Le web-documentaire, un moyen d’envisager le monde différemment

generation_what.jpg

Parallèlement au festival One World, 400 professionnels du film documentaire en provenance de toute l'Europe ont participé à l’East Doc Platform qui s’est tenu à Prague, à l’Institut Cervantès, la semaine dernière. En collaboration avec l’Institut du film documentaire, 220 documents en phase de développement, de production ou de post-production étaient inscrits au programme de ce qui constitue la plus importante manifestation du genre organisée en Europe centrale et de l’Est. Parmi les invités, Alexandre Brachet, un producteur français de web-documentaires qui fait participer la République tchèque à son programme « Génération Quoi »

Alexandre Brachet,  photo: Site officiel d'Institute of Documentary Film
A la tête d’UPIAN depuis sa création en 1998, Alexandre Brachet est à la fois homme d’affaires et activiste politique. Sa société conjugue, en effet, production de sites internet de médias français et création de web-documentaires engagés et novateurs.

East Doc Platform lui a permis de proposer son projet „Génération Quoi“. Et de quoi s’agit-il concrètement ? D’une série documentaire résultant d’une enquête menée auprès des jeunes. Selon son auteur, ce projet sociologique a pour dessein de laisser la parole à la jeunesse européenne dans son intégralité. Pas question ici d’exclure les discours les plus radicaux, l’objectif étant plutôt de proposer un reflet de la société européenne dans son ensemble. A Prague, Alexandre Brachet a donc présenté la version tchèque de ce programme :

« ‘Generation What’ est devenu un projet européen avec treize pays. C’est un moment assez intense et je suis un peu ému, car c’est la première fois que je vois le site tchèque se déployer. C’est un moment un peu particulier de voir que cet esprit européen que je défends évidemment prend corps aussi dans la coproduction des programmes. On va essayer d’interroger la jeunesse européenne pour montrer que celle-ci existe bien. »

Miser sur la jeunesse fait sens pour Alexandre Brachet. En promouvant la diffusion de programmes inédits uniquement sur internet, le producteur attire de facto un public plus jeune. Mais cette nouvelle façon d’envisager le documentaire, et plus largement la télévision, n’est pas seulement d’ordre générationnel. En collaboration avec ARTE, UPIAN s’efforce donc de réinventer le documentaire :

« Que puis-je faire sur internet que je ne peux pas faire à la télévision ? Il n’existe pas une seule réponse mais une réponse adaptée à l’histoire qu’on veut raconter. Par exemple, dans le dernier programme qu’on a produit ‘Do not track’, on aborde la question de la ‘privacy’, des données personnelles. Chaque fois que vous vous connectez sur internet avec vos téléphones ou vos ordinateurs, tout est enregistré et stocké par des entreprises privées. C’est là, selon nous, un sujet extrêmement important et on pense qu’il faut informer sur ce sujet pour qu’il y ait une prise de conscience. Pour raconter ce sujet de la ‘privacy’, on utilise internet d’une manière qui fait que c’est l’endroit idéal pour raconter cette histoire puisqu’on s’appuie sur les données de chaque spectateur pour fabriquer l’histoire. On va vraiment personnaliser le récit en fonction du lieu où on habite, du matériel qu’on utilise, mais aussi des données que l’on va récolter au fur et à mesure sur les spectateurs. »

L’interactivité est en effet l’intérêt du web-documentaire. Cette personnalisation, qui diffère des productions télé classiques, possède, selon Alexandre Brachet, un réel impact sur les téléspectateurs :

« La notion d’impact est quelque chose qui est inhérent au programme. Quelques chiffres : sur 1,2 million de téléspectateurs, 30% affirment que le programme a changé leur compréhension du sujet et 20% ont changé leurs habitudes de surf. »

Mais le producteur ne s’arrête pas à cette mission. La transition numérique des médias est aussi en adéquation avec son militantisme. Celui qui, en 2010, déclarait dans Télérama : « Plus j’avance, plus je me radicalise » a un avis bien délimité sur les problématiques qui frappent la société française. Partisan d’une création engagée, Alexandre Brachet veut repenser la société :

« En ce moment, en France, il y a un contexte politique assez particulier avec une extrême droite très puissante et une espèce de ventre mou formé par la gauche dont on ne sait plus bien ce qu’elle raconte et ce qu’elle veut dire. A force de regarder comment le monde fonctionne et comment les gens vivent, je pense que, forcément, on fait partie des gens les plus engagés qui portent les valeurs de progrès notamment sur les questions de société, de famille, de travail, d’immigration, de drogue, sur les questions d’accès au logement, d’éducation. En fait, il y a un réel besoin d’avoir un projet de société et c’est ce qui manque aujourd’hui. »

Direction donc sur le site UPIAN.fr pour consulter des web-documentaires en accès libre et participer à ce projet de révolution médiatique.