Leni Riefenstahl : le mythe dévoilé
Du 3 décembre au 2 février prochain, la Galerie Leica, à Prague, accueille l'exposition itinérante, partie de Hambourg et consacrée à la très controversée Leni Riefenstahl, danseuse, actrice, puis réalisatrice et photographe étroitement liée aux cercles nazis et en même temps précurseur de procédés filmographiques modernes. Entretien avec Jana Bömerova, directrice de la Galerie Leica.
« Cela fait sûrement mal aux photographes qui l'admiraient, de découvrir soudain qu'elle n'a pas fait ces photos. Ici, on peut voir qu'elle a commencé comme danseuse, puis comme actrice, il y a aussi des photos du Troisième Reich, mais le thème principal, c'est Olympia : il s'agit de photographies qui lui sont totalement attribuées, tout le monde pense que ce sont ces photos qui l'ont rendue célèbre, mais ce qui l'a fait connaître, c'est le film qu'elle a réalisé, alors que ces photos ont été prises par d'autres photographes. Elle n'a pas pris une seule de ces photos ! C'est le premier mythe que nous détruisons ici. »
Leni Riefenstahl a aussi fourni différentes versions sur ses liens avec Hitler : entre dénégation totale et emphase dans ses mémoires où elle dit être « tombée amoureuse » de lui en le voyant en photo... Jana Bömerova :
« Elle a contrôlé son passé un peu comme ça l'arrangeait. Et ici, on peut voir qu'il lui rendait visite chez elle, qu'ils se rencontraient, que c'était réellement un de ses proches. On voit aussi quelles étaient les conditions de travail de Leni Riefenstahl, et que pour filmer, elle a bénéficié d'un budget comme en reçoit aujourd'hui Spielberg. Elle avait toutes les conditions réunies pour atteindre un très haut niveau de qualité, à la différence d'autres projets. D'un autre côté, elle était absolument géniale, car elle a proposé de véritables innovations. Il y a là des photos qui témoignent du fait qu'elle avait installé des cameramen sous terre, pour avoir une autre perspective lorsque les tanks passeraient par-dessus. Elle avait vraiment une autre vision et, jusqu'à aujourd'hui, le sport et les événements sportifs se filment tels qu'elle l'a inventé. »
Difficile de faire rapidement une croix sur le passé de la réalisatrice, car même d'un point de vue esthétique, son obsession évidente d'une beauté idéale du corps humain, tant dans ses films, somme toute, de propagande, que dans ses oeuvres postérieures en Afrique, évoquent l'obsession hitlérienne de la perfection et d'une pureté des corps. Entre fascination et répulsion, cette exposition sur Leni Riefenstahl remet les pendules à l'heure et permet au visiteur de se confronter à la complexité de l'histoire allemande à travers le destin d'un de ses enfants terribles.