L’écrivaine Noëlle Châtelet à Prague : « Il n’y a pas d’âge pour aimer »

« La Femme coquelicot », en tchèque « Žena vlčí mák », est un roman de Noëlle Châtelet, adapté au théâtre en 2007 et joué avec un vif succès dans plusieurs pays. La première tchèque de la pièce s’est déroulée lundi au Studio Saint-Germain, la scène expérimentale du Rock Café à Prague qui présente régulièrement, en tchèque, des pièces du répertoire français. « La Femme coquelicot », monologue intime d’une actrice, raconte l’histoire d’une passion entre Marthe, une dame de soixante-dix ans, et Félix, un monsieur de quatre-vingt-dix ans. L’amour tardif : un des sujets tabou dans nos sociétés obsédées par le jeunisme que la romancière, essayiste et ancienne professeur d’université Noëlle Châtelet aborde dans son œuvre. Nous l'avons rencontrée avant la première praguoise de la pièce.

Noëlle Châtelet,  photo: Ji-Elle,  wikipedia
« La femme coquelicot, c’est une femme de soixante-dix ans, elle est dans l’ennui, dans le gris du quotidien. Grâce à l’amour, grâce au regard que porte sur elle un homme qui l’aime et qui la désire surtout, elle va entrer progressivement dans la couleur, puis dans le rouge, le rouge de plus en plus intense de la passion. Ce n’est pas une chose que j’ai vécue, mais je savais que ces histoires d’amour tardif existaient, qu’il y en avait beaucoup et qu’elles étaient cachées. J’ai eu envie d’en parler justement parce qu’on n’en parle pas. Il y a dans mon travail cette dimension un peu transgressive. Je crois beaucoup à la force de la littérature pour aller mettre de la lumière dans nos zones d’ombre. Parler des choses dont on ne parle pas… C’est à cela que servent les artistes et les écrivains, je crois. Je me suis dit ‘ce sujet-là, fondamentalement subversif, toujours caché, j’ai envie de le mettre dans la lumière’. Quand j’ai écrit ‘La Femme coquelicot’, j’ai reçu des centaines et des centaines de lettres, de femmes presque toujours, qui me disaient ‘merci de nous avoir sorti de l’ombre ! Moi, je suis une Marthe et grâce à vous, je vais peut-être oser le dire’. »

Il existe même des « clubs de femmes coquelicot » !

« Absolument, en Allemagne en particulier, où le livre a eu énormément de succès, je crois qu’il s’est vendu à 600 000 exemplaires, des femmes de 60 - 70 ans ont créé des clubs coquelicot. Elles s’y retrouvent toutes habillées en rouge et revendiquent l’amour tardif. C’est magnifique ! »

La pièce a également été jouée dans des maisons de retraite.

« Justement, pour poursuivre ce travail militant, j’ai souhaité montrer ce spectacle dans les maisons de retraite et aussi dans les hôpitaux, dans les services de gériatrie, où ce tabou existe également. C’est-à-dire qu’on laisse rarement les personnes s’aimer librement. Il faut arriver à changer le regard des gens sur ces amours-là, leur faire comprendre qu’elles sont aussi belles que les amours de jeunesse. Même peut-être plus belles. »

« La Femme coquelicot », une mise en scène de Jaromír Janeček, avec Hana Maciuchová dans le rôle de Marthe, c’est au Rock Café, sur l’avenue Národní, dans le centre de Prague. Les prochaines représentations auront lieu le 17 octobre et le 7 novembre.