Le roi Charles IV et la pianiste Alice Herz-Sommer vus par la presse

Charles IV

Le roi Charles IV et la pianiste Alice Herz-Sommer… C’est de ces deux personnages que l’on parlera dans cette émission hebdomadaire et qui ont retenu l’attention des journaux de cette semaine. Deux personnages d’époques, de destins, de parcours et de vocations foncièrement différentes.

« Charles IV, tel qu’il était »… L’hebdomadaire Respekt publie sous ce titre un article qui se réfère à un nouveau documentaire allemand qui montre le roi et empereur romain sous un jour qui est foncièrement différent de l’image glorieuse que l’on se fait de lui dans les pays tchèques.

Charles IV qui a vécu entre 1318 et 1378 et qui est souvent appelé « le père de la patrie » a toujours été un des souverains tchèques les plus appréciés. Les résultats d’une enquête télévisée qui a été effectuée en 2005 et au cours de laquelle les téléspectateurs ont été invités à choisir « la plus grande personnalité de notre histoire et de notre présent ayant vécu sur le territoire de la Bohême, de la Moravie ou de la Silésie » l’ont confirmé de façon on ne peut plus éloquente. Charles IV s’est placé en première position, devançant les très populaires présidents Tomas Garrigue Masaryk et Vaclav Havel.

Charles IV était-il vraiment tchèque et était-il profondément antisémite ? L’article cherche des réponses à ces deux questions que le documentaire diffusé dans le cadre de la série intitulée Les Allemands soulève. Son auteur écrit :

« Né à Prague, Tchèque et Allemand par sa mère, Luxembourgeois par son père, Charles IV parlait couramment l’allemand et plusieurs autres langues. Le tchèque, il ne l’a appris que difficilement dès son retour de France dans le pays. Mais insister sur la définition de sa nationalité, ce serait perdre du temps, car le concept de la nationalité tel quel n’est venu en Europe que beaucoup plus tard ».

Le journal Respekt souligne que le règne de Charles IV s’est déroulé dans une période très difficile pour l’Europe, tourmentée par des caprices climatiques se traduisant par des pluies, des inondations, des invasions d’insectes, ainsi que par des épidémies de peste. Il rappelle que la vie d’un souverain au Moyen âge était très dure : pour faire preuve de ses capacités, il devait participer activement à des batailles, entreprendre des voyages dangereux et peu confortables à travers l’Europe pour renforcer son autorité.

Le documentaire allemand quant à lui met en relief la responsabilité directe de Charles IV dans la vague de pogromes qui a déferlé sur le royaume sous son règne. L’article publié dans l’hebdomadaire Respekt s’interroge sur le rapport de Charles IV à l’égard des Juifs en cédant la parole à l’historien Frantisek Kavka qui écrit :

« Une grande vague de pogromes anti-juifs, provoquée par la prolifération de la peste, a envahi dès l’an 1348 l’Europe occidentale. La Bohême a été moins touchée. Des pogromes ont également eu lieu dans les pays tchèques, mais ils n’ont pas eu de dimensions comparables à celles courantes dans les pays de langue allemande. Seules deux villes tchèques ont connu d’importants pogromes : celles de Vratislav et de Cheb ».

Le journal cite un autre historien de l’époque médiévale, Zdenek Fiala :

Charles IV
« Sous contrainte financière, Charles IV avait l’habitude d’octroyer aux conseils municipaux qui lui ont donné des prêts, des garanties liées aux pogromes anti-juifs à la base desquelles la municipalité pouvait s’emparer de la propriété, des maisons et de l’argent des Juifs, volés ou tués. Il n’est guère étonnant que suite à une telle démarche des pogromes se soient succédés ».

« Plus tard », peut-on lire dans l’article, « Charles IV s’est employé à régler la situation juridique des Juifs dans les pays tchèques et à soutenir l’édification de leurs nouvelles habitations… Ceci dit, la cruauté des pogromes, des meurtres décrétés par Charles IV dépasse tout ce qui était habituel à cette époque-là et de ce fait ses actes méritent d’être condamnés ».

« Pour les Juifs, Charles IV ne saurait être considéré comme le plus grand parmi les Tchèques », conclut l’article publié dans l’hebdomadaire Respekt. Et d’ajouter :

« Les Juifs n’apprécieraient pas non plus son successeur Venceslas IV, car c’est sous son règne que le plus grand pogrome dans l’histoire des pays tchèques à éclaté (avant l’arrivée des nazis, bien sûr). En 1389, pendant les fêtes de Pâques, la foule, fanatisée par un prêtre, a anéanti près de 3 000 habitants du ghetto juif. Même si le roi Venceslas n’a pas initié cet acte violent, et même s’il a puni ses auteurs, il a tout de même gardé pour lui la propriété des Juifs assassinés ».

Alice Herz-Sommer
Alice Herz-Sommer est pianiste. Agée de 107 ans, elle consacre encore aujourd’hui trois heures par jour au piano. Elle a donné une centaine de concerts dans le ghetto de Terezin.

C’est ce que l’on peut lire en introduction d’un article paru dans l’édition de ce mardi du quotidien Lidové noviny qui brosse le portrait de cette femme et artiste hors du commun qui a passé une grande partie de sa vie dans les pays tchèques et qui est souvent présentée comme « une amie de Franz Kafka et son unique contemporain encore vivant ». Elle vit aujourd’hui à Londres.

Alice Herz-Sommer est née dans une famille juive aisée de Prague. Dès l’âge tendre, elle s’est initiée au jeu du piano pour devenir à l’âge adulte une excellente interprète, appréciée par la critique et aimée du public. Elle a épousé Felix Weltsch, un ami proche de Franz Kafka.

Sa vie a basculé avec l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale. En 1943, elle a été déportée avec son deuxième mari, Leopold Sommer, et avec son fils âgé alors de cinq ans, à Terezin. D’après ses propres mots, c’est la musique, notamment celle de Beethoven et de Chopin, qui lui a servi de réconfort, de moyen pour échapper à la sombre réalité.

Dès la fin de la guerre, Alice Herz-Sommer est partie avec sa famille pour Jérusalem avant de déménager en 1975 à Londres et de s’y établir pour de bon. Sa vie mouvementée a inspiré le livre intitulé « L’Eden au milieu de l’enfer » (Rajska zahrada uprostred pekla).

Vendredi dernier, à l’occasion de son 107ème anniversaire, le ministère tchèque de la Culture a décerné à Alice Herz-Sommer le prix Artis Bohemiae Amicis, destiné aux personnalités ayant contribué à la promotion de la culture tchèque à l’étranger. A cette occasion, elle s’est confiée au quotidien Lidové noviny:

« Depuis toujours, j’ai joué de la musique tchèque, surtout des morceaux de Dvorak et Smetana. Je l’ai joué non seulement à Prague, mais aussi à Jérusalem et à Londres. Cette musique fait partie de mon existence, elle m’a toujours aidée dans des moments difficiles de ma vie ».