l’une des ambitions est justement de faire découvrir et émerger de nouveaux talents auprès d’un public « jeune ». Selon lui, et il se réfère au contexte hexagonal, un groupe, pour percer, va devoir disposer de multiples atouts mais aussi, d’une certaine façon, avoir la baraka :
« Malgré une période un peu de crise que nous traversons. Les gens achètent de moins en moins de musique enregistrée mais ils peuvent dépenser entre 50 et 100 euros pour aller voir un concert. C’est ce qui est très difficile pour les artistes aujourd’hui. Il faut qu’ils soient bons en composition, que leurs enregistrements soient bons. Il faut que l’environnement soit bon. Il faut qu’ils soient bons sur scène et qu’ils aient une originalité, une personnalité et une histoire. »Parmi les formations sélectionnées, Hervé Riesen avait un coup de cœur pour Kaplan Bros, un duo qui produit de la noise-pop pour le moins rythmé et revigorant mais pas forcément très radiogénique.
« Je suis attiré par leur côté très spécifique mais pour la radio, je pense que cela reste plus difficile. »
Ecoutons d'abord Kaplan Bros, groupe qui a un peu animé l’édition 2014 de Colours of Ostrava, le plus grand festival de musique actuelle en République tchèque, et puis un morceau sucré de Manon Meurt, plébiscité par les auditeurs tchèques, qui étaient appelés à voter, mais arrivé en seconde position dans le cœur et dans le scrutin des spécialistes.
Vous l’avez entendu, Manon Meurt chante en anglais, mais c’est en fait le cas de tous les groupes à avoir participé au programme de la Radio tchèque lors de cette édition 2014. A croire que la langue de Shakespeare est indispensable à l'artiste qui veut rencontrer un public non tchèque. Une question qui intéresse Iva Jonášová :
« L’un des groupes tchèques qui rencontrent le plus de succès à l’étranger est la formation Dva. Les étrangers pensent qu’ils chantent en tchèque mais il s’agit en fait d’une langue fictive, quelque chose entre des langues slaves et finno-ougriennes et c’est un succès. Donc la question de savoir si l’on doit exporter un groupe tchèque qui parle anglais, tchèque ou une toute autre langue est en débat au sein de l’équipe de Czeching mais il n’y a pas de position arrêtée. »
On l’a dit, c’est aux professionnels tchèque de sélectionner les groupes, qu’ils s’expriment en tchèque ou non. Pour le coup, les chansons en anglais de Wild Tides font sens, car de bon vieux rock anglo-saxon dont il s’agit. Le critique musical Pavel Turek a donc eu le nez fin en dénichant ce groupe, formé en 2011 et déjà auteur de deux EPs. Il présente ainsi son choix :« Il s’agit d’un trio composé de deux guitaristes et d’un batteur. Quand vous les écoutez, vous vous laissez envahir par toute une culture d’effronterie rock n’roll. C’est un gang qui débarque. Un énorme charisme ressort de cette formation qui fait en sorte de proposer une musique bien remuante. Eux-mêmes sont assez durs et lorsqu’ils prennent la parole entre leurs chansons, c’est assez corsé, et je crois que le résultat serait le même en anglais. Ils ne sous-estiment pas non plus leur communication sur les réseaux sociaux et créent des clips réfléchis. Le groupe s’inspire du rock et du punk-rock des années 1950 aux années 1970. »
Wild Tides a pu enregistrer cinq morceaux en profitant des infrastructures de la Radio tchèque. Les pistes ont été offertes aux stations membres de l’Union européenne de radio-télévision (EBU), qui ont désormais tout loisir de les diffuser. Le groupe va aussi proposer différents concerts à l’international, où ils se sont déjà produits, en accompagnant l’équipe de Czeching qui présentera son projet en particulier lors de la conférence Eurosonic aux Pays-Bas. Et selon Iva Jonášová, Wild Tides dégage une telle énergie en live que, celui qui ne les a pas déjà vu, ne peut pas même se l’imaginer.